Le troisième axe de notre proposition de loi appelle à faire émerger et à développer des usages du numérique écologiquement vertueux. Il s'agit d'économiser les données afin de réduire les flux qui transitent et qui correspondent à de l'énergie consommée.
L'article 15 vise tout d'abord à ce que les opérateurs privilégient des modalités de tarification des forfaits mobiles incitant les consommateurs à favoriser la connexion filaire ou par accès wifi au détriment de la connexion impliquant une consommation de données mobiles. Je le rappelle, le visionnage d'une vidéo en 4G consomme en moyenne quatre fois plus d'énergie qu'une vidéo visionnée via wifi. Les opérateurs pourraient formaliser ces initiatives au travers d'engagements souscrits auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), prévus à l'article 23 de la proposition de loi.
La proposition de loi comporte d'autres mesures s'inscrivant dans ce troisième axe relatives à l'écoconception et inscrites dans notre rapport de juin : à l'article 16, obligation d'écoconception des sites publics et des plus grandes entreprises ; à l'article 17, obligation d'inscription, dans le rapport RSE des fournisseurs de contenus, des informations relatives aux stratégies et techniques déployées pour capter l'attention des utilisateurs, les dark patterns ; à l'article 18, obligation d'adapter la qualité de la vidéo téléchargée à la résolution maximale du terminal ; aux articles 19 et 20, interdictions de la lecture automatique de vidéos et du défilement infini.
Nous vous proposerons plusieurs amendements pour améliorer cet axe du texte, afin notamment d'accroître l'applicabilité et l'impact des articles relatifs à l'écoconception.
Premièrement, nous proposerons de limiter l'obligation d'écoconception de l'article 16 aux plus gros fournisseurs de contenus. Cette modification facilitera la mise en oeuvre de cette mesure, sans en réduire la portée ; une part très importante de la bande passante, environ 80 %, est aujourd'hui occupée par un nombre très limité d'acteurs.
Deuxièmement, nous vous proposerons un amendement tendant à créer un référentiel général de l'écoconception, auquel devront se conformer les fournisseurs assujettis à l'article 16. Le recours à un référentiel général normé et évolutif nous semble préférable à une régulation s'appuyant sur une somme d'interdictions législatives, par nature rigide et non exhaustive, en raison de la mutation constante des contenus et pratiques numériques. Nous vous proposerons ensuite de supprimer les articles 18, 19 et 20, qui seront pleinement satisfaits par l'introduction du référentiel, lequel permettra d'agir en amont. Nous souhaitons également que ce référentiel intègre des critères permettant de limiter le recours aux stratégies de captation de l'attention des utilisateurs, afin de rendre plus opérationnelle et plus contraignante la disposition initialement prévue à l'article 17, qui ne prévoyait qu'une inscription d'informations relatives à ces dark patterns dans les bilans RSE des fournisseurs de contenus. Nous vous proposerons également de supprimer l'article 17.
Il me reste à vous présenter les orientations sur le chapitre IV de la proposition de loi, visant à aller vers des centres de données et des réseaux moins énergivores.
L'article 21 de la proposition de loi prévoit que les centres de données souscrivent à des engagements pluriannuels contraignants de réduction de leur impact environnemental. À l'article 22, la proposition de loi vise à conditionner l'avantage fiscal dont bénéficient les centres de données sur la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) à des critères de performance environnementale minimaux.
Depuis le dépôt de la proposition de loi, le Gouvernement a fait inscrire, dans le projet de loi de finances, un dispositif s'inspirant de l'article 22 de la proposition de loi. Cela dit, le Sénat a adopté, sur l'initiative de la commission des finances et de la commission des affaires économiques, un amendement bien plus ambitieux au projet de loi de finances ayant pour objet de prévoir que cet octroi du tarif réduit de TICFE soit conditionné à l'atteinte d'objectifs pluriannuels d'accroissement de l'efficacité énergétique et de réduction des consommations d'eau, ainsi qu'à la valorisation de la chaleur fatale, considérant que le dispositif adopté dans le cadre du projet de loi de finances ne constituait pas une incitation fiscale réelle au verdissement des centres de données. Cette proposition n'a malheureusement pas été retenue par l'Assemblée nationale. Nous estimons que la proposition formulée par le Sénat pourrait être réaffirmée dans ce texte.
À l'article 23, la proposition de loi prévoit que les opérateurs de réseaux souscrivent à des engagements pluriannuels contraignants de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre et de leurs consommations énergétiques. Le respect de ces engagements serait contrôlé par l'Arcep, avec, le cas échéant, le recours à son pouvoir de sanction. Cette disposition offrirait un cadre de régulation pertinent, à l'heure où les consommations et les émissions des réseaux pourraient augmenter avec le déploiement de la 5G. En somme, cette régulation constituerait une réponse concrète aux craintes légitimes relatives à l'impact environnemental du déploiement de la 5G ; cela objectiverait le débat.
Nous vous proposerons de renforcer le volet de la proposition de loi relatif aux réseaux, en précisant que les engagements environnementaux devront être souscrits auprès de l'Arcep par les opérateurs, au plus tard en 2023. Dans ce cadre, nous vous soumettrons un amendement prévoyant que les opérateurs s'engagent à réduire les impacts environnementaux associés à la fabrication et à l'utilisation des box mises à disposition de leurs abonnés, dans la continuité d'une recommandation de notre rapport d'information de juin dernier.
Ce texte évoluera au cours de la discussion et nous pourrons y ajouter un axe, sur la promotion d'une stratégie numérique responsable dans les territoires.
Enfin, nous devons proposer à la commission un périmètre pour l'établissement du texte de la commission au regard de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du règlement du Sénat relatifs aux cavaliers. Je vous propose de retenir dans le périmètre du texte les sujets suivants : éducation et formation à la sobriété numérique ; information des utilisateurs - consommateurs, entreprises et administrations - sur l'impact environnemental du numérique ; production de données et de connaissances objectivant les impacts et les gains environnementaux associés au numérique ; prévention et gestion des déchets d'équipements numériques, réemploi, réutilisation et réparation d'équipements numériques ; lutte contre l'obsolescence programmée et logicielle ; commande publique de biens et services numériques exemplaires ; réduction de l'empreinte environnementale des usages et contenus numériques ; réduction de l'empreinte environnementale des centres de données ; réduction de l'empreinte environnementale des réseaux numériques ; mobilisation des outils numériques pour réduire l'impact environnemental d'activités et de secteurs tiers.