Intervention de Éric Kerrouche

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 décembre 2020 à 9h30
Audition de M. Dominique Perben à la suite de son rapport sur l'avenir de la profession d'avocat

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche :

Les auditions ont été importantes pour entendre des points de vue différents et ont permis une certaine exhaustivité dans des délais contraints. Nous partageons certains points de vue du rapport, mais non la totalité.

Le secret du vote est, certes, lié à l'isoloir mais la normalisation des bulletins de vote y a aussi beaucoup contribué. Le vote est un acte social et non individuel. On ne peut pas éviter des pressions familiales et sociales.

Penser que les modalités de vote n'auraient pas de conséquences sur le taux de participation est une vue de l'esprit, même si le lien n'est pas linéaire. Plus on limite la capacité à voter, moins les électeurs participent. Cela peut même être une stratégie électorale, comme dans certains États américains....

D'un point de vue structurel, l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale (IDEA) rappelle que le vote par procuration est très minoritaire en Europe car le secret du vote ne peut pas être maintenu. Souvent, il n'y a aucun moyen de vérifier que le mandataire vote comme prévu !

De nombreux pays limitent le nombre de procurations par électeur pour éviter des manipulations. Le vote par procuration laisse plus de place à la coercition et aux pressions extérieures, qui contraignent la liberté de vote. Le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme (BIDDH) de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a d'ailleurs préconisé de revoir le vote par procuration.

La « double procuration » est compréhensible en cas de pandémie, mais pose problème si elle perdure : elle irait à l'encontre de l'objectif recherché, car on a beaucoup plus de facilités à faire des procurations.

Socialement, le vote par procuration soutient la participation de ceux qui votent le plus : c'est le vote des habitués du vote. Il déforme encore plus l'électorat et ne constitue pas un dispositif adapté pour lutter contre l'abstention.

Je le répète : si l'on peut comprendre l'utilité ponctuelle d'une « double procuration » dans le contexte pandémique, elle ne doit pas devenir systématique. Nous sommes en désaccord avec le rapporteur sur ce point. C'est une erreur fondamentale de penser qu'il y aurait une « naturalité » du vote par procuration, alors qu'il s'agit d'un construit social qui ne fonctionne pas bien.

Je rejoins les interrogations de Marie-Pierre de La Gontrie sur le vote par correspondance « papier ». L'allongement du délai entre les deux tours de scrutin n'est pas une vraie raison pour repousser cette modalité de vote : il s'agirait d'un changement de degré de nos procédures électorales, non de nature.

La proposition de loi que j'ai déposée présente des solutions concrètes pour mettre en oeuvre le vote postal, déjà validées par le Sénat dans au moins trois textes.

Arrêtons d'avoir une vision « nombrilo-centrée » : de nombreux pays utilisent déjà le vote par correspondance « papier ». L'exemple suisse, que ce soit dans des études ponctuelles ou longitudinales, montre que les fraudes restent marginales.

Vous nous dites qu'il faudra mettre en place le vote postal, mais ce n'est jamais le bon moment... Si les propositions sur le vote par procuration sont maintenues en l'état, le groupe Socialiste, écologiste et républicain (SER) ne pourra pas se rallier aux conclusions de la mission d'information.

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