Lorsque j'ai évoqué une durée de 85 jours, je visais exclusivement la persistance des anticorps et pas la protection du sujet. On ne sait pas du tout aujourd'hui comment ces vaccins protègent, et on ne le saura vraisemblablement pas avant un an.
Nous disposons en revanche de renseignements sur leur réactogénicité, c'est-à-dire sur leurs effets à très court terme (24-48 heures). On doit à cet égard s'attendre à quelques effets secondaires, souvent non sévères, comme le mal de bras, la fatigue ou la fièvre légère. On ne sait rien des effets secondaires à plus long terme après 6 mois après vaccination. On apprendra sans doute beaucoup des vaccins à grande échelle lancés depuis novembre au Royaume-Uni et aux États-Unis ; d'ici deux ou trois mois, nous aurons alors un recul beaucoup plus net, fourni par le résultat des essais cliniques et le déploiement à l'étranger de ces vaccins à l'échelle nationale.
Madame Jacquemet, nous suivons bien la persistance des anticorps chez les convalescents, mais seul le temps va nous permettre de connaître la durée et l'efficacité de ces anticorps. À ce stade, il nous manque un corrélat de protection, c'est-à-dire une preuve indirecte, le plus souvent sérologique, de l'existence d'une protection contre une maladie. Pour des gens qui ont guéri de la covid-19, on ne peut que constater, sans rien en déduire, une certaine diminution du taux d'anticorps, ce qui nous a conduits à recommander qu'ils maintiennent leur degré de protection et de distanciation.
Madame Cohen, le retard pris par le vaccin Sanofi s'explique par le fait que la formule a montré de bons résultats dans les essais cliniques uniquement chez les personnes jeunes, mais pas chez les personnes âgées. L'entreprise a donc décidé d'améliorer sa formule en conséquence.
Enfin, pour confirmer les propos de Mme Bouvet, je ne pense pas que nous vivrons une pénurie de vaccins, mais il est certain que nous ne disposerons pas de tous les vaccins possibles de façon simultanée. La France et l'Union européenne ont eu l'intelligence d'investir dans plusieurs plateformes et seront fournies en vaccins de type « ARN messager », en vaccins de type adenovirus et en vaccins - comme celui de Sanofi - fondés sur des protéines. Il ne sera certainement pas possible de tout avoir à la fois.
Du fait en outre de la compétition entre pays, les fabricants ne pourront pas promettre des vaccins non payés avant la fin 2021. Les vaccins les plus efficaces seront sans doute aussi les plus disponibles mais nous n'aurons pas en 2021 tous les vaccins en quantités suffisantes pour vacciner tout le monde. Nous n'aurons donc pas, comme au restaurant, la possibilité de choisir notre vaccin à la carte. La HAS aura donc un rôle crucial pour déterminer l'efficacité de tel vaccin pour tel segment de population ; celui qui se révèlerait plus efficace chez les personnes âgées pourrait par exemple leur être réservé, les autres ayant dans un premier temps accès à d'autres vaccins moins efficaces chez les personnes âgées. Tout cela sera donc extrêmement compliqué. Les recommandations de la HAS se feront naturellement au fil de l'eau, au fur et à mesure des progrès des connaissances.