Je suis très honoré de me retrouver devant vous pour candidater au renouvellement de mon mandat.
J'ose lire dans la volonté du Gouvernement de me proposer un quatrième mandat le signe d'une confiance dans la capacité de Pôle emploi à prendre sa part dans la lutte contre la crise économique et sociale que traverse notre pays. J'espère que cette confiance est la reconnaissance à l'égard de la profonde transformation engagée depuis 2012 et des résultats obtenus en conséquence, mais surtout à l'égard de la très forte mobilisation des collectifs de Pôle emploi, dont je veux saluer l'engagement et le grand professionnalisme au profit des demandeurs d'emploi et des entreprises.
Avant d'en venir aux transformations que j'envisage pour les années à venir, tant dans notre offre de services que dans notre organisation interne, je veux préciser la manière dont Pôle emploi se mobilise pour la réussite du plan de relance. Cette mobilisation est notre priorité majeure depuis l'été dernier, de manière adaptée à chaque territoire, en lien avec nos partenaires.
Nous avons trois priorités.
Notre première priorité est de contribuer au plan gouvernemental « 1 jeune, 1 solution » ; pour ce faire, nous mobilisons tous les dispositifs existants afin d'accompagner le plus intensivement possible les jeunes. Nous nous appuyons sur la possibilité d'augmenter le nombre de jeunes que nous accompagnons de façon intensive, dans le cadre de l'accompagnement intensif des jeunes (AIJ). Cela bénéficiera à 135 000 jeunes en 2020 et à 240 000 en 2021. Nous faisons la promotion des contrats d'insertion - contrats marchands ou parcours emploi compétences -, des aides à l'embauche et nous mobilisons nos actions de formation. En outre, nous rappelons systématiquement les recruteurs qui déposent une offre à destination d'un jeune sur notre plate-forme 1jeune1solution.gouv.fr et nous aurons organisé d'ici à la fin de l'année 3 000 événements de recrutement dédiés aux jeunes.
Notre deuxième priorité consiste à aider les entreprises à réduire leurs délais de recrutement. Nous nous sommes mobilisés prioritairement sur les secteurs visés par le plan de relance, en organisant dans chaque agence de Pôle emploi quatre événements mensuels, des « job datings » de la découverte de métiers ou de la promotion d'actions de formation. Nous menons avec les professions du BTP et du grand âge des actions de qualification des profils, pour répondre à leurs besoins urgents.
Le troisième volet est l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi. Pour ceux qui alternent chômage et travail, nous voulons favoriser une reprise d'emploi aussi rapide que possible. Dès l'été dernier, nous avons lancé deux nouvelles prestations prises en charge par des opérateurs privés. Pour les personnes qui ont perdu un emploi dans un secteur en restructuration, qui n'en retrouveront pas dans ce secteur à court terme, l'enjeu est de favoriser la reconversion, au travers d'ateliers pour identifier leurs compétences transférables dans un autre secteur ; les entreprises attachent maintenant beaucoup d'importance au savoir-être professionnel, que notre prestation ad hoc permet de valoriser, avec un taux de satisfaction supérieur à 95 %. Pour les plus éloignés de l'emploi - jeunes ou personnes en situation de handicap -, notre objectif est d'éviter l'enfermement dans le chômage de longue durée, grâce à des accompagnements intensifs, des formations, des emplois francs ou des parcours emploi compétences.
Nos résultats semblent assez bons ; nous atteindrons l'objectif de 135 000 jeunes accompagnés de manière intensive, grâce aux recrutements que nous avons obtenus. En ce qui concerne le grand âge, nous avons travaillé sur l'attractivité du métier et sur des parcours de formation permettant de répondre aux besoins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et des services à domicile. Pour ce qui concerne le BTP, nous avons des relations partenariales avec les acteurs de ces professions ciblées autour de la préparation de candidats à des job datings. Le nombre d'entretiens a augmenté fortement au cours des derniers mois. Nous en attendons des résultats prochainement.
Nous devons nous adapter à la crise et nous avons eu des renforts significatifs : nous avons recruté 2 150 conseillers supplémentaires entre septembre et octobre, dont 650 qui se consacrent à l'accompagnement intensif des jeunes. Ces renforts nous permettent pour l'instant d'absorber l'augmentation de la charge, mais nous rencontrons régulièrement Mme Borne, ministre du travail, pour faire le point sur le sujet. Nous sommes donc mieux armés qu'en 2008 et nous espérons pouvoir réagir vite aux évolutions du marché du travail.
Je veux aborder maintenant mes projections pour l'avenir.
La crise que nous traversons ne doit pas remettre en cause la nécessité de continuer à transformer les services de Pôle emploi pour les rendre plus efficaces. Nous devons poursuivre nos efforts, en portant quatre ambitions.
En premier lieu, nous devons être toujours plus efficaces sur l'indemnisation. Si l'on veut sécuriser les demandeurs d'emploi et leur permettre de se consacrer pleinement à la recherche d'un emploi, il faut d'abord répondre à leurs attentes en la matière. Nous avons un socle solide ; nous avons mis en place les réformes successives de l'assurance chômage et les dispositifs d'aide exceptionnelle, tout en maintenant un niveau de qualité élevé. Les demandes d'allocation sont traitées en huit jours en moyenne.
Toutefois, nous avons devant nous des transformations majeures. Les demandeurs d'emploi peuvent contacter un conseiller référent pour l'accompagnement, mais ils n'en ont pas pour l'indemnisation ; le déploiement du conseiller référent « indemnisation », à partir d'avril 2021 doit corriger cette asymétrie. Cela permettra à nos conseillers de donner des conseils plus personnalisés et d'intervenir de manière proactive.
Par ailleurs, nous allons poursuivre le mouvement de dématérialisation, pour rendre plus efficiente la gestion des dossiers et des pièces justificatives, afin de donner aux conseillers la capacité de se consacrer pleinement au conseil. Nous devons améliorer, en lien avec l'Unédic, la gestion des trop-perçus, pour en limiter le nombre et faciliter leur traitement ; nous avons également une préoccupation de lutte contre la fraude.
En deuxième lieu, nous voulons être un service public qui accompagne chacun vers l'emploi selon ses besoins et qui accorde une attention particulière aux publics les plus touchés par la crise. Les parcours des demandeurs d'emploi sont de plus en plus discontinus et exigent un accompagnement personnalisé, surtout pour les publics fragiles touchés par la crise. L'objectif est de faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin, au moment où ils en ont le plus besoin.
Nous avons installé des fondamentaux solides ; notre offre de services d'accompagnement est personnalisée, selon l'éloignement à l'emploi et nous avons développé un accompagnement intensif pour ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi. Cet accompagnement mobilise plus du tiers de nos conseillers.
Notre offre de services s'est intensifiée et diversifiée grâce au numérique et aux relations partenariales que nous entretenons avec les collectivités ; je pense en particulier aux conventions de partenariat renforcé avec les départements, qui nous ont permis de mettre en place l'accompagnement global, afin d'appréhender les difficultés de retour à l'emploi et les freins sociaux. Nous avons également renforcé nos relations avec les régions.
Nous avons constaté une forte progression du nombre de retours à l'emploi, notamment de plus d'un mois et une hausse continue de la satisfaction des demandeurs d'emploi sur leur suivi. En novembre, ce taux était supérieur à 80 %.
Cela dit, nous devons également poursuivre les transformations en la matière, pour franchir un nouveau cap, en améliorant nos capacités de diagnostic ; c'est l'objet de notre projet « pack de démarrage », qui consiste à substituer à l'entretien initial de quarante minutes un programme de deux demi-journées de diagnostic avec séquences collectives et individuelles, afin de porter un diagnostic initial de meilleure qualité. C'est un sujet majeur, suspendu aujourd'hui pour des raisons sanitaires, car il repose sur des actions collectives. Il faudra le déployer quand la charge sera plus stable ; nous n'avons pas encore de calendrier précis. Nous souhaitons en outre coupler ce projet avec le Journal de la recherche d'emploi, présent dans deux régions, qui permet d'avoir des informations mensuelles sur l'évolution de la situation des demandeurs d'emploi.
Dès le premier semestre de 2021, nous mettrons en place un suivi plus numérique et plus collectif pour les demandeurs d'emploi les plus autonomes, ceux qui ont le moins besoin de nous. Nous voulons travailler sur un accompagnement ciblé sur les moments clefs.
Enfin, nous souhaitons mieux repérer les compétences transverses, afin de donner plus de corps à l'approche par les compétences, sur laquelle nous avons beaucoup avancé au cours des dernières années. C'est notamment l'enjeu de la rénovation de notre référentiel ROME, le répertoire opérationnel des métiers et des emplois.
En troisième lieu, nous voulons être un service public reconnu comme un partenaire de confiance des entreprises. Le volume d'offres d'emploi reste important, même s'il diminue et, en période de crise, on comprend encore moins qu'en période normale que des offres restent non pourvues. Nous avons mis en place des conseillers spécialisés dans la relation avec les entreprises ; c'était une forte innovation par rapport au modèle historique de Pôle emploi ; nous en comptons aujourd'hui 5 700. Nous avons développé une offre de service plus ambitieuse grâce à ces conseillers. Nous contactons, dans les trente jours, toutes les entreprises ayant déposé une offre qui n'a pas été pourvue, pour étudier la manière d'y trouver une réponse. Nous voulons également rendre plus claire notre palette de services, car elle est difficilement accessible aux entreprises.
Nous avons des résultats encourageants. Le taux de satisfaction des entreprises recourant à Pôle emploi était de 85 % en novembre dernier. Le délai de satisfaction des offres diminue : il était de trente-deux jours en octobre, soit treize de moins qu'il y a un an, même si c'est aussi lié au fait d'avoir moins d'offres.
Toutefois, nous souhaitons déployer, vers d'autres secteurs en tension, nos actions de qualification des profils pour le BTP et le grand âge. Nous souhaitons développer des groupes de travail régionaux pour faire mieux connaître notre offre de services, afin que celle-ci soit plus mobilisée par les entreprises. Nous nous appuierons également sur des outils, en cours de développement, issus de l'intelligence artificielle, afin que le conseiller puisse détecter dès le dépôt d'une offre d'emploi les difficultés potentielles de recrutement au regard du marché du travail et recommander des solutions.
Nous travaillons par ailleurs à la préparation, par les conseillers entreprises, des candidats au premier entretien de sélection ; c'est une clef du recrutement. Nous souhaitons nous appuyer sur le réseau des opérateurs de compétences (OPCO) pour mutualiser nos présences territoriales respectives.
En quatrième lieu, enfin, nous voulons nous appuyer fortement sur nos partenaires locaux afin d'enrichir notre action. Ma conviction est que Pôle emploi ne peut réussir seul ; il ne réussira que s'il s'inscrit efficacement dans un écosystème, avec des objectifs partagés avec nos partenaires. Nous devons progresser dans la contractualisation avec les départements, afin de réussir ensemble à augmenter le nombre de bénéficiaires de l'accompagnement global, conformément aux ambitions de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Avec nos collègues du réseau Cap emploi, nous travaillons au déploiement, d'ici à la fin de l'année, d'une offre de services intégrée, au profit des demandeurs d'emploi en situation de handicap. C'est un projet de grande ampleur qui nous permettra de franchir un saut qualitatif majeur.
Nous devons simplifier le parcours des jeunes et travailler plus efficacement avec les missions locales. Le plan « 1 jeune, 1 solution » est une très belle opportunité pour le faire et, sur le terrain, des initiatives très intéressantes se font jour. L'objectif est d'intensifier, dans une logique de complémentarité et d'efficacité, tous nos partenariats : avec l'insertion par l'activité économique, avec l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) et avec les régions, chefs de file en matière de formation professionnelle.
Avant de conclure, je veux dire un mot rapide sur l'autre volet de notre stratégie, relatif à l'organisation interne. Nous devons continuer d'innover et de tirer parti des avancées technologiques ; nous devons investir massivement dans le numérique et franchir un nouveau pas, afin de rester à la pointe de son utilisation, tout en ayant une attention soutenue à l'intégration numérique.
Deuxième enjeu interne, nous devons travailler à la performance par la confiance, qui consiste à donner le maximum de marges de manoeuvre aux acteurs locaux, pour leur permettre de soutenir les innovations.
Enfin, comme opérateur public important, nous avons une responsabilité sociale et environnementale, avec deux priorités : l'accessibilité de nos services - l'accessibilité physique est intégrale, nous devons progresser en matière d'accessibilité numérique - et notre impact environnemental pour diminuer notre empreinte carbone.
J'en termine en vous disant ma conviction : Pôle emploi peut se mettre au service des élus et de leurs priorités. J'en suis persuadé, la mobilisation des collègues de Pôle emploi dans cette crise est remarquable ; je salue de nouveau, devant vous, leur engagement et leur professionnalisme.