Nous avons encore des difficultés de recrutement, même si le volume des offres a diminué. Dans cette situation de chômage important, c'est un paradoxe, que nous avons beaucoup de mal à expliquer, et qui suscite d'ailleurs des analyses parfois très critiques. La réponse est d'agir au plus près du terrain, en travaillant sur les compétences. Au-delà des compétences techniques, les chefs d'entreprise cherchent de la motivation et du savoir-être professionnel. Nous devons faire connaître des métiers, surtout ceux qui ont du mal à recruter, en expliquant quelles sont les conditions de travail, au besoin en faisant venir des personnes qui exercent ces métiers. Enfin, il y a des déséquilibres territoriaux frappants. Dans le Choletais, nous avons été associés à une action consistant à aller chercher des compétences dans d'autres régions. Il faut monter des dispositifs ambitieux pour aller au-delà de la mobilité résidentielle.
Notre objectif premier est de convaincre les entreprises que nous sommes là pour elles. Celles qui travaillent avec nous affichent un taux de satisfaction de 85 %. Il reste une marge de progrès.
Sur la situation des handicapés, il y a aussi un paradoxe, puisque les entreprises ont une obligation légale et se demandent parfois comment la remplir. Nous avons beaucoup travaillé sur la question. Une solution est le rapprochement avec le réseau Cap emploi. Certains de nos conseillers doivent être capables d'expliquer à des PME ou à des TPE ce que veut dire l'embauche d'une personne en situation de handicap, afin d'aider à vaincre des stéréotypes. Nous espérons ainsi susciter des recrutements. Mais les dispositifs anti-discrimination interdisent à une entreprise de publier une offre spécifiant son désir de recruter une personne en situation de handicap...
Les volontaires du service civique à Pôle emploi ont été représentés dans un reportage de Cash Investigation, émission qui a tendance à ne retenir que les témoignages qui confirment ses thèses. Nous sommes le deuxième opérateur qui recourt aux volontaires du service civique : entre 3 000 et 4 000 par an. Nous l'avons fait dans le cadre de la numérisation de nos services, car nous avons rendu obligatoire l'inscription à Pôle emploi par numérique. Cela nous a imposé de laisser la possibilité à ceux qui ne maîtrisent pas le numérique de venir en agence pour travailler avec les outils numériques. Or l'ambition des volontaires du service civique est de prendre un engagement sociétal au profit, notamment, des personnes en difficulté. Aider des personnes à acquérir des compétences numériques dans les agences pour l'emploi, cela répond à l'objectif de la mission, à mon sens.
Le reportage a pointé un cas où un volontaire du service public fait autre chose. Ce n'est pas normal, sans aucun doute. En principe, dans nos agences, les volontaires sont dans les halls d'accueil, portent des gilets bleus et font une activité qui est conforme à la mission. Leur activité rend service aux demandeurs d'emploi, sans être une activité de conseillers : ils ne touchent pas à notre coeur de mission.
Lorsqu'on interroge ces jeunes en service civique sur leur satisfaction vis-à-vis de Pôle emploi, ils sont satisfaits à hauteur de 80 %. Et quand on regarde ce qu'ils deviennent quand ils ont fini leur mission de service civique, ils sont à 70 % en emploi, en formation, ou ont repris leurs études. Nous sommes donc parfaitement cohérents avec la mission du service civique. Il ne faudrait pas qu'un cas particulier jette l'opprobre sur l'ensemble du dispositif. Je vous suggère d'ailleurs de regarder les tweets qui ont été publiés le soir de l'émission : beaucoup critiquaient le reportage. Et, deux jours après, dans Ouest-France, un article témoignait de l'expérience de trois volontaires du service civique, de manière rassurante pour l'image des services publics à Pôle emploi.
La taille des portefeuilles, loin d'être secrète, est publiée. Il y a plusieurs catégories de portefeuilles, puisque notre stratégie a été de différencier l'accompagnement. L'accompagnement renforcé est supposé traiter la situation de ceux qui sont le plus en difficulté. L'accompagnement global ajoute une dimension liée aux travailleurs sociaux des départements. Et, à l'autre bout de la chaîne, il y a ce que l'on appelle le suivi, pour des gens qui sont autonomes, avec un accompagnement très numérique.
En accompagnement global, un conseiller, en moyenne nationale, traite 60 demandeurs d'emploi. En accompagnement renforcé, ce chiffre monte à 92. En accompagnement guidé, il est de 200, et en suivi, de 350. Ce dernier chiffre ne me choque pas, et pourrait même être augmenté, puisqu'on s'adresse à des personnes qui sont autonomes, auxquelles on peut répondre si elles ont un problème, mais qui n'ont pas besoin d'un accompagnement régulier. Ces personnes ont besoin de Pôle emploi d'abord pour leur indemnisation, et pour répondre à des questions. Avec un suivi plus numérique et un réseau social interne qui met en relation les demandeurs d'emploi entre eux, on peut aller au-delà de 350. En suivi renforcé, le chiffre de 92 me paraît dans la limite haute. Et sur le suivi guidé, c'est trop : un conseiller ne peut connaître parfaitement un portefeuille de 200 personnes !
Nous devons fournir à nos conseillers le moyen de mieux connaître leur portefeuille en fonction d'outils que nous leur donnerons. Dans le journal de la recherche d'emploi que nous mettons en place en Bourgogne-Franche-Comté, les demandeurs d'emploi nous indiquent ce qu'ils font : nous sommes alors capables de leur suggérer des services et de repérer ceux qui sont en train de décrocher, par exemple s'ils ne déclarent plus rien pendant trois mois.
Nous ne sommes pas dans la politique du chiffre. Notre objectif est le taux de satisfaction, ce qui exclut de faire du chiffre.
Vous évoquez les conditions de travail à Pôle emploi. Que voulez-vous dire ? Nous mesurons la qualité de vie au travail et réalisons un investissement très fort de formation, à hauteur de cinq jours par agent en moyenne. Nous sommes très vigilants sur la qualité de vie au travail, et nous avons un dispositif de prévention des risques psychosociaux, avec des lignes d'écoute. Je n'ai pas le sentiment que, en matière de politique sociale, vu les investissements que nous y consacrons, il y ait des problèmes particuliers. Pour celles et ceux qui ont été recrutés depuis juillet, par exemple, et qui sont au nombre de 2 150, nous prévoyons douze semaines de formation et un tutorat. Un certain nombre de ces CDD de dix-huit mois se transformeront en CDI. C'est un investissement nécessaire et utile.
Sur le numérique, je suis d'accord avec vous. Nous essayons d'avancer sur deux jambes : il faut travailler sur les services numériques, parce que ceux qui maîtrisent le numérique en ont besoin, et que cela dégage du temps pour nos conseillers. Et il faut travailler sur la fracture numérique. Au-delà des volontaires du service civique, nous réalisons un diagnostic des difficultés, en utilisant des outils qui ont été conçus par d'autres, et en mettant en place des ateliers de formation à la maîtrise des outils numériques de Pôle emploi, et des ateliers pour former à l'utilisation du numérique pour la recherche d'emploi. Nous avons des partenariats très forts avec Emmaüs Connect.
Le premier enjeu de l'emploi des seniors, c'est que les seniors restent en emploi. Pour la reprise d'emploi, il faut combattre les stéréotypes. Et c'est notre rôle d'essayer de les combattre. Je ne pense pas qu'il faille créer des conseillers spécialisés pour les seniors - même si cette question fait débat au sein de Pôle emploi. Les seniors à Pôle emploi ont leur conseiller comme les autres, et bénéficient de nos outils. En revanche, beaucoup d'agences lancent des initiatives et créent des clubs seniors, ce qui impulse une dynamique. Notre stratégie est de laisser les agences prendre le maximum d'initiatives. Nous cherchons celles qui, pour les seniors, produisent le plus d'efficacité. Pour autant, on sait bien qu'une fois que l'on est senior et que l'on est inscrit à Pôle emploi, les chances de retrouver un emploi sont plus faibles, pour différentes raisons.
Sur les QPV, un premier élément de réponse se trouve dans l'allocation des moyens au sein de Pôle Emploi. Nous répartissons les effectifs entre régions, et les régions les répartissent entre agences. Nous avons toutefois un mécanisme qui permet d'attribuer plus de moyens là où il y a des volumes significatifs de personnes en politique de la ville. Une des réponses à la question du traitement de ces jeunes, c'est de s'assurer que leurs agences ont plus de moyens que les autres. L'enjeu est moins de créer de nouvelles agences dans ces quartiers que de parvenir à aller vers les personnes concernées. Outre les inscrits, il y a les invisibles, et cela nous préoccupe. La réponse passe par un travail avec les associations, et par le déplacement physique de Pôle emploi. Dans quelques régions, nous créons une place de l'emploi, sous forme de chapiteaux qu'on peut monter, par exemple dans un centre commercial, et dans lesquels nous présentons tous nos services avec nos partenaires.
Je suis depuis fin 2011 à Pôle emploi. Je n'ai pas connu beaucoup d'années où l'on y a supprimé des emplois. Quand il y a eu des suppressions, c'était à hauteur de 395 ou 400 emplois. Depuis une longue période, on est plutôt en augmentation d'effectifs. Est-il anormal de se dire que, lorsque la charge augmente, on recrute pour une durée correspondant à l'augmentation de la charge ? C'est ce qu'on essaie de faire, en négociant avec les syndicats le recrutement, en cas d'à-coups conjoncturels, de CDD de dix-huit mois - avec la formation nécessaire. Je ne vois pas pourquoi on ne recruterait qu'en CDI si nous avons des variations de charges. Quel est l'organisme, public ou privé, qui étalonnerait ses ressources sur les pics d'activité ? Il faut simplement s'assurer que le socle fait face aux besoins récurrents - et je crois que c'est le cas.