Je suis originaire, et élue, de la Martinique, pays particulier, avec le taux de chômage que vous savez. Les origines de ce chômage sont connues : mal-développement, petit marché... Dans le service rendu par Pôle emploi, je reconnais que d'énormes progrès ont été réalisés depuis plusieurs années : ouverture d'agences, proximité plus grande... Vous avez parlé d'appel à des opérateurs privés. Qu'en est-il ? Sur notre territoire, 30 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Or les équipements numériques coûtent cher - et il y a encore des zones blanches. Allez-vous consacrer des moyens à un accroissement encore plus fort de la proximité ? Nous avons plus de 50 000 chômeurs sur une population active de 150 000 personnes.
Je voulais vous parler aussi de notre directeur régional, qui est un Martiniquais. Pour nous, cela a du sens, parce qu'il faut savoir que, dans l'essentiel de l'administration française, les hautes fonctions ne sont pas tenues par des autochtones, ce qui pose parfois énormément de problèmes et engendre beaucoup de frustration dans la population. Je comprends que ce ne soit pas 100 %, mais à 95 %, cela devient frustrant et gênant - et cela fait partie des revendications de notre population qu'il y ait plus d'accès pour les Martiniquais aux hautes fonctions de l'administration, ou du secteur parapublic, comme Pôle emploi.
Or, justement, le directeur régional Antoine Denara en fonctions depuis sept ans est excellent. Martiniquais, il a bien compris l'approche culturelle des Martiniquais face à l'emploi, au travail, à l'économie informelle, sur la proximité... Il sait comment s'adresser aux gens, quels sont les canaux de communication. Je n'aimerais pas que cette dynamique dans laquelle nous sommes installés, et qui montre des signes intéressants, soit brutalement arrêtée, comme c'est souvent le cas, parce que l'administration française est très éprise de turn-over, en expédiant ce directeur quelque part, et en nous envoyant quelqu'un qui va redécouvrir le pays, nos moeurs, notre société et nos difficultés, et qui ne sera peut-être pas assez dynamique. Nous sommes déconfinés depuis une semaine et l'activité touristique reprend peu un peu, ce qui est une source d'emplois importante chez nous. J'aimerais donc vraiment que l'on fasse le maximum d'efforts pour nous conserver notre directeur général.
Un Martiniquais comprend mieux la Martinique : certes, nous sommes Français, mais nous avons aussi une identité martiniquaise très marquée, par notre histoire, avec une manière d'être, etc. Antoine Denara a très bien compris comment fonctionner avec nous, qu'il s'agisse des élus, des demandeurs d'emploi ou de l'administration. Il multiplie les initiatives qui collent parfaitement avec nos manières de faire. Bien sûr, c'est l'administration qui décide, mais je recommande très fortement qu'on nous laisse encore pour quelque temps notre directeur général. Il a une meilleure compréhension de notre énorme file d'attente de demandeurs d'emploi.