Je souhaite rassurer Mme Conconne : j'ai moi aussi beaucoup de respect pour Antoine Dénara ; mais sept ans, c'est raisonnable. Son travail est remarquable, mais il est nécessaire d'organiser la mobilité des directeurs régionaux et le changement à la tête des structures. Cela dit, nous sommes très attentifs à ce que des cadres ultramarins trouvent chez Pôle emploi des perspectives de carrière. Le jour où Antoine Dénara sera obligé, en vertu de notre politique de gestion classique, de quitter sa direction régionale, nous lui trouverons un successeur de grande qualité - c'est là le seul engagement que je puisse raisonnablement prendre devant vous.
Vous avez évoqué les opérateurs privés de placement ; bien qu'étant un homme de service public, je n'ai aucune aversion a priori en la matière. Pôle emploi n'hésite pas à travailler avec des partenaires privés, sur l'aide à la création d'entreprises en particulier : notre travail est de faire connaître cette possibilité à des demandeurs d'emploi ; mais nos partenaires sont mieux placés que nous pour les aider à bâtir un business plan.
Autre exemple : les prestations que nous avons mises en place à l'été à destination des personnes qui sont proches de l'emploi sont externalisées à des acteurs privés, dans une logique de partenariat. Nous réfléchissons ensemble, avec ces acteurs, à l'évolution de notre offre de services : ce n'est pas une relation de sous-traitance, mais un partenariat qui répond à une logique de spécialité.
Concernant les difficultés de la couverture numérique dans les Antilles, je les connais bien. Une bonne nouvelle, néanmoins : nous avons récemment organisé, en Martinique, un salon en ligne ; l'opération a très bien marché.
M. Savary m'a interrogé sur les seniors. Pôle emploi incite les seniors à se former, mais un phénomène d'autocensure est à l'oeuvre : il faut les convaincre. Nous avons observé que le recours à la formation professionnelle décroissait avec l'âge des demandeurs d'emploi.
Madame Puissat, vous me demandez d'évoquer la régionalisation et la décentralisation de Pôle emploi. C'est un sujet politique, qui relève du Gouvernement et du Parlement ; je vais donc m'élever au-dessus de ma condition, et vous donner un sentiment personnel : je trouve que c'est une mauvaise idée. Pôle emploi, ce sont 55 000 collaborateurs, sous statut de droit privé à 98 % ; régis, donc, par une convention collective nationale. La régionalisation serait, de ce point de vue, difficile. Un problème analogue se pose pour les systèmes d'information. Mes collaborateurs ont vécu la fusion ; ce n'est pas facile, une fusion : ça prend quatre ou cinq ans. Passer du temps sur une « dé-fusion », je ne le conseille pas.
Par ailleurs, si je comprends la logique consistant à unifier au niveau régional les politiques du développement économique, de la formation et de l'emploi, je n'ai jamais compris comment, dans un tel cadre, on traitait l'indemnisation. On me répond que l'indemnisation resterait nationale ; cela signifie-t-il qu'on recréerait la bipartition entre l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic) ? Si la réponse est non, et s'il faut négocier avec chaque région les conditions de la mise en oeuvre de chaque convention d'assurance chômage, le système promet d'être complexe : ce n'est pas réaliste. J'ignore comment articuler un régime d'assurance chômage par définition national avec une régionalisation du service public de l'emploi, sauf à dénationaliser l'assurance chômage.
Troisième observation : l'enjeu n'est pas la région, mais le bassin d'emploi. D'un point de vue opérationnel, ce qui importe avant tout, ce sont les discussions de Pôle emploi avec les intercommunalités. Les régions sont compétentes en matière de formation professionnelle ; mais le quotidien, ce sont les communes, les intercommunalités, le bassin d'emploi.
Regardez ce qui se fait à l'étranger : quels pays européens ont fait le choix de décentraliser leur service public de l'emploi ? L'Allemagne, dont la tradition décentralisatrice n'est pas à prouver, a-t-elle une Bundesagentur für Arbeit pour chaque Land ? Non : il s'agit d'une administration nationale ! On sait bien que l'État a besoin d'un opérateur national sur lequel il peut s'appuyer sur l'ensemble du territoire.
À titre personnel, donc, je suis opposé à la décentralisation de Pôle emploi : c'est une fausse bonne idée, dont je comprends néanmoins la persistance dans le débat public. Je souhaite simplement que la question soit un jour clairement tranchée.
En revanche, nous sommes tout à fait favorables à un leadership de la région en matière de formation professionnelle ; votre assemblée avait d'ailleurs voté une disposition en ce sens. Des expérimentations sont en cours pour créer des structures pilotées par la région sur des sujets opérationnels, et je pense qu'il faut travailler avec les régions dans leurs champs de compétences. Nous avons par exemple d'excellentes relations avec la région Grand Est.
Sur le déficit d'image dont souffre Pôle emploi, je suis malheureusement d'accord avec vous. À nous de convaincre par nos résultats, et de faire de la communication positive. Nous avons essayé de le faire via des séquences de conseils pratiques, Une minute pour l'emploi, diffusées sur France 3 après Plus belle la vie.
Les OPCO, c'est pour nous un chantier très important. Nous voulons vraiment développer avec eux un partenariat. Pour le financement des préparations opérationnelles à l'emploi individuelles (POEI), nous leur donnons notre accord de principe, pour éviter les aléas administratifs. Ils forment, au sein des TPE et des PME, un vrai réseau ; nous avons donc besoin de connaître leur offre de services comme ils ont besoin de connaître la nôtre.
Un mot sur le budget 2022 : 75 % de nos recettes sont assises sur les encaissements Unédic de l'année n-2. Nous devons anticiper la baisse certaine de la contribution Unédic, mais nous avons un peu de temps. Des moyens très importants nous sont accordés par l'État au titre du budget 2021 : 500 millions d'euros supplémentaires. Mais le sujet de l'endettement de l'Unédic est un vrai sujet, identifié comme tel.
Concernant le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt visant à mettre en oeuvre le service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE), nous souhaitons participer aux réflexions locales. J'attends de ces expérimentations qu'elles nous permettent de dégager des solutions opérationnelles et faciles pour mettre en relation les acteurs.
Madame Procaccia, vous avez évoqué l'attestation employeur, dont la loi impose la remise au demandeur d'emploi. Je vous rassure : nous n'avons pas identifié de difficultés particulières en la matière pendant l'épisode covid-19. Bonne nouvelle : la déclaration sociale nominative est en train de monter en puissance ; nous pourrions bientôt nous passer de ce document, puisque nous saurions l'extraire automatiquement. Reste la question de la matérialisation de l'attestation, mais elle concerne moins Pôle emploi que l'employeur et le salarié.
Nous essayons d'encourager la création d'entreprises, mais sans focus particulier sur l'auto-entreprenariat, qui donne souvent lieu à des polémiques.
Monsieur Henno, je suis bien conscient de la situation remarquable du Nord quant à ses relations avec Pôle emploi ; je vous sais gré d'avoir oeuvré au développement de l'accompagnement global à une époque où peu de départements s'engageaient. La reconversion est un sujet majeur, au-delà même de la crise. Élisabeth Borne a des projets ambitieux pour organiser les transitions professionnelles d'entreprise à entreprise. Certains secteurs vont rencontrer des difficultés structurelles ; d'autres vont avoir besoin d'embaucher ; comment organise-t-on cette transition avant même le passage par Pôle emploi ?
Un mot du rapport de la Cour des comptes : lorsque Pôle emploi a été créé, un accord social a été conclu en vertu duquel les conseillers de Pôle emploi ont cinq jours de congés supplémentaires par rapport à la durée légale. La Cour a pointé aussi un taux d'absentéisme plus élevé que dans le secteur privé ; il est vrai que ce métier est particulièrement exigeant, et que certaines situations peuvent expliquer des absences. Mais nous y travaillons ; en 2019, nous avons réussi à stabiliser ce taux d'absentéisme. Si l'on veut faire évoluer le temps de travail, en revanche, il faut renégocier un accord ; la priorité du moment n'est pas de remettre en cause la convention collective.