Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, oui, la pénurie de médicaments est une réalité !
Une enquête BVA réalisée pour France Assos Santé a montré que près d’un Français sur quatre s’était déjà vu refuser la délivrance d’un traitement pour cause de pénurie ; quatre, c’est aussi le chiffre par lequel a été multiplié le nombre annuel de signalements de tensions et de ruptures d’approvisionnement de médicaments enregistrés par l’ANSM au cours des six dernières années.
Nous nous devons de remercier les professionnels de santé, prescripteurs et pharmaciens, en ville comme en établissements de santé, qui ont toujours su trouver des solutions permettant aux patients de poursuivre leur traitement.
Oui, la crise sanitaire a accentué les tensions d’approvisionnement sur certains médicaments indispensables ! Je pense aux curares et aux hypnotiques, dont la consommation a augmenté de 2 000 % en l’espace de quinze jours, en pleine pandémie, au printemps. La distorsion entre l’offre et la demande, sans cesse croissante au niveau mondial, affecte l’ensemble de la chaîne du médicament.
Mercredi dernier, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de ma collègue Laurence Cohen sur la proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux.
Consciente des enjeux soulevés par le texte, mais prudente quant aux voies à privilégier pour en traiter, la commission n’a pas adopté ce texte. Aussi en discuterons-nous aujourd’hui dans sa rédaction initiale, composée de trois chapitres.
Le premier chapitre, de l’article 1er à l’article 3, crée un service public du médicament et des dispositifs médicaux.
Le second chapitre crée un observatoire citoyen des dispositifs médicaux, afin de garantir la transparence des données issues de la surveillance des incidents pouvant survenir lors de l’utilisation d’un dispositif médical.
Le troisième et dernier chapitre porte la taxe assise sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques de 0, 17 % à 1 %, afin de mettre ces dernières à contribution pour financer ce pôle public du médicament et des dispositifs médicaux.
Mes chers collègues, plusieurs dispositifs juridiques ont été élaborés pour encadrer et renforcer l’approvisionnement en médicaments. Ainsi, en 2012, puis en 2016, de nouvelles obligations incombant respectivement aux acteurs du circuit de distribution et à ceux du circuit de fabrication ont été instaurées. Force est de constater que cet arsenal juridique renforcé n’a pas permis de pallier totalement les ruptures de stock de médicaments.
Aussi, en juillet 2019, Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, avait-elle présenté une feuille de route pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France, dont les dispositifs sont en cours de mise en œuvre.
Cette feuille de route s’articulait autour de quatre axes : promouvoir la transparence et la qualité de l’information, afin de rétablir la confiance et la fluidité entre tous les acteurs ; lutter contre les pénuries de médicaments par de nouvelles actions de prévention et de gestion sur l’ensemble du circuit du médicament ; renforcer la coordination nationale et la coopération européenne ; mettre en place une nouvelle gouvernance par le biais d’un comité de pilotage chargé de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments en France.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a donné une traduction législative à certains de ces engagements.
L’article 48 de ce texte crée ainsi obligation pour les industriels de constituer jusqu’à quatre mois de stocks pour tous les médicaments. Ces stocks doivent être situés sur le territoire européen et, en cas de rupture, les entreprises sont dans l’obligation d’importer à leur charge des solutions de rechange thérapeutiques pour l’ensemble des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Des sanctions financières seront appliquées si les entreprises ne constituent pas un stock de sécurité et n’informent pas l’ANSM lorsque surviennent des situations de rupture ou de risque de rupture.
En outre, lors du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé, en juin 2020, la remise du rapport Biot a été l’occasion de présenter trois axes pour une relocalisation des industries de santé : premièrement, renforcer les capacités nationales de recherche de solutions thérapeutiques ; deuxièmement, augmenter les capacités de production françaises et sécuriser l’accès aux produits de santé ; troisièmement, construire la résilience aux crises sanitaires à l’échelle européenne.
Dans son volet compétitivité, le plan de relance répond déjà en partie à ces défis. Il prévoit des mesures de réindustrialisation susceptibles de favoriser directement ou indirectement la relocalisation d’activités.
Sur mon territoire, à Limay, l’entreprise française Seqens, leader mondial dans le secteur de la synthèse pharmaceutique chimique, a d’ores et déjà pu bénéficier du soutien de l’État pour investir et innover sur ses sites en France et minimiser les risques de rupture sur une partie de la chaîne logistique, s’agissant, en l’espèce, de principes actifs qui entrent dans la fabrication des médicaments destinés à la prise en charge des patients atteints de la covid-19 ou encore d’intermédiaires de synthèse et de principes actifs clés de douze médicaments dont l’approvisionnement a connu de fortes tensions durant la crise sanitaire.
Vous le voyez : ici encore, le Gouvernement est à pied d’œuvre dans nos territoires.
Les pénuries de médicaments nécessitent une attention particulière des pouvoirs publics, et les mesures déjà prises sont, de ce point de vue, intéressantes ; la mise en place d’un comité de pilotage interministériel et la création d’une base de données européenne unique permettront notamment de mieux connaître, au niveau européen, les dispositifs médicaux mis sur le marché.
À l’inverse, augmenter la fiscalité sur les entreprises pharmaceutiques au-delà de la hausse inscrite dans le PLFSS irait à l’encontre des besoins de relocalisation de ces industries et nuirait à notre compétitivité fiscale.
Quant aux mesures de gouvernance visant à créer un pôle public du médicament, elles ne semblent pas adéquates, car elles risquent d’entrer en redondance avec des institutions déjà existantes comme l’ANSM et l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues – vous l’aurez compris –, notre groupe votera contre cette proposition de loi.