Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la démarche engagée dans cette proposition de résolution, car j’en partage le constat, à savoir celui d’une fracture numérique persistante au sein de notre société. La crise sanitaire a mis en lumière le caractère essentiel des réseaux numériques pour la continuité des activités de la Nation, qu’il s’agisse de continuer à apprendre, à travailler, à se soigner via la téléconsultation, ou simplement de garder un contact avec nos proches.
Relever ce défi nous permettra collectivement de désenclaver nos territoires et de les rendre plus attractifs pour les entreprises et nos concitoyens. Pour toutes ces raisons, je partage le constat de nos collègues du groupe CRCE. Toutefois, nous ne pouvons souscrire aux solutions proposées.
Il est tout d’abord proposé d’intégrer au service universel des télécommunications l’accès au très haut débit garanti à tous. Force est de rappeler que le service universel découlant de la directive européenne portant création du code européen des communications électroniques intègre l’accès au haut débit et non au très haut débit. Il est vrai qu’un doute existe sur la possibilité d’atteindre en 2020 l’objectif d’un « bon » haut débit pour tous. Notre collègue Jean-Michel Houllegatte a soulevé cette préoccupation dans son rapport pour avis sur les crédits relatifs à l’aménagement numérique du territoire, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Ce doute, mes chers collègues, semble bel et bien confirmé sachant que le guichet Cohésion numérique des territoires, qui permet, dans l’attente de l’arrivée de la fibre, de financer des équipements pour une connexion non filaire, est trop peu utilisé. Seuls 600 000 euros ont été décaissés au 30 juin dernier. Nous sommes donc très loin des 100 millions d’euros budgétés. Toutefois, et j’y reviendrai, les financements sont maintenant sur la table et les rythmes de déploiement sont globalement satisfaisants en matière de très haut débit.
Ensuite, les auteurs de la proposition de résolution considèrent qu’il convient de s’interroger sur l’opportunité de créer un véritable pôle public des télécommunications afin de garantir le service universel et la maîtrise publique des infrastructures numériques.
Permettez-moi de rappeler que la planification et l’initiative publique valent déjà dans les zones rurales et peu denses, où a été reconnue, au début des années 2010, la carence de l’initiative privée. Ainsi, dans ces territoires, le déploiement s’opère sous l’autorité des collectivités territoriales, avec un soutien financier de l’État, via des réseaux d’initiative publique.
Ailleurs, en revanche, la logique de planification n’a pas été retenue, car il a été jugé préférable de s’appuyer sur une logique concurrentielle, considérant que le marché pouvait aboutir à un déploiement dynamique. Cela n’empêche pas, dans cette zone d’initiative privée, la souscription d’engagements contraignants, afin de s’assurer de l’atteinte des objectifs par les acteurs privés : c’est la logique des fameuses zones AMII.
Dès lors, la logique de planification de la présente proposition de résolution n’est ni celle du plan France Très haut débit ni celle du Sénat, et je considère qu’il convient de laisser fonctionner la logique concurrentielle, qui aboutit à des rythmes de déploiement satisfaisants, voire inédits, avec par exemple l’installation de près de 5 millions de prises en 2019 pour la fibre optique jusqu’au domicile. Dès lors, la logique hybride actuelle semble pertinente, à condition que le régulateur puisse sanctionner la non-atteinte des objectifs, j’y reviendrai également.
Les auteurs de la proposition de résolution estiment par ailleurs nécessaire de revoir les architectures de financement des réseaux d’initiative publique, afin que l’État accorde un soutien exceptionnel aux collectivités volontaires. Il est vrai que, en 2019, vingt-cinq départements n’avaient pas encore finalisé leur plan de financement pour la généralisation de la fibre optique, illustration de crédits insuffisamment déployés par l’État dans ces territoires. Le Sénat, ainsi que la commission que je préside, avait régulièrement alerté le Gouvernement sur ce sujet.
Après une première rallonge de 30 millions d’euros, sur l’initiative du Sénat, dans la troisième loi de finances rectificative, le plan de relance nous apporte enfin satisfaction. Celui-ci prévoit en effet de nouvelles autorisations d’engagement à hauteur de 240 millions d’euros, offrant de la visibilité pour la généralisation de la fibre d’ici à 2025.
Il s’agit d’une victoire politique majeure pour notre assemblée et notre commission, engagées dans ce combat pour assurer la couverture numérique des territoires. À cet égard, je tiens à saluer nos collègues Hervé Maurey et Patrick Chaize, qui se sont particulièrement investis sur ce sujet.
Enfin, les auteurs de ce texte souhaitent des mesures plus contraignantes afin que les opérateurs privés respectent les obligations qu’ils ont contractées. La couverture intégrale des zones AMII accuse en effet un certain retard pour lequel la crise sanitaire ne constitue pas une explication suffisante. À la fin du premier trimestre 2020, Orange et SFR avaient rendu respectivement 67 % et 75 % des sites en zones AMII raccordables, ce qui est assez loin de l’objectif souscrit auprès de l’Arcep. Dès lors, les éventuels retards devront bien entendu être justifiés par les opérateurs. Dans le cas contraire, le cadre juridique existant déjà, il faudra que l’Arcep ait la volonté d’user de son pouvoir de sanction.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de résolution.