Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « Un État moderne est un État qui sait donner des impulsions sans se substituer aux acteurs de la société - citoyens, associations, entreprises, collectivités territoriales : l’État épaule leurs efforts, en leur donnant les moyens d’agir par eux-mêmes. » Ces paroles, prononcées le 26 août 1999 par Lionel Jospin, alors Premier ministre, lors de l’Université d’été de la communication à Hourtin, définissaient à l’époque la stratégie du Gouvernement pour la société de l’information.
Il était temps d’agir, car si la France avait réussi son plan téléphone en 1970, ouvrant dix ans plus tard la voie au célèbre et populaire Minitel, elle avait raté le plan câble les années suivantes et commençait à accumuler du retard dans ce que l’on appelait à l’époque les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Mais il faudra tout de même attendre février 2013 pour que les fondamentaux de cette stratégie soient posés, sous l’impulsion de François Hollande, avec le plan France Très haut débit.
Celui-ci reposait sur un constat simple : la couverture intégrale et rapide du territoire représente des investissements tels qu’ils nécessitent bel et bien un partage des rôles entre initiative publique et privée. Dans les zones très denses, soit 57 % de la population, l’initiative privée doit se mobiliser et, dans les zones moins denses, après appel à manifestation d’intention d’investissement, là où il y a donc une carence constatée du privé, c’est à la puissance publique d’agir par le biais des collectivités, et c’est à l’État de les accompagner, à l’aide d’un guichet de financement doté initialement de 3, 3 milliards d’euros. Il est à noter que les collectivités ont la possibilité de se refinancer en percevant des redevances d’utilisation.
La question que nous devons nous poser est de savoir si ce modèle est efficient. Ce que l’on peut dire, c’est qu’il va permettre d’atteindre les objectifs de la couverture intégrale, soit plus de 40 millions de logements et de locaux à raccorder d’ici à 2025. Nous pouvons constater que le rythme des déploiements est soutenu, de l’ordre de 4, 8 millions de prises en 2019 ; quasiment le même nombre est attendu en 2020, malgré la crise sanitaire. Les acteurs privés du secteur investissent de l’ordre de 10 milliards d’euros par an, soit plus de 50 milliards d’euros depuis six ans.
Concernant les zones moins denses, nous partageons l’idée que l’État doit, plus que jamais, continuer d’apporter son soutien financier aux réseaux d’initiative publique portés par les collectivités, afin de sécuriser le déploiement de la fibre dans les territoires isolés ou encore mal desservis.
Comme l’a souligné Jean-François Longeot, notre assemblée a pesé de tout son poids et les crédits complémentaires disponibles s’élèveront à 550 millions d’euros, dont 240 millions issus du plan de relance, ce qui offre enfin une visibilité aux vingt et un départements n’ayant pas complété à ce jour leur plan de financement. Certes, quelques incertitudes demeurent sur le futur cahier des charges, sur les raccordements complexes, mais l’horizon semble dégagé.
Une des particularités du plan de 2013 est d’avoir renforcé l’action du régulateur. Le statut d’autorité indépendante de l’Arcep lui permettra d’exiger des opérateurs qu’ils respectent les engagements contraignants qu’ils ont pris et, le cas échéant, de prendre des sanctions.
À ce titre, le traitement des 43 retards au regard des 445 premiers sites du New Deal de la couverture ciblée sera un véritable test. L’Arcep a toujours su faire preuve de fermeté, si bien que les relations ont parfois été tendues avec les opérateurs. Citons, pour mémoire, la question prioritaire de constitutionnalité, qui démontre, à juste titre, qu’une réflexion sur un éventuel renforcement de ses pouvoirs peut être engagée, notamment sur les impacts environnementaux des réseaux, tout en veillant bien évidemment à l’équilibre des relations entre les acteurs.
De même, l’Arcep devra s’approprier de nouveaux sujets. Ainsi, dans les zones très denses où les déploiements sont sous la totale responsabilité de l’initiative privée, on constate des retards : c’est notamment le cas à Bobigny, à Lille et à Clermont-Ferrand. Ces retards sont-ils fortuits ou dus aux stratégies commerciales de certains opérateurs, qui ne veulent pas se départir d’abonnements souscrits en ADSL ? L’Autorité devra y répondre.
Enfin, la qualité des raccordements finaux et les malfaçons dues à une cascade de sous-traitants conduisent parfois à ce que l’Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel) appelle des « paquets de nouilles » et constituent un sujet de préoccupation qui risque de dégrader la performance de connexion.
Nous remercions donc le groupe CRCE de nous permettre de débattre de ce sujet, mais considérant qu’une partie des réponses aux questionnements posés par cette proposition de résolution est déjà apportée, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra.