Je reviens un instant sur ces propositions. Concernant l’intégration de l’accès au très haut débit pour tous dans le service universel des télécommunications, je m’interroge sur le caractère superfétatoire de la mesure puisque le principe a été acté dans la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dite loi Ddadue. Certes, la loi mentionne un accès adéquat à l’internet haut débit, mais c’est une avancée notable puisque rien n’était prévu auparavant. Il faudra voir ce que recouvre ce caractère « adéquat ».
Surtout, je profiterai de l’occasion pour rappeler que le Sénat s’était mobilisé pour compléter l’article L. 35-1 du code des postes et communications électroniques ; nous souhaitions notamment préciser dans le texte que le raccordement devait s’effectuer en recourant à la meilleure technologie localement disponible. Malheureusement, notre proposition n’a pas été retenue, et c’est regrettable : sans la mention explicite selon laquelle le service universel se base sur le très haut débit, l’opérateur serait dans l’obligation de raccorder le bénéficiaire en fibre optique.
L’idée de créer un véritable pôle public des télécommunications pour garantir le service universel et la maîtrise publique des infrastructures numériques, notamment la fibre optique, appelle deux remarques.
D’une part, il existe déjà une autorité, qui fait très bien son travail, pour garantir le service universel. Nous la connaissons tous : c’est l’Arcep. Je salue d’ailleurs son président, dont le mandat s’achève dans quelques jours, ainsi que ses collaborateurs.
D’autre part, la mission Loutrel doit rendre ses conclusions prochainement sur la maîtrise publique des infrastructures numériques. À titre personnel, je pense que ce rôle devrait incomber au service placé sous l’autorité du directeur général délégué numérique de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
Sur le principe, je ne puis qu’acquiescer à ce qui figure au onzième alinéa de la proposition de résolution : « Estime nécessaire de revoir les architectures de financement des réseaux d’initiative publique afin que l’État accorde un soutien exceptionnel aux collectivités volontaires […] ». Néanmoins, je formulerai deux observations.
Premièrement, sur la construction, le compte y est presque. Selon nos estimations, il faut 630 millions d’euros pour rendre raccordables 100 % des foyers. Or l’État propose 550 millions d’euros et pourrait facilement mobiliser 50 millions d’euros de plus sur la base d’un programme, aujourd’hui immobilisé, réservé aux opérateurs privés. Le reste pourra être abondé dans un futur PLF. En tout cas, monsieur le secrétaire d’État, vous savez que vous pourrez compter sur moi.
Deuxièmement, il faudra mobiliser plusieurs dizaines de millions d’euros supplémentaires pour les raccordements longs, qui demeurent la véritable problématique. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes engagé à conduire une expérimentation dès 2021. Il conviendra ensuite de voir comment généraliser et, surtout, comment financer le dispositif.
Le dernier alinéa de la proposition est ainsi rédigé : « Souhaite que des mesures plus contraignantes soient mises en œuvre afin que les opérateurs privés respectent les obligations qu’ils ont actuellement contractées ». C’est une demande légitime, mais l’Arcep étant une autorité indépendante, nul ne saurait lui imposer de prendre des sanctions plus ou moins contraignantes à l’égard des opérateurs privés.
Je ne voterai pas la présente proposition de résolution, tout simplement parce que je trouve les solutions envisagées – vous me pardonnerez le qualificatif – anachroniques.
Chers collègues, lorsque vous considérez « nécessaire de créer un opérateur national, propriétaire des réseaux et dont le financement serait assuré à la fois par les opérateurs, mais également par l’État », vous voulez rejouer le match !
Je n’ai pas d’a priori idéologique sur la propriété publique des réseaux de télécommunications : les réseaux d’initiative publique (RIP) en sont une forme décentralisée. Et c’est précisément pour réaffirmer mon soutien au travail effectué depuis la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, et donc aux RIP, que je me vois contraint de me désolidariser de la démarche de nos collègues.