Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif de la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui est très louable : améliorer l’aménagement numérique de nos territoires.
Quatre demandes sont formulées : l’intégration du très haut débit dans le service universel des télécommunications, la création d’un pôle public des télécommunications, le soutien de l’État dans le financement des réseaux d’initiative publique et le renforcement de mesures plus contraignantes pour les opérateurs privés.
Nous sommes néanmoins partagés sur les propositions énumérées dans ce texte, même si l’intention est bonne. Nous souscrivons à l’idée que les réseaux constituent un bien commun, répondant non seulement à des exigences d’universalité, mais aussi de maîtrise de leurs conséquences environnementales. Pour autant, nous nous trouvons actuellement dans une situation de relatif équilibre. Nous pouvons légitimement espérer qu’avec le plan de relance, l’État va accélérer le déploiement de la fibre et veiller à résorber la fracture numérique que connaissent trop de territoires.
Cependant, nous sommes sur une corde raide, marchant pour l’heure entre emballement et retard par rapport à l’innovation. Je soulèverai donc plusieurs points cruciaux qui me semblent appeler notre vigilance.
La couverture en fibre du territoire national doit indéniablement être totale. Pour autant, possibilité doit être laissée à chacun de choisir son niveau de débit. Je pose la question : tous nos concitoyens ont-ils besoin du très haut débit ?
Certes, les périodes de confinement ont pu montrer qu’au sein d’un même foyer, la résilience du réseau pouvait être éprouvée lorsque plusieurs personnes sont connectées en même temps. Néanmoins, à l’heure où la sobriété doit être recherchée, y compris dans le numérique, la mise en place d’un « bon » haut débit peut parfois suffire. Ce serait déjà un véritable saut dans le monde moderne que d’avoir une couverture équilibrée et stable n’excluant plus personne.
J’en viens à la question des usages et de l’inclusion numérique, qui me paraît particulièrement importante pour soutenir l’accès de nos concitoyens et de nos entreprises aux outils en ligne.
La crise a montré à quel point le développement des usages du numérique était nécessaire, que ce soit pour le télétravail, pour le suivi des cours, mais aussi pour les artisans, pour déposer une demande d’aide auprès de l’État, ou, pour nos concitoyens, pour accéder aux services publics dématérialisés.
La mission d’information que nous avons menée au Sénat a cependant montré que près de trois Français sur cinq étaient exclus des usages numériques. Elle préconise entre autres d’évaluer plus finement l’exclusion numérique, de mieux cartographier les zones d’exclusion numérique, de passer d’une logique « 100 % dématérialisation » à une logique « 100 % accessible » pour les sites publics en ligne, d’octroyer un crédit d’impôt pour la formation au numérique aux entreprises et en particulier aux PME-TPE, aux commerçants et aux artisans, ou encore de combattre plus efficacement l’exclusion par le coût, avec la création d’un chèque-équipement destiné à la location ou à l’achat d’un équipement de préférence reconditionné, ce qui permet d’ailleurs de servir les objectifs de sobriété numérique en luttant contre l’obsolescence programmée des ordinateurs et des logiciels.
Ces propositions nous semblent à même de favoriser la réussite de la stratégie nationale pour un numérique inclusif, que le Gouvernement a dotée de 250 millions d’euros dans le cadre du plan de relance. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je réitère ma question concernant la pérennité de ces financements au-delà des deux ans du plan.
En conclusion, le numérique ne saurait se réduire à la seule question de l’aménagement du territoire. Il représente tout un écosystème qui doit contribuer à forger une société plus égalitaire, sobre et durable. Mais pour atteindre cet objectif, il nous faut rester vigilants sur la stratégie, comme sur le type de réseaux que nous souhaitons déployer. Il faut multiplier les études d’impact, afin de bien mesurer les conséquences de nos choix, avant de les mettre en œuvre. C’est le rôle du politique d’anticiper, d’évaluer les risques et les avantages. Aujourd’hui, aucun domaine n’est cloisonné ; tout est interdépendant. À nous de prendre en compte les multiples dimensions du problème.