Intervention de Sophie Taillé-Polian

Réunion du 8 décembre 2020 à 14h30
Loi de finances pour 2021 — Vote sur l'ensemble

Photo de Sophie Taillé-PolianSophie Taillé-Polian :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de cette discussion budgétaire, qui fut extrêmement dense, nous ne pouvons qu’en rester à l’analyse qui fut la nôtre au moment de l’entamer. Malgré les multiples propositions que nous avons faites pour créer de nouvelles recettes, nous ne sommes pas parvenus à convaincre de l’impérieuse nécessité de réformer très profondément la politique fiscale mise en œuvre par le Gouvernement afin de la rendre socialement plus juste.

La crise aurait pu inciter à une refondation. Il n’en a rien été. Les mesures d’urgence pèseront sur la dette et, à terme, nous le craignons, sur les dépenses sociales. Leur poids donnera à certains des arguments pour mettre en œuvre des réformes dites « structurelles », que nous qualifierions plutôt d’antisociales. Il servira peut-être de prétexte pour poursuivre une politique austéritaire et mettre à mal les services publics, comme c’est le cas depuis maintenant trois ans.

À l’issue de ce débat, alors que les grandes orientations du projet de loi de finances demeurent inchangées, nous ne pouvons que refuser cette logique, car elle ne nous semble pas à même de répondre à l’urgence sociale à laquelle nous faisons face et au besoin sans cesse réaffirmé des Françaises et des Français d’une plus grande justice fiscale.

Pour leur part, les entreprises bénéficient de nouvelles exonérations, qui ne sont pas subordonnées à de réels critères de conditionnalité. À cet égard, nous avons vécu un moment intéressant lors de l’examen des crédits de la mission « Plan de relance ».

D’un côté, la ministre a déclaré, pour satisfaire la droite de l’hémicycle, qu’il ne fallait pas s’inquiéter, que les écoconditionnalités ou les conditionnalités sociales, ce n’était pas grand-chose, qu’elles ne demanderaient pas beaucoup d’efforts.

De l’autre, à l’intention de la gauche de l’hémicycle, elle a expliqué à quel point ces exonérations seraient salvatrices, car elles constitueraient un socle pour la transition écologique.

Ce discours dissimule mal l’absence de conditionnalités, alors qu’il est essentiel aujourd’hui de changer de pied et de réorienter l’investissement public afin de favoriser la transition écologique et d’améliorer la situation sociale.

Malgré nos alertes sur la situation des jeunes, la proposition, faite par de nombreuses organisations de la jeunesse, que nous avons été nombreux à défendre ici, d’étendre le bénéfice du RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans n’a pas été adoptée. Certes, le Gouvernement a annoncé l’extension de la garantie jeunes à 50 000 jeunes supplémentaires, mais nous savons que cela ne sera pas suffisant.

Par ailleurs, nous doutons de la capacité des missions locales, qui sont pourtant à pied d’œuvre dans nos territoires, à mettre en œuvre ces garanties nouvellement budgétées. À cet égard, je remercie Mme Canayer, qui, en tant que vice-présidente de l’Union nationale des missions locales, a défendu ici, au Sénat, un amendement visant à renforcer ces structures, lequel a été adopté. On sait toutefois que ce sont toutes les structures de l’aide sociale qui devraient être renforcées. Or cet objectif n’a pas été atteint.

Alors que, durant le confinement, période de repli familial parfois subi, parfois violent, les violences faites aux femmes ont augmenté, des moyens supplémentaires sont nécessaires, sachant que les femmes continueront malheureusement d’être particulièrement touchées, mais ils ne sont pas au rendez-vous.

Sur les collectivités territoriales, le Sénat a joué son rôle. Leur situation est meilleure que lorsque le texte nous est arrivé. Cependant, le compte n’y est pas. L’appel des 180 maires qui demandent que 1 % du plan de relance soit fléché vers les quartiers relevant de la politique de la ville n’a pas été entendu. J’espère que le Gouvernement saura leur apporter une réponse, car il existe une véritable inégalité territoriale entre ces quartiers et les autres. Malgré les crédits de la politique de la ville, les habitants de ces quartiers bénéficient en effet de bien moins d’argent public que la moyenne.

Nous parlons beaucoup des territoires ruraux ici, et nous avons raison, car les inégalités territoriales y sont fortes et insupportables, mais le fait est qu’elles le sont aussi en milieu urbain. Nous devrons apprendre à écouter davantage les maires de ces communes. Nous avons cherché collectivement à le faire ici, au Sénat, et je m’en félicite.

En matière d’écologie, c’est la déception : les crédits du plan de relance destinés à l’écologie ont été diminués de 30 % au Sénat. En outre, alors qu’il avait pris des engagements et fait de l’environnement une priorité absolue il y a quelques mois, le Président de la République parle aujourd’hui de ce que propose la Convention citoyenne pour le climat comme d’un « truc »… Ces propositions ne sont pas des « trucs » ou des « machins », elles sont le fruit du travail important et appliqué de cent cinquante citoyens tirés au sort, aidé dans leur travail de rédaction et pour les aspects techniques par les services de l’État !

Pour notre part, nous avons essayé de défendre ces propositions, mais nous n’avons pas été entendus. Elles sont soit reportées, comme l’instauration d’une redevance sur les engrais chimiques azotés, soit dénaturées, comme le malus pour l’achat d’un véhicule lourd, qui ne concernera finalement que 2 % des véhicules, soit tout simplement rejetées.

Mes chers collègues, compte tenu du caractère profondément injuste de la politique fiscale qui est mise en œuvre, de l’obstination du Gouvernement à préserver les plus aisés, les 1 % les plus riches, de son incapacité à voir la réalité sociale en face et la pauvreté qui s’accroît, principalement chez les jeunes, de son refus d’engager une transition écologique à la hauteur des défis et des besoins, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre ce projet de loi de finances.

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