Intervention de Vivette Lopez

Réunion du 8 décembre 2020 à 14h30
Gouvernance et performance des ports maritimes français — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Vivette LopezVivette Lopez :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à féliciter mon ancien collègue Michel Vaspart, dont l’expertise et la clairvoyance imprègnent chaque ligne de la proposition de loi que nous allons examiner. Sa passion du littoral et du domaine maritime nous manque !

On le sait, la France a souvent négligé sa vocation maritime, et Richelieu ne se trompait pas quand il disait que « les larmes de nos souverains [avaient] souvent eu le goût salé des mers qu’ils [avaient] ignorées ».

Les atouts de notre pays sont pourtant extraordinaires : trois façades maritimes pour la métropole et une en outre-mer, nous donnant accès à tous les océans du globe ; un maillage portuaire composé de soixante-six ports de commerce, dont onze grands ports maritimes relevant de l’État français, à savoir sept sur le territoire métropolitain et quatre en outre-mer – Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane – ; une ZEE immense nous classant comme le plus grand territoire maritime du monde.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Le diagnostic est unanime. Ces quarante dernières années, nos ports ont pâti d’une absence de cap, d’un manque flagrant d’ambition, au plus grand bénéfice des ports étrangers. Le manque d’infrastructures, de volonté, un lobbying actif à Bruxelles de la part des ports du Benelux, le Brexit, et à présent la covid, n’ont eu de cesse de porter des coups sévères à l’émergence d’un véritable projet maritime français.

Force est donc de constater aujourd’hui leur faible performance, d’une part, au regard des objectifs qui avaient présidé aux différentes réformes portuaires, et, d’autre part, en comparaison avec les autres ports européens, non seulement ceux du Nord, mais aussi ceux de la Méditerranée, rachetés de plus en plus par les Chinois. L’écart s’est déjà creusé avec nos concurrents nord-européens, mais d’autres ports étrangers, comme celui de Barcelone, semblent avoir compris que l’époque n’était plus à l’attentisme.

Les ports français sont donc aujourd’hui à la croisée des chemins, alors même que l’épidémie de covid-19 ainsi que le projet chinois des routes de la soie ont mis en lumière le caractère stratégique des ports et des chaînes logistiques. Le transport maritime demeure le pilier des échanges mondiaux, car il permet l’acheminement de biens essentiels à la vie de la Nation. Je me réjouis à ce titre que le Sénat se soit emparé du sujet.

Venons-en aux spécificités du texte qui nous réunit. Articulée autour de cinq chapitres, cette proposition de loi vise à créer « un cadre propice à la reconquête de parts de marché pour nos ports maritimes, en particulier les grands ports maritimes relevant de l’État, têtes de pont et premières portes d’entrée du commerce extérieur français ». Pour y parvenir, le texte s’attache tout d’abord à refondre la gouvernance du système portuaire en introduisant plus de souplesse et une meilleure représentation de l’ensemble des acteurs concernés.

C’est dans cet objectif que l’article 1er prévoit la création d’un Conseil national portuaire et logistique, chargé notamment du suivi de la stratégie nationale portuaire. Par ailleurs, et afin d’associer davantage les acteurs économiques locaux et les collectivités territoriales, la composition et le fonctionnement des conseils de surveillance des grands ports maritimes devaient être modifiés. L’article 2 s’y emploie avec pertinence.

Dans le même esprit, les articles 3, 4, 5 et 6 permettraient respectivement de modifier la procédure de nomination et de révocation des directeurs généraux des grands ports maritimes, de renforcer les pouvoirs des conseils de développement, de modifier le fonctionnement des conseils de coordination interportuaire, et de décentraliser la gestion des grands ports maritimes au profit des régions qui en feraient la demande.

Il est également apparu nécessaire de profiter de cette proposition de loi pour renforcer l’attractivité et la compétitivité de nos grands ports maritimes et des ports des collectivités territoriales, avec des dispositifs s’inscrivant dans le cadre de la relance de l’économie post-crise sanitaire.

De même, le texte permet de clarifier les dépenses prises en charge par l’État et celles, non commerciales, des grands ports maritimes.

Enfin, l’article 8, qui a pour objet d’inciter à la création d’une dynamique concurrentielle dans le secteur des services portuaires, et notamment le remorquage, pour soutenir la diminution des coûts du passage portuaire, est une avancée importante.

Le troisième défi relevé par cette proposition de loi est de tendre vers un développement portuaire en harmonie avec les questions environnementales.

Nous sommes en effet convaincus que les ports maritimes jouent un rôle plus crucial que jamais dans les échanges extérieurs de l’Europe, et qu’ils sont les principaux facilitateurs multimodaux de la croissance économique de notre continent. Différentes dispositions visent donc à accompagner le verdissement du secteur portuaire par la mise à disposition d’outils incitatifs pour que les acteurs s’engagent dans la transition écologique. Il en est ainsi de la possibilité pour les grands ports maritimes volontaires d’élaborer et de mettre en œuvre un plan d’optimisation des coûts, ce qui permettra de favoriser le report modal et le verdissement du transport de marchandises.

Je voudrais à cet égard remercier la gendarmerie maritime, qui concourt elle aussi à cette mission, en contribuant, via le réseau Aquapol, à un dispositif tout à fait original en Europe visant à rendre nos ports sûrs et à en faire des facteurs déterminants d’une croissance bleue, sereine et durable.

Je n’omettrai pas d’évoquer les articles 9 à 12 du chapitre III, qui visent à renforcer l’information du Parlement sur la politique portuaire.

Ces articles prévoient notamment la remise de rapports du Gouvernement au Parlement sur quatre sujets.

Parmi ceux-ci, la question de la progression de la stratégie des nouvelles routes de la soie de la République populaire de Chine, me semble devoir tout particulièrement retenir notre attention. Aujourd’hui, la présence chinoise est partout visible : en Méditerranée, du Pirée à Valence, en Espagne, en passant par Marseille, Malte ou Thessalonique ; sur la côte Atlantique, à Bilbao et Nantes ; dans la Manche, au Havre ; en mer du Nord, à Dunkerque, Zeebruges, Anvers, Rotterdam, sans compter des visées sur la mer Baltique. La Chine contrôle désormais près d’un dixième des capacités portuaires européennes. Ce constat doit nous interroger plus que jamais sur notre capacité à envisager nos ports comme des éléments majeurs de notre souveraineté.

Pour conclure, je dirai que tous les acteurs du milieu portuaire sont prêts à s’engager pour mettre en œuvre les dispositifs contenus dans cette proposition de loi. C’est aussi le cas des parlementaires, mais il manque une ambition claire de l’État et de la constance pour tenir les engagements pris.

Le Président Emmanuel Macron a déclaré aux Assises de la mer, le 3 décembre 2019 : « Le XXIe siècle sera maritime ! » Encore plus récemment, le gouvernement de M. Castex a réhabilité une fonction oubliée depuis la présidence de François Mitterrand, le ministère de la mer. Nous est-il permis de croire que l’heure d’une reprise en main du domaine maritime puisse sonner ?

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