Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 25 mars 2009 à 22h00
Respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes — Adoption d'une résolution européenne

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

En effet, la formation linguistique des fonctionnaires et des responsables européens, tout comme celle des fonctionnaires nationaux des États membres, constitue un enjeu majeur pour le multilinguisme. À cet égard, le plan pluriannuel d’action pour le français en Europe signé dès 2002 avec la Communauté française de Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg et l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, est très positif. Seize pays y sont même associés plus étroitement par la signature de mémorandums avec l’OIF prévoyant le renforcement des capacités de travail en français de leurs fonctionnaires.

L’enseignement du français peut être confié aux enseignants du réseau de nos établissements culturels à l’étranger. À cet égard, nous ne pouvons que déplorer la baisse des moyens mis à la disposition de notre réseau culturel à l’étranger. Or, nous le savons, la diminution des moyens publics consacrés à l’action culturelle de la France est dramatique : les dotations sont réduites de 15 % à 30 % selon les pays, et cette baisse devrait encore se poursuivre, voire s’accentuer, en 2010 et 2011.

Déjà un tiers des instituts culturels ont été fermés en Europe ces dernières années. Pourtant, nous n’avons pas d’autre choix que d’investir massivement dans notre offre de formation en français.

Cette situation est d’autant plus paradoxale que d’autres pays européens suivent une politique inverse en investissant dans l’action culturelle et linguistique extérieure. Les instituts Goethe ou Cervantes poursuivent, eux, une politique de développement. L’Instituto Cervantes a connu une hausse de 63 % entre 2002 et 2007. Quant au Goethe-Institut, il a bénéficié récemment d’un accroissement notable de ses subventions publiques.

La restructuration de notre réseau culturel, sans doute nécessaire, ne doit pas servir d’alibi pour le brader. La France a besoin de ce réseau, véritable soft power – permettez-moi ce clin d’œil ! – de notre diplomatie.

Le ministre des affaires étrangères et européennes nous présente actuellement les grandes lignes de la réforme de l’action culturelle extérieure. Cette réforme suscite déjà de grandes inquiétudes ou, pour le moins, de nombreuses interrogations.

Ne perdons pas de vue que, pour inciter à la pratique de notre langue, et également contribuer à l’imprégnation de nos valeurs, il faut savoir « donner l’envie » de notre culture. Cette envie de culture française est indispensable au développement de l’apprentissage de la langue française. Or celui-ci est en net recul en Europe. Des études menées ces dernières années ont montré que seuls 6 % des élèves scolarisés apprenaient le français, ce qui représente une baisse de trois points en moins de dix ans. Par ailleurs, le français est de plus en plus fréquemment enseigné seulement en troisième langue, après l’anglais, bien sûr, après une langue régionale comme le catalan en Espagne, ou encore après le latin en Bavière.

Ce délaissement de l’apprentissage des langues étrangères autres que l’anglais est d’ailleurs perceptible dans de nombreux pays européens. L’objectif du Conseil européen de Barcelone de 2002, qui visait à améliorer la maîtrise des compétences linguistiques de base, notamment par l’enseignement d’au moins deux langues étrangères, est donc loin d’être atteint. Bien plus, l’Italie pourrait renouveler sa tentative de réforme visant à encourager l’apprentissage unique de l’anglais au détriment de toute autre langue étrangère, ajournée en 2005 à la suite des avertissements de la Commission européenne. Et savez-vous qu’au Royaume-Uni l’étude des langues étrangères n’est même plus obligatoire au lycée ?

La mise en œuvre effective de l’objectif du Conseil européen de Barcelone de 2002 demeure une priorité. Dans ce domaine, la France se doit d’être exemplaire. Comment attendre en effet une bonne connaissance de notre langue si nous-mêmes ne faisons pas l’effort, par respect pour nos partenaires européens, de nous exprimer aussi dans une autre langue européenne que l’anglais ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion