Intervention de Jacques Fernique

Réunion du 15 décembre 2020 à 14h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 10 et 11 décembre 2020

Photo de Jacques FerniqueJacques Fernique :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans la phase actuelle si difficile, l’Union européenne tient ; elle ne déçoit pas.

Ce Conseil européen a répondu à nos attentes en parvenant à un accord sur ce paquet qui rassemble en un tout budget pluriannuel et plan de relance. On peut, à raison, juger que les montants ne sont pas à la hauteur, mais ce paquet budgétaire permettra des avancées significatives, particulièrement pour le climat et la biodiversité, auxquels il consacrera des quotités contraignantes qui pourront être des leviers forts de réorientation des politiques européennes.

Ce paquet nécessitera un emprunt qui engage – et c’est nouveau – à une solidarité durable et à la recherche de ressources propres, c’est-à-dire des impôts européens pour réduire les logiques paralysantes chroniques de l’Union.

Ce déblocage était donc essentiel. Il a certes pu réussir au prix de délais laissés aux dirigeants hongrois et polonais, jusqu’à ce que la Cour de justice ait donné son avis sur le mécanisme, mais en maintenant – et c’est l’essentiel – la possibilité de suspendre, à la majorité qualifiée, les subsides européens si leur bon usage était en danger au regard des règles de l’État de droit. Jusqu’ici, les infractions aux principes de l’État de droit relevaient de l’unanimité. Ce Conseil européen n’a donc formellement reculé ni sur la relance ni sur l’État de droit.

Ce Conseil a aussi été l’occasion de rehausser l’objectif climat de réduction des émissions de CO2 à l’horizon 2030 : c’est encore un progrès face aux inerties qui creusent les écarts entre la trajectoire visée pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et la réalité des évolutions constatées. Cinq ans après les accords de Paris, il est en effet important de se ressaisir, parce que nous n’y sommes pas !

En ce qui concerne les pays du G20, les Nations unies ont alerté la semaine dernière sur le fait que la trajectoire engagée nous mènerait vers 3, 4 à 3, 9 degrés supplémentaires. Ce rehaussement s’imposait donc.

Ces avancées du Conseil ne sont pas pour nous un aboutissement, la fin heureuse d’une passe délicate. Elles sont les bases de développements à venir qui n’auront rien d’évident, qui nécessiteront des efforts et des choix que nous espérons démocratiques, débattus et partagés largement au cours des délicates étapes qui sont encore devant nous.

Je voudrais dire ici les positions, les convictions majeures des écologistes européens pour ces étapes à venir.

Notre Sénat jouera son rôle lors d’une étape toute proche puisque, comme la quarantaine d’assemblées des Vingt-Sept, il pourra ratifier ou non le texte qui permettra de s’endetter pour financer le plan de relance.

On parlait du veto hongrois et polonais : il est surmonté. Reste à obtenir l’assentiment de toutes ces assemblées représentatives nationales, et parfois régionales : rien ne pourra être déboursé de la relance si elles n’y consentent pas en connaissance de cause. Les écologistes contribueront partout à faire en sorte que des majorités donnent ce feu vert.

Les écologistes pèseront également pour que les quotités contraignantes décidées – 30 % pour la lutte contre le changement climatique et, à terme, 10 % pour la reconquête de la biodiversité – se traduisent de façon efficace et efficiente en actions concrètes et en résultats mesurables. Il ne peut être question d’intentions vagues, d’affichages creux, de petits pas dont notre propre pays s’est hélas ! trop fait une spécialité. Les Nations unies le rappelaient voilà quelques jours : « Pour rester faisables et crédibles, les engagements de neutralité carbone doivent être traduits d’urgence en politiques et en actions fortes à court terme. »

Il sera donc nécessaire d’améliorer les méthodologies de mesure robustes des dépenses « climat » et « biodiversité », ce qui figure dans la feuille de route de la Commission. Il ne serait pas acceptable d’évaluer l’effort européen de la façon si peu fiable dont notre gouvernement évalue son soi-disant « budget vert ». L’enjeu est majeur : par exemple, comment une politique agricole commune, qui représente 40 % du budget européen, pourrait-elle s’exonérer de ces nouveaux impératifs « climat » et « biodiversité » ? Si des réorientations fortes des politiques européennes devaient en découler, il faudrait en trouver la volonté et le courage.

Les étapes à venir seront aussi celles de la mise en place des fameuses « ressources propres ». Si nos pays arrivent à instaurer ces nouveaux impôts européens avec des assiettes et des taux pertinents, c’est autant qu’ils n’auront pas à débourser eux-mêmes pour la relance et ce sont les politiques ordinaires de l’Union qui ne seront pas rabotées. Il s’agit de faire un peu contribuer ceux qui tirent le plus profit du marché européen. Il s’agit aussi, avec l’ajustement carbone aux frontières, d’activer des leviers pour faire changer la donne au-delà des frontières de l’Union.

Les écologistes tiennent à ce qu’on ne perde ni temps ni efficacité dans les modalités concrètes de mise en place de ce mécanisme carbone.

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