Intervention de Marta de Cidrac

Réunion du 15 décembre 2020 à 14h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 10 et 11 décembre 2020

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le dernier Conseil européen a accouché d’une série d’accords importants entre les Vingt-Sept sur plusieurs sujets pourtant particulièrement épineux. J’entamerai toutefois mon propos en évoquant une négociation où, précisément, un accord se fait attendre depuis de longs mois. Il s’agit bien sûr du Brexit, évoqué par de nombreux collègues.

La dernière date butoir, pourtant présentée comme impérative par Ursula von der Leyen et Boris Johnson, a été une nouvelle fois ignorée et, dimanche, les négociateurs ont finalement décidé de ne rien décider. Avec cette énième prolongation se poursuit également l’incertitude dans laquelle sont plongés les acteurs économiques de notre pays, et notamment nos pêcheurs.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez donné votre sentiment sur la situation. Ce nouveau délai correspond-il réellement à une volonté des deux parties de parvenir à un accord qui serait à portée de main ou bien est-il plutôt le reflet de leur refus d’endosser la responsabilité de mettre un terme aux négociations ?

Lors du dernier débat préalable au Conseil européen, vous aviez déclaré, d’ailleurs avec raison, que l’on ne pouvait attendre le 31 décembre pour prendre une décision. Pensez-vous désormais que nous devions nous résigner à attendre cette date pour obtenir un tant soit peu de clarté sur la suite des événements ?

Surtout, si l’issue devait être un no deal, je m’interroge sur la capacité des Européens et des Britanniques à retisser rapidement les fils d’une relation solide et de long terme, qui sera pourtant essentielle aux uns comme aux autres. Dans un tel cas de figure, une reprise ultérieure des discussions, éventuellement sous un autre format ou avec d’autres objectifs, est-elle envisagée ?

Sur une note plus positive, je souhaiterais saluer le compromis intelligent trouvé par les chefs d’État et de gouvernement sur l’ensemble du paquet lié au cadre financier pluriannuel. En surmontant les blocages liés à la conditionnalité « État de droit », l’Europe a évité l’écueil familier de la paralysie, qu’aurait tristement souligné une action budgétaire réduite à des douzièmes provisoires.

La voie est donc ouverte à l’adoption du paquet par le Conseil et le Parlement européens. Dans ces conditions, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer le calendrier envisagé par le Gouvernement pour soumettre au Parlement français la décision sur les ressources propres, qui sera l’occasion d’un débat approfondi sur les implications, tant financières que politiques, des modalités du plan de relance européen ?

Autre accord d’envergure intervenu la semaine dernière, celui qui concerne le rehaussement de nos objectifs climatiques pour 2030. Sans préjuger bien sûr de l’issue de la procédure législative toujours en cours, tout porte à croire que la bataille des chiffres est désormais terminée et que l’Europe devrait bien, in fine, s’engager sur une réduction d’au moins 55 % de ses émissions d’ici à dix ans.

Après avoir répondu à la question du « combien », il faut désormais répondre à celle du « comment ». S’ouvre donc désormais une autre bataille, celle de la mise en œuvre. Le défi à relever est, ne le cachons pas, immense en termes non seulement économiques, sociaux, technologiques et industriels, mais aussi d’aménagement du territoire dans chacun des États membres.

Dans ses conclusions, le Conseil tient un langage particulièrement volontariste en matière de préservation de la compétitivité, de création d’emplois et de croissance, d’innovation et de neutralité technologiques, de finance verte et de solidarité, ce dont je me félicite.

Toutefois, le texte reste relativement avare de précisions quant au contenu du cadre facilitateur, c’est-à-dire de l’ensemble des mesures prévues pour aider les États membres, et en premier lieu les moins riches et les plus dépendants des énergies fossiles, à effectuer leur transition énergétique et à prendre leur part pour l’atteinte de ce nouvel objectif commun.

Quelques pistes ont bien été succinctement évoquées. Je salue en particulier le fait qu’ait été rappelée la nécessité d’établir un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. J’ajoute par ailleurs que la mise en œuvre de cet instrument devrait être la plus rapide et la plus ambitieuse possible, pour assurer tant l’équité économique que l’efficacité écologique des efforts considérables que nous nous apprêtons à fournir.

Néanmoins, il est encore difficile d’appréhender clairement ce cadre facilitateur. Bien qu’il appartienne à la Commission de faire des propositions détaillées et aux colégislateurs d’en débattre, pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous apporter quelques précisions en la matière ?

Enfin, le dernier accord acté lors du Conseil européen concerne la Turquie. Il est en demi-teinte. Certes, les chefs d’État et de gouvernement ont clairement durci le ton face à la politique néo-ottomane de M. Erdogan, mais ils n’ont toutefois pas changé radicalement d’approche, privilégiant une politique des « petits pas », comme en témoigne le fait que les mesures annoncées se limitent à l’allongement d’une liste de personnes sanctionnées en raison de leur lien avec les activités de forage illégales turques dans les eaux chypriotes.

Monsieur le secrétaire d’État, le Conseil de mars reviendra encore une fois sur la question et examinera les propositions du Haut Représentant. Nous espérons que ce sera l’occasion pour les Européens de prendre enfin leurs responsabilités face à l’expansionnisme décomplexé d’Ankara et de lui adresser un message fort.

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