Intervention de Clément Beaune

Réunion du 15 décembre 2020 à 14h30
Débat à la suite de la réunion du conseil européen des 10 et 11 décembre 2020

Clément Beaune  :

… que je défends avec ardeur la solidarité européenne, y compris quand elle est difficile à expliquer. Nous parlons aujourd’hui de budget : dans le budget européen, la France contribue à la solidarité européenne à hauteur de plusieurs milliards d’euros par an – ne le cachons pas – afin d’aider d’autres pays, comme la Pologne, la Hongrie, etc. Il y va in fine de notre bénéfice commun. J’assume cette solidarité européenne, qui bénéficie à nos entreprises dans le cadre d’un marché unique européen : c’est notre force dans la mondialisation.

Je suis étonné que l’on soit prêt, quand on est attaché à la souveraineté, aux intérêts et – je l’espère – aux valeurs de notre pays, à transférer de l’argent sans aucune contrepartie et sans vérifier que des valeurs politiques fondamentales comme l’État de droit – il ne s’agit pas de broutilles ! – ne sont pas bafouées en toute impunité. Je n’ai pas cette conception de la souveraineté nationale et des intérêts de la France. Je regrette donc cette position.

Je crois avoir répondu à un certain nombre des préoccupations que vous avez exprimées, madame Mélot. Vous avez évoqué, comme Claude Kern, avec une pudeur qui vous honore, le maintien du siège du Parlement européen à Strasbourg. Au-delà du simple chauvinisme, c’est une question importante. Le Gouvernement défend nos intérêts. J’étais hier à Strasbourg où nous avons remporté une première bataille symbolique grâce à la présence du président du Parlement européen dans l’hémicycle, marquant ainsi que le Parlement siégeait bien à Strasbourg.

La France continue avec beaucoup d’élus, dont vous-mêmes, à défendre un retour rapide des sessions et la consolidation du statut de Strasbourg comme capitale européenne. Nous signerons à cet effet, entre l’État et les collectivités concernées, un nouveau contrat triennal dans les toutes premières semaines de l’année 2021.

Monsieur Fernique, j’ai rebondi, il me semble, sur votre remarque concernant l’État de droit. En ce qui concerne les ratifications nationales, je vous remercie de votre aide et je salue la mobilisation de votre famille politique écologiste. Il y aura, je l’ai dit, une ratification française. Elle est nécessaire, comme celle de tous les États membres. Sans donner de date définitive, je pense que nous pourrons acter tout cela au cours du premier trimestre de 2021.

Il est très peu probable que les pays qui exprimaient des réticences sur le plan de relance, y compris les « frugaux » et ceux dont les configurations parlementaires sont compliquées pour soutenir ces avancées européennes, s’opposent à cette ratification maintenant que l’accord est obtenu. Des vérifications ont été faites et parfois des mandats ont été donnés aux gouvernements en vue de la négociation.

Je pense avoir répondu aux aimables remarques formulées par le sénateur Gattolin. J’espère également que nous aurons rapidement un certain nombre de noms pour le Magnitsky Act à l’européenne.

En réponse à Mme Guillotin sur les vaccins, j’indique que l’Agence européenne des médicaments a annoncé aujourd’hui même qu’elle avançait au 21 décembre prochain la date à laquelle elle pourrait donner ses premières autorisations de mise sur le marché pour le vaccin Pfizer-BioNTech. Il s’agit de répondre aux préoccupations légitimes qui se sont exprimées sur les délais européens et d’aller plus vite, sous réserve, bien sûr, que l’Agence valide cette autorisation, car il s’agit d’une autorité indépendante et scientifique.

Les certificats de vaccination sont évoqués dans les conclusions du Conseil européen comme une piste à explorer. Mon avis personnel est qu’il faut faire très attention. Je partage donc votre préoccupation, notamment sur les travailleurs transfrontaliers. Tant qu’une immense partie de la population ne sera pas vaccinée, exiger une forme de passeport de cette nature reviendrait à créer, de fait, des barrières illégitimes, parfois très problématiques pour certaines activités du quotidien. Je rappelle que le travail transfrontalier concerne 350 000 de nos concitoyens en termes d’emplois directs, sans compter les emplois indirects et les familles.

Monsieur Laurent, je ne suis pas chargé du dossier Hercule, mais le temps du débat parlementaire sur ce projet viendra. Les fantasmes de négociations cachées ou en coulisses me paraissent tout à fait infondés.

S’agissant de la question de l’État de droit, je l’ai souligné, nous avons franchi une étape : saluons-la ensemble !

Faut-il continuer le combat sur l’État de droit, élargir les mécanismes à d’autres violations potentielles, renforcer le droit à l’avortement en Europe et les droits LGBT ? La réponse est « oui », comme je l’ai publiquement dit à de nombreuses reprises. Je continuerai ce combat et j’espère à cette occasion vous trouver aux côtés du Gouvernement. Quoi qu’il en soit, saluons aujourd’hui cette avancée, d’autant que le mécanisme adopté n’est pas bloqué par une exigence d’unanimité.

Faisons de la Conférence sur l’avenir de l’Europe un exercice démocratique ouvert : c’est possible et ça ne dépend que de nous.

Enfin, vous m’avez demandé avec ironie à quoi servait l’argent de la Banque centrale européenne. J’ai le souvenir de débats où votre famille politique, parfois à juste titre, reprochait à la Banque centrale européenne de ne pas soutenir l’emploi et la croissance, et d’être trop allemande ou trop « orthodoxe ». Aujourd’hui, elle investit massivement pour consolider la croissance en période de crise : soutenons cette action, car, sans elle, les taux d’intérêt de nos entreprises et de l’État ne seraient pas aussi faibles. Or c’est la faiblesse des taux qui nous permet de répondre à la crise, dans cette période d’urgence.

Monsieur Kern, j’ai répondu à la question strasbourgeoise. Vous avez aussi évoqué les aspects liés au Brexit. D’un mot, oui nous défendons l’accès de nos pêcheurs à la bande des 6 à 12 milles. Il s’agit évidemment d’un point très important, encore à cette heure, dans les discussions entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Quant à la présence de la Royal Navy dans les eaux de la Manche, c’est une provocation aberrante. Je ne veux pas croire que cela aille au-delà d’une manœuvre tactique, car je n’ose penser que nous soyons dans cette relation avec le Royaume-Uni. Réagissons donc avec calme.

Madame de Cidrac, vous avez abordé la question du calendrier sur les ressources propres. J’y ai répondu. Vous avez également évoqué les moyens mobilisés pour soutenir la transition écologique. Le fonds pour une transition juste est précisément inclus dans le cadre budgétaire pluriannuel. Il existe également d’autres instruments, comme le fonds de modernisation. C’est un des paramètres dont nous discuterons dans la suite des négociations pour la mise en œuvre de l’objectif de moins 55 % agréé au niveau européen.

J’ai répondu, de fait, monsieur Louault, à vos questions sur la Turquie. Je précise néanmoins qu’il existe également une convergence euro-américaine en vue de davantage de fermeté à l’égard de la Turquie, notamment en raison de l’achat de matériels de défense russes. Au moment du Conseil européen, les Américains ont décidé des sanctions pour ce motif.

Monsieur Longuet, vous avez raison en ce qui concerne le marché unique de l’électricité. Nous défendons le choix stratégique de souveraineté que représente le nucléaire pour la France. Il est certes parfois de plus en plus attaqué au niveau européen, mais il s’agit, dans le jargon européen, d’un principe de neutralité énergétique : chaque État membre doit avoir une marge de manœuvre, une fois les objectifs fixés, pour définir son mix énergétique.

Des pays ont renoncé au nucléaire, c’est leur choix et leur droit. Pour autant, ils ne doivent pas nous imposer un choix symétrique alors que nous avons opté avec justesse il y a quarante ans en faveur du nucléaire pour assurer notre souveraineté énergétique en même temps qu’un bouquet énergétique faiblement carboné.

Cet avantage est précieux, nous le défendons, y compris dans les négociations au sujet d’EDF et de nos mécanismes de fixation du prix de l’électricité. L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’Arenh, fait précisément partie de nos discussions avec la Commission européenne. Il importe que les coûts ne soient pas excessifs ni trop strictement définis dans le soutien que nous apportons à nos grands opérateurs énergétiques, comme le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler au cours du Conseil européen et lors de son déplacement au Creusot.

Monsieur Duplomb, un dernier mot sur les questions agricoles, que vous avez soulevées. C’est un vaste débat qui dépasse ma compétence, mais, je vous le confirme, nous avons la préoccupation réelle d’éviter toute forme d’iniquité dans les efforts que nous faisons en Europe pour défendre notre ambition climatique. Les éco-régimes ou les eco-schemes, comme l’on dit parfois, que vous avez évoqués, représentent une avancée importante qu’a négociée Julien Denormandie dans la prochaine politique agricole commune. Ils sont rendus obligatoires, ce qui limitera les distorsions de concurrence.

Vous avez parlé d’un certain nombre de trous dans la raquette ou de possibilités de dérogations. Cela fait l’objet de discussions en ce moment entre le Parlement européen et le Conseil, et nous serons vigilants à la fois pour que le niveau des éco-régimes soit ambitieux et pour que leur caractère véritablement obligatoire ne soit pas remis en cause. J’en ai conscience, cela ne fait pas tout le chemin pour construire cette équité dans les pratiques agricoles et dans les obligations climatiques qui y sont liées, mais c’est aussi important.

De même, les objectifs écologiques fixés dans les plans de relance et les budgets nationaux irriguent la politique agricole de chaque pays, parce que, pour atteindre 30 % de dépenses pro-climat au niveau européen, il faut nécessairement mobiliser la PAC. D’ailleurs, je dois dire que la politique agricole commune est la première politique européenne intégrée, commune, qui contribue à la transition écologique. Il faut simplement qu’on l’organise de manière équitable en matière de concurrence interne.

Vous ne l’avez pas évoqué, mais je crois que c’est un point très important qui nous anime dans notre recherche d’équité : nous devons aussi faire en sorte que les accords commerciaux, qui sont parfois encore négociés ou discutés par l’Union européenne, ne ruinent pas les efforts de nos propres agriculteurs, de nos propres producteurs. C’est la raison pour laquelle nous avons cette position de fermeté, que vous connaissez, sur le rejet, en l’état du texte, du projet d’accord commercial que la Commission européenne avait négocié avec le Mercosur.

Voilà, à défaut d’avoir été synthétique, j’espère au moins avoir été complet dans mes réponses.

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