Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du 15 décembre 2020 à 14h30
Questions orales — Droit à une rémunération équitable et impact sur les aides à la création

Roselyne Bachelot :

Je vous remercie, madame la sénatrice, de poser cette question, car elle concerne un sujet extrêmement important.

Par son arrêt du 8 septembre 2020, la CJUE a en effet décidé qu’il n’appartenait pas aux législateurs nationaux d’évaluer la répartition des droits voisins, au titre de la rémunération équitable vers les ressortissants d’État tiers. Un État membre ne peut limiter, de lui-même, sans que le droit de l’Union l’y autorise spécifiquement, le droit à rémunération équitable des ayants droit issus de pays tiers, qui n’appliquent pas ce droit sur leur territoire.

Cet arrêt – vous l’avez souligné – vient bouleverser la pratique française, puisque les droits à rémunération équitable collectés sur les phonogrammes issus d’États tiers ayant notifié des réserves aux conventions de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) étaient considérés comme des « irrépartissables juridiques ». Il en allait ainsi des collectes liées à la diffusion d’enregistrements américains, les États-Unis n’ayant pas signé la convention de Rome de 1961 pour la protection des artistes-interprètes ou exécutants.

L’arrêt de la CJUE remet en cause l’usage de ces sommes irrépartissables, qui apportent aujourd’hui une contribution essentielle à la production artistique française, mais aussi à la vitalité artistique de nos territoires. À cet égard, vous avez évoqué un montant, encore faudrait-il savoir s’il n’y a pas rétroactivité de l’arrêt de la CJUE… Le point n’est pas encore tranché. C’est très grave, car les OGC d’artistes et de producteurs ont l’obligation d’utiliser ces sommes à destination d’aides à la création et à la diffusion – je pense en particulier à nos festivals.

Cette remise en cause, dans le contexte économique très difficile de la pandémie de covid-19, est particulièrement inopportune. Je m’en suis saisie rapidement avec une action sur deux volets.

D’une part, l’article 35 de la loi du 3 décembre 2020, dite Ddadue, permet de sécuriser, pour le passé, le système français d’aides à la création et à la production musicales, sous réserve des actions contentieuses introduites avant la publication de ladite loi. Il valide en effet l’utilisation des sommes attribuées par le passé par les OGC, au titre de l’aide à la création. Ce faisant, il répond à un motif d’intérêt général manifeste, qu’est la promotion de la diversité culturelle et artistique.

D’autre part, j’ai sensibilisé très fortement nos partenaires sur le plan européen, en alertant le commissaire Thierry Breton, mais également les eurodéputés français mobilisés sur ces enjeux. Je souhaite qu’un texte législatif – lequel serait assez simple en réalité – puisse être rapidement présenté, pour permettre de conforter notre dispositif de rémunération équitable, ainsi qu’une application effective du principe de réciprocité.

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