Intervention de Marlène Schiappa

Réunion du 14 décembre 2020 à 15h00
Code de la sécurité intérieure — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Marlène Schiappa :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c’est un honneur pour moi d’être avec vous pour la nouvelle lecture de ce projet de loi, qui proroge des dispositions majeures du code de la sécurité intérieure. Comme j’ai eu l’occasion de le voir lors de l’examen de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2021, le Parlement est très attentif aux dispositions qui permettent de mieux protéger les Françaises et les Français.

Trois ans après l’adoption de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « loi SILT », les dispositions qui ont été adoptées pour sortir de l’état d’urgence restent pleinement d’actualité. Il s’agissait de maintenir un niveau extrêmement exigeant de sécurité pour les Français, car la menace reste prégnante et la lutte contre le terrorisme demeure une priorité de l’action du Gouvernement. Pour cela, la loi SILT a mis en place des outils nouveaux, mais adaptés, garantissant un équilibre entre efficacité de l’action antiterroriste et préservation des libertés.

Nous avons collectivement conscience du niveau extrêmement élevé de la menace qui continue à peser sur notre pays. L’attaque terroriste devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, celle de Conflans-Sainte-Honorine et celle de Nice montrent, si cela était nécessaire, que nos efforts ne doivent pas se relâcher et que nous devons continuer d’agir avec la plus grande détermination contre le terrorisme islamiste.

Depuis 2017, quatorze attaques ont abouti sur le territoire national. Mais il faut aussi dire que, depuis 2017, trente-deux attentats ont été déjoués par nos services, dont un encore au début de l’année 2020. Permettez-moi à cette occasion de saluer les services de renseignement, les policiers et les gendarmes, qui accomplissent chaque jour un travail exceptionnel pour identifier les menaces, suivre les individus dangereux et mettre en péril leurs projets meurtriers.

La loi SILT a permis à ces services de continuer à disposer, après la fin de l’état d’urgence, d’un cadre législatif efficace et adapté à leur action. Je souhaite cependant insister sur l’usage qui a été fait de ces outils nouveaux. Au 11 décembre 2020, 605 périmètres de protection ont été mis en place et huit lieux de culte ont été fermés. Dans le même temps, 370 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ont été notifiées – parmi elles, 63 sont actives à ce jour – et 397 visites domiciliaires ont été réalisées. Ces mesures ont toujours été utilisées de manière ciblée, sous le contrôle du juge.

Conformément à l’article du code de la sécurité intérieure instauré par l’article 5 de la loi SILT, le Parlement a été informé sans délai de la mise en œuvre de chacune de ces mesures. Il a également été rendu destinataire, chaque année, d’un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre de la loi.

De la même manière, le Gouvernement a fait un usage raisonné de la technique dite « de l’algorithme ». Ainsi, depuis 2015, trois traitements automatisés ont été autorisés par le Premier ministre, après avis favorable de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). La délégation parlementaire au renseignement a été rendue destinataire d’un rapport classifié au niveau « confidentiel défense », qui décrit la nature de l’apport opérationnel de ces traitements automatisés.

Les mesures dont il vous est proposé de prolonger l’application par le présent projet de loi constituent donc des outils opérationnels indispensables pour les services spécialisés dans la lutte contre le terrorisme. Il est important de souligner que ces outils ont été mis en œuvre sous le contrôle attentif du juge, judiciaire et administratif, et, pour certains d’entre eux, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, avis que le Gouvernement a toujours suivis. Ils font l’objet d’un échange permanent avec le Parlement, sous la forme d’une information en temps réel et d’une évaluation régulière, que le Gouvernement a strictement respectées.

Ces dispositifs ont démontré toute leur pertinence dans la prévention de la menace terroriste.

Je crois pour ma part qu’il est important, sur des dispositions aussi fondamentales pour l’équilibre entre les enjeux de libertés et la lutte antiterroriste, de travailler à une constante amélioration de ces textes. Dès lors, pérenniser dès à présent ces dispositions serait passer l’occasion de les adapter pour qu’elles répondent au mieux aux besoins des services, tout en respectant l’équilibre qui a présidé à leur adoption.

Le Gouvernement envisageait par ailleurs, avant l’émergence de la crise sanitaire, de soumettre au Parlement avant l’été un projet de loi permettant d’engager avec vous une discussion approfondie sur chacune de ces mesures. Au-delà du seul bilan de leur mise en œuvre, l’examen de ce texte aurait été l’occasion de débattre, ensemble, des éventuelles adaptations de notre cadre juridique à l’évolution de la menace. Les services de renseignement y étaient prêts. Le ministère de l’intérieur, le ministère des armées et l’ensemble du Gouvernement y étaient prêts. Mais la mobilisation nationale rendue nécessaire par la gestion de la crise sanitaire y a fait obstacle. Le contexte n’a pas permis aux débats, dans chacune des chambres du Parlement, de se tenir de manière sereine.

À ce contexte épidémique est venu s’ajouter l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne, le 6 octobre dernier, sur le régime de conservation des données par les opérateurs de télécommunications. Les juridictions nationales tireront toutes les conséquences de cette décision européenne. Il nous faudra pouvoir en éclairer le Parlement et examiner avec lui les conséquences potentielles qu’il conviendrait d’en tirer dans la loi.

Les sujets dont nous parlons sont majeurs pour la sécurité des Français. Ils touchent aux libertés fondamentales. Ils méritent d’être discutés avec tous les éclairages nécessaires. Aussi, compte tenu de la sensibilité et de la complexité des dispositions en question, il a semblé opportun au Gouvernement de proroger de quelques mois ces dispositifs pour réserver la tenue d’un débat de fond serein. En tout état de cause, la prolongation de l’expérimentation ne nous empêche pas – n’empêche pas nos services – de travailler.

La mobilisation du Gouvernement pour lutter contre le terrorisme est très forte. Elle se traduit, avec le soutien du Parlement, par une augmentation des moyens mis à la disposition des services spécialisés en matière de lutte antiterroriste, notamment les services de renseignement. Au total, 1 000 postes supplémentaires ont été créés depuis l’élection du Président de la République. Les budgets d’investissement et de fonctionnement des services, que vous avez approuvés au sein de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2021, ont également fait l’objet d’un effort sans précédent. Les crédits alloués à la DGSI ont ainsi pratiquement doublé entre 2015 et aujourd’hui.

La lutte contre le terrorisme exige en effet de nous une mobilisation totale. Sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, avec l’engagement de l’ensemble des forces de sécurité et des services de renseignement, avec l’appui de la justice, M. le ministre de l’intérieur et moi-même mènerons un combat sans relâche. Nous ne renoncerons jamais à traquer ces ennemis de la République, qui attaquent par la terreur notre mode de vie et nos valeurs : la laïcité, la liberté d’expression, ou encore la liberté de conscience et la liberté de culte.

C’est pour ces considérations d’efficacité, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que je vous présente aujourd’hui, au nom du Gouvernement, ce projet de loi de prorogation.

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