Intervention de Philippe Dominati

Réunion du 16 juin 2009 à 15h00
Réforme du crédit à la consommation — Discussion d'un projet de loi et de cinq propositions de loi

Photo de Philippe DominatiPhilippe Dominati, rapporteur de la commission spéciale :

En revanche, si un fichier positif est bien un outil de nature à renforcer la concurrence dans le secteur du crédit, à permettre l’arrivée de nouveaux entrants, à faire baisser les prix, donc à réduire l’exclusion du crédit dont souffriraient quelque 15 % de nos concitoyens, la perspective est tout autre.

Mes chers collègues, j’imagine que, comme moi, vous l’avez remarqué, les professionnels qui s’opposent de la manière la plus véhémente au fichier sont les principales banques et leurs filiales spécialisées. Ceux qui « tiennent » le marché ne veulent surtout pas d’un fichier, les autres le demandent au nom de la concurrence.

Dans cette optique, je deviens favorable à un fichier de ce type.

Si tel est l’objectif visé, le débat difficile engagé aujourd’hui par les Belges sur le point de savoir s’il faut enrichir leur centrale de données avec les autres créances de citoyens n’a pas lieu d’être : sur le marché du crédit, seul le crédit doit être enregistré.

Enfin, compte tenu de l’absence de consensus aujourd’hui dans notre pays sur cette question - nous avons pu tous en prendre conscience au cours des auditions -, la création, dès demain, d’un fichier dit « positif » serait inopportune. En effet, il existe nombre de problèmes techniques et de considérations de principe qui interdisent une mise en œuvre immédiate. Je n’en citerai qu’un exemple : la sécurité du système et la protection des données personnelles. En Belgique, elles sont assurées par le numéro unique dont dispose tout citoyen sur sa carte d’identité, qui est obligatoire. Rien de cela en France, car nous avons, au contraire, toujours évité d’avoir un numéro unique pour nos relations avec les administrations. Il ne s’agit pas seulement d’un détail technique, et il y en a de nombreux autres ! La loi belge du 10 août 2001, qui a créé la Centrale, comporte 34 articles et couvre trois pages du Moniteur officiel. C’est dire si le dispositif est complexe...

Pour toutes ces raisons, la commission spéciale a adopté les articles 27 bis et 33 A qui, combinés, posent le principe de la création d’un fichier positif à terme, mais donnent du temps à l’évaluation et à la concertation, afin de permettre de rapprocher suffisamment les points de vue entre les parties – aujourd’hui encore trop divisées –, de même qu’ils ménagent le temps de la réflexion sur la vraie finalité et les modalités d’utilisation de cet outil.

C’est dans cette optique qu’une commission temporaire réunissant toutes les parties prenantes, à l’instar du comité d’accompagnement créé en Belgique à la satisfaction de tous, travaillera à élaborer un projet permettant au Parlement de prendre les mesures qui lui sembleront s’imposer pour créer un fichier positif.

Troisième et dernier élément nouveau que la commission spéciale a introduit dans le projet de loi, l’article 18 bis vise à donner une définition du microcrédit social, beaucoup trop modeste aujourd'hui, afin d’en favoriser l’essor, et à permettre au Fonds de cohésion sociale de financer non seulement les garanties, mais également directement les dépenses d’accompagnement des bénéficiaires.

Madame la ministre, mes chers collègues, j’en viens maintenant aux compléments apportés au projet de loi lui-même.

La réflexion de la commission spéciale a essentiellement porté sur trois points : la « zone grise » entre le commerce et le crédit, qu’il fallait davantage clarifier, l’information et la protection du consommateur, qui devaient être renforcées, et le fonctionnement de la procédure de surendettement et du FICP, qui pouvait être amélioré.

En ce qui concerne les relations entre le commerce et le crédit, la commission a d’abord voulu assurer une meilleure confidentialité des opérations sur le lieu de vente, garantir la formation des personnels concernés et permettre un contrôle facile du respect de ces prescriptions par l’autorité administrative.

Ensuite, il a semblé indispensable d’assujettir clairement les nouvelles cartes bancaires et de crédit aux mêmes règles de paiement comptant que les cartes de fidélité auxquelles sont associées des fonctions de paiement et de crédit. À défaut, notre travail aurait été très largement vain : en effet, il y a plus de 50 millions de cartes bancaires en circulation dans notre pays !

En outre, la commission a introduit l’obligation d’offrir systématiquement au consommateur qui souhaite régler à crédit des achats dépassant une certaine somme une offre alternative de crédit amortissable lorsqu’on lui soumet une offre de crédit renouvelable. La commission a également tenu à améliorer le fonctionnement de la loi Chatel en interdisant aux établissements de crédit de s’appuyer sur une cotisation annuelle concernant une carte de fidélité pour ne pas clore au bout de trois ans un compte de crédit renouvelable inactif.

Enfin, à partir d’un amendement de notre collègue Claude Biwer, la commission a contraint le Gouvernement à moduler les durées de remboursement des crédits renouvelables selon leur montant, afin que les petits tirages, par exemple ceux qui sont inférieurs à 3 000 euros, soient remboursés plus rapidement que les utilisations plus élevées. De même, à partir d’un amendement de Michel Mercier, elle a supprimé la distinction entre l’offre sans agrément et l’offre avec faculté d’agréer, afin de rendre obligatoire en toutes circonstances l’accord exprès du prêteur.

Mes chers collègues, toutes ces dispositions vont renforcer le nouvel équilibre que nous souhaitons tous voir s’instaurer pour limiter le crédit renouvelable aux petits achats, sur des durées de remboursement limitées.

Concernant la protection et l’information du consommateur, la commission spéciale a d’abord voulu garantir que la fiche de dialogue ne pourra pas être utilisée par le prêteur à l’encontre de l’emprunteur si celui-ci commet des erreurs ou des omissions. Pour qu’elle soit éventuellement considérée comme probante, il faudra qu’elle soit assortie des justificatifs concernés. Cette solution, fondée sur la responsabilité du prêteur, a semblé préférable à celles qui imposent des obligations générales risquant sérieusement de mettre à mal le commerce et de gêner significativement un nombre considérable de nos concitoyens.

Par ailleurs, plusieurs propositions de nos collègues ont été intégrées au texte : je pense au complément apporté à la mention légale d’avertissement et à l’obligation de faire figurer celle-ci sur la fiche d’information, deux mesures suggérées par Muguette Dini, Claude Biwer et le groupe de l’Union centriste.

Je vise également les initiatives de Laurent Béteille et de Brigitte Bout conduisant, d’une part, à ce qu’un encadré récapitulatif des principales caractéristiques du contrat figure à la première page de celui-ci et, d’autre part, à ce que tout prêteur adresse, au moins une fois par an, un récapitulatif de l’état d’exécution des crédits.

Enfin, la commission spéciale a fortement complété le texte initial en matière de surendettement et de FICP. Sur mon initiative, elle a notamment amélioré le suivi social des personnes surendettées et rendu obligatoires le rapport annuel des commissions de surendettement et leur synthèse par la Banque de France, afin d’entraîner une harmonisation des pratiques sur tout le territoire.

Des amendements de Laurent Béteille et de Brigitte Bout ont permis de conférer le droit de vote à tous les membres de la commission de surendettement. Sur la proposition de Muguette Dini, la commission spéciale a étendu le reste à vivre aux frais de garde et de transport professionnel tandis que, sur celle de Nicole Bricq, elle a prévu la réouverture du droit au versement de l’APL en cas de recevabilité du dossier de surendettement.

En ce qui concerne le FICP, la commission spéciale a prévu la traçabilité des consultations du fichier réalisées par les établissements de crédit, afin de s’assurer qu’ils vérifient bien la solvabilité de l’emprunteur avant la conclusion du contrat. En outre, sur l’initiative de Brigitte Bout et de Laurent Béteille, elle a confirmé que l’inscription au FICP n’interdisait pas, en tant que telle, la délivrance d’un crédit.

Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les principales améliorations que la commission spéciale a jugé utile d’apporter au texte du Gouvernement. Elles résultent d’un travail long de deux mois, scandé par six séries d’auditions et un déplacement à Bruxelles, qui a permis d’entendre 40 organismes, associations et experts, soit plus de 90 personnes au total.

Cette réflexion a été, me semble-t-il, très féconde pour faire émerger les solutions les plus adaptées tant aux contraintes dans lesquelles s’effectue cet exercice de transposition de la directive communautaire qu’aux objectifs politiques fixés par le Gouvernement. La commission spéciale a encore donné, la semaine dernière, un avis favorable à une douzaine de propositions émanant de nos collègues.

Réduire le malendettement en diminuant la part du crédit renouvelable au profit du crédit amortissable, améliorer les procédures de traitement du surendettement sont deux ambitions que nous partageons tous.

Même si certaines suggestions restent en discussion, car nous n’avons pas les mêmes appréciations sur leurs effets réels, nous nous entendons assez largement sur les points essentiels de ce texte, que nous avons examiné sous la bienveillante autorité de Philippe Marini, avec les collègues de tous les groupes, auxquels j’adresse mes remerciements pour le travail que nous avons accompli ensemble.

J’espère que ce projet de loi, qui touche à un sujet essentiel pour tous nos concitoyens, rencontrera un accueil favorable allant au-delà de la seule majorité gouvernementale.

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