Intervention de Sonia de La Provôté

Réunion du 17 décembre 2020 à 10h30
Place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l'épidémie de covid-19 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Sonia de La ProvôtéSonia de La Provôté :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite avant tout un bon rétablissement au Président de la République et au Premier ministre.

La question qui nous est posée est celle de la place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l’épidémie de covid-19. La réponse est tout sauf simple, ce qui démontre l’importance des défis à relever. En effet, si nous construisons pas à pas des connaissances scientifiques, médicales et sociologiques, elles représentent de simples îlots de certitudes au milieu d’un océan d’incertitudes et d’imprévus.

D’une part, ce virus est nouveau ; bien que l’on connaisse mieux sa virulence et son pouvoir pathogène, il reste beaucoup à apprendre, notamment en clinique et en thérapeutique.

D’autre part, ces vaccins aussi sont nouveaux ; certains d’entre eux font appel à une technologie nouvelle, fondée sur l’utilisation de l’ARN messager.

Dès lors, de nombreuses questions sur l’immunité conférée par la maladie ou le vaccin restent en suspens : quid de la durée de protection et de sa qualité ? Bloque-t-elle la diffusion du virus ?

Ce que nous savons, c’est combien cette maladie est grave, notamment pour les plus âgés et les plus fragiles. Nous savons aussi que les mesures barrières et le confinement sont efficaces. Nous savons enfin que, dès que l’on baisse la garde, l’épidémie reprend vite et fort ; l’actualité de ce jour le démontre une nouvelle fois. Un vaccin efficace et aux effets secondaires limités est donc l’idéal attendu.

Soyons réalistes : il va se passer encore un peu de temps avant que ce virus ne prenne la place qui doit être la sienne, celle d’un agent pathogène connu et contrôlé, avec lequel nous vivrons plus sereinement.

Pour cela, le défi est d’agir individuellement et collectivement le plus efficacement possible, le temps que nous passions de l’inconnu à la connaissance.

Dans cette stratégie, la vaccination est une clé essentielle. Pour autant, elle arrive dans un contexte d’incompréhensions et de doutes par rapport à la puissance publique et la science. La vaccination, qui est pourtant un formidable espoir, reçoit en effet un accueil mitigé de la part de nombre de nos concitoyens.

Aussi, dans la mesure où nous ne pouvons, ni économiquement ni humainement, rater le rendez-vous de la vaccination, deux conditions s’imposent au Gouvernement pour que cette stratégie vaccinale soit une réussite dès sa première phase : tout d’abord, il faut retrouver la confiance en informant bien ; ensuite, il est nécessaire d’organiser impeccablement la logistique.

Le premier défi est donc celui de l’information. Comme le dit le professeur Fischer, elle doit reposer sur plusieurs principes intangibles. Le principal d’entre eux est la transparence : celle-ci est non une option, mais un guide ! C’est accepter de dire ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas. C’est répondre à toutes les questions que nos concitoyens se posent de manière légitime. C’est aussi fournir, au fur et à mesure du déploiement de la vaccination, des points d’étapes de son avancement et de l’état des connaissances. C’est, enfin, éviter de tenir un discours pour ne pas avoir à tenir un autre.

À vaccin nouveau, risques nouveaux, peut-être, parmi lesquels des effets secondaires rares qui ne pourraient se faire jour que quand un grand nombre de personnes seraient vaccinées. Il est donc essentiel que les données de la chaîne de pharmacovigilance et de la traçabilité des doses dispensées soient disponibles, actualisées, fiables et irréprochables.

À ce titre, comme le préconise le rapport de l’Opecst, un site internet unique et ergonomique est vivement souhaitable. On pourrait y trouver l’avis des autorités sanitaires et scientifiques, nationales comme européennes, ou encore les études scientifiques au fur et à mesure de leur parution.

Ce suivi est essentiel pour que chacun comprenne le processus et l’avancée de la stratégie jusqu’à la vaccination de la population générale, d’autant que nous aurons alors plusieurs vaccins différents. C’est à ce moment-là que l’adhésion des Françaises et des Français devra être la plus grande, dans l’espoir d’une immunité qui enraye la propagation du virus.

La transparence, c’est aussi aborder la question de la nature et du montant des contrats conclus avec les laboratoires pharmaceutiques, en particulier la clause d’irresponsabilité, qui cristallise d’ores et déjà bien des suspicions.

Outre cette transparence sur les contenus, un effort essentiel est à produire sur l’organisation des circuits de l’information.

Depuis le début de cette crise, les querelles de plateaux alimentent les doutes ; la parole publique est elle-même source de confusion. La multiplicité des interlocuteurs produit des dissonances, parfois même des contradictions.

Ministère, DGS, ANSM, comité CARE, conseil scientifique, task force vaccin, CESE, groupes de citoyens tirés au sort, HAS, comité vaccin, Conseil stratégique d’orientation de la vaccination, Santé publique France, conseil de défense et de sécurité : l’énumération donne le tournis… Dans cette comitologie, on ne retrouverait pas ses petits !

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