Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 17 décembre 2020 à 10h30
Place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l'épidémie de covid-19 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis de longs mois, l’épidémie de covid-19 mobilise sans discontinuer nos professionnels de santé, met à terre notre économie et démoralise notre nation. La perspective d’un vaccin est donc un fantastique espoir, qui semblait hors de portée il y a quelques mois encore. La recherche a été rapide et constitue un élément de satisfaction, dans une période qui en compte peu.

À l’heure où cet espoir se fait jour et où d’autres pays s’emploient déjà à le matérialiser, j’observe que le débat se focalise sur la supposée réticence des Français à se faire vacciner.

Prenons garde que, à faire tourner en boucle cette défiance, elle ne finisse par s’auto-entretenir. La couverture vaccinale des Français n’est pas très bonne, il est vrai, mais celle des enfants l’est, et le passage à onze vaccinations obligatoires n’a pas soulevé la levée de boucliers annoncée.

Pour réussir la stratégie vaccinale, il faut relever de nombreux défis, qui sont avant tout logistiques : la mise à disposition de vaccins en nombre suffisant – c’est là la vraie question –, conservés dans de bonnes conditions et administrés aux bonnes personnes et par les personnels les plus appropriés.

Souvenons-nous de l’échec de la campagne de vaccination contre la grippe A. Notre collègue Alain Milon, rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale de l’époque, déplorait « l’incompréhension face à une campagne de santé publique à laquelle n’étaient pas associés les médecins ».

Il pointait là une condition majeure du succès d’une stratégie vaccinale : le médecin traitant est central pour la prise en charge de ses patients. Les généralistes, les pédiatres, les sages-femmes, les infirmiers et, d’une façon générale, l’ensemble du premier recours, doivent être placés au cœur de la stratégie vaccinale, au stade de son élaboration comme de sa mise en œuvre.

En avez-vous tenu compte, monsieur le ministre, dans les instances que vous avez mises en place ? Prenons l’exemple du comité scientifique sur les vaccins covid-19, créé au premier semestre 2020 : il ne comportait alors aucun médecin généraliste et, de façon tout aussi surprenante, il ne comprenait aucun représentant des usagers du système de santé !

Qu’en est-il du nouveau Conseil d’orientation sur la stratégie vaccinale, que vous avez créé au début du mois de décembre ? Comprend-il des médecins généralistes et des représentants d’usagers ? Sa composition demeure introuvable sur internet…

Cela m’amène, monsieur le ministre, à interroger, conformément aux observations de la commission d’enquête, la démarche de votre gouvernement dans la mobilisation de l’expertise scientifique. Les Français, au premier chef les professionnels de santé, sont en effet dans l’attente d’une stratégie simple et lisible, fondée sur un rationnel scientifique puissant.

La HAS a déjà produit deux avis sur une stratégie vaccinale contre le covid-19, en juillet et en octobre 2020 ; notre commission a entendu sa présidente hier. Le conseil scientifique, le comité analyse recherche et expertise, le CARE, ont eux-mêmes publié un avis commun sur la question en juillet dernier.

Or, non content de ce paysage encombré de l’expertise scientifique, vous venez d’y ajouter un Conseil d’orientation sur la stratégie vaccinale, dont on saisit mal l’articulation avec les agences sanitaires et les instances ad hoc déjà mises en place, même si je tiens à saluer la clarté de l’intervention du professeur Fischer, hier, devant la commission des affaires sociales. Devant cette profusion d’avis, quelle instance scientifique allez-vous finalement écouter pour arrêter votre stratégie ?

Je terminerai par la sécurité : c’est en rassurant nos concitoyens sur cet enjeu que nous gagnerons leur confiance. Leurs interrogations sont légitimes face à des techniques vaccinales nouvelles.

À cet égard, notre système de pharmacovigilance, pour assurer une veille permanente des moindres incidents, sera déterminant. Quels moyens comptez-vous y consacrer ? Plutôt que de laisser les théories complotistes les plus fantaisistes empoisonner le débat public, nous devons les combattre avec détermination, science à l’appui. Dans cet exercice, notre meilleur allié, une fois encore, est toute la communauté de professionnels en santé, qui a la confiance des Français. C’est en garantissant leur adhésion à la stratégie que nous pourrons les convaincre.

J’ai bien compris l’étalement en différentes phases, qui semble lié, pour partie, à l’impossibilité de garantir des vaccins en nombre suffisant. Mais alors que beaucoup de Français sont impatients, il est particulièrement anxiogène, notamment pour les personnes âgées à domicile, de les laisser attendre plusieurs mois. Transparence, indépendance et vigilance : voilà, à mon sens, les maîtres mots d’une campagne vaccinale efficace. J’attends de ce débat que vous nous montriez comment vous entendez en tenir compte.

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