Intervention de Olivier Véran

Réunion du 17 décembre 2020 à 10h30
Place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l'épidémie de covid-19 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Olivier Véran  :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions, qui traduisent votre confiance dans la vaccination et notre capacité collective à faire de cette campagne vaccinale un succès, au service de l’intérêt général et de la santé de nos concitoyens, ce dont je me réjouis.

J’évoquerai tout d’abord une question de fond, sur laquelle je ne me suis pas attardé dans mon intervention liminaire, à savoir la pharmacovigilance, ou vaccinovigilance, et la manière dont elle sera organisée.

Nous nous appuyons sur des réseaux et des circuits existants, que nous renforçons : l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et ses réseaux spécifiques en charge de la pharmacovigilance, la Haute Autorité de santé, Santé publique France et ses réseaux territoriaux, enfin l’Inserm, qui conduira des études scientifiques, afin que l’on puisse procéder à une étude populationnelle de phase 4 et vérifier que tout fonctionne bien.

Tous les effets indésirables, qu’ils soient mineurs ou éventuellement majeurs, seront évidemment déclarés de façon simple, colligés et publiés en toute transparence.

De la même manière, madame Lassarade – j’en profite pour remercier l’Opecst de ses travaux importants –, l’indemnisation par l’Oniam en cas d’aléa thérapeutique, c’est-à-dire de responsabilité sans faute, est bien sûr garantie. Je signerai l’arrêté sans aucune difficulté.

Il existe en fait deux niveaux de responsabilité : les laboratoires doivent garantir que le produit qu’ils commercialisent est de bonne qualité et qu’il ne présente pas de défaut ; et en cas d’effets indésirables liés à une vaccination, comme c’est d’ailleurs le cas pour tous les traitements et pour toutes les prises en charge thérapeutiques, c’est l’Oniam qui entre en jeu.

Il me semble avoir évoqué de façon assez détaillée le rôle des collectivités et leurs différents niveaux d’intervention. Pour vous rassurer davantage, madame de La Provôté, je vous renvoie au communiqué et au tweet qu’a publié Jean Rottner, le président de région Grand Est, dans lesquels il se disait satisfait de constater que les choses avançaient bien, en concertation.

Je pense fondamentalement que le dialogue avec les collectivités est de bonne qualité et je suis à l’entière disposition des élus dans les territoires, quels qu’ils soient. Nous sommes amenés à nous parler plusieurs fois par semaine ; c’est important, j’ai expliqué pour quelles raisons précédemment.

Vous m’avez interrogé sur l’accès aux soins sur tout le territoire, notamment en outre-mer. Une centaine de points de stockage et de distribution sont répartis sur tout le territoire national, ainsi que des congélateurs spécifiques. De mémoire, sept congélateurs de ce type sont prévus pour les territoires ultramarins, qui seront desservis en même temps que l’ensemble du territoire métropolitain. C’est une évidence et une exigence.

Dans certains territoires ruraux et quartiers relevant de la politique de la ville, où l’accès aux soins peut être difficile, nous aurons davantage besoin de l’aide des collectivités pour renforcer les équipes, mettre en place des équipes mobiles d’intervention à domicile des personnes ou les aider dans les transports.

Le choix des cibles vaccinales suscite un véritable débat, que vous ne trancherez pas en tant que sénateurs et que je ne trancherai pas comme ministre. C’est la Haute Autorité de santé, qui calcule les risques et établit une balance entre les bénéfices et les risques, qui nous dira quelles personnes devront être vaccinées en priorité.

Je comprends parfaitement la demande que soient vaccinées les personnes seules et isolées ou les gens qui travaillent dans le champ du handicap.

Personne ne dit que la vaccination n’est pas justifiée dans leur cas. Ce que nous disons, c’est que les publics prioritaires seront décidés par la Haute Autorité de santé, au fur et à mesure que les doses de vaccins arriveront, par ordre décroissant de risques collectifs, puis individuels. C’est ainsi que les choses doivent fonctionner.

Plusieurs d’entre vous ont abordé la question de la résistance et de la confiance ; je n’y reviens pas. Je dirai simplement que je ne porte pas un regard critique sur ceux de nos concitoyens qui ne se sentent pas à ce stade à l’aise concernant le vaccin. D’ailleurs, le Président de la République a annoncé lui-même que la vaccination ne serait pas obligatoire.

Il ne s’agit pas de forcer les gens à accepter le vaccin ou de considérer que ceux qui ont peur, qui s’inquiètent ou qui s’interrogent auraient tort de le faire. Nous sommes un peuple doté d’un esprit critique, et c’est aussi ce qui fait de nous un grand peuple scientifique. Saint Thomas disait : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ».

Il est probable que le niveau de confiance augmentera dans la population à mesure que la campagne de vaccination progressera, mais je ne reproche jamais à quelqu’un d’avoir peur d’un traitement que l’on veut lui prescrire. Je ne lui reproche jamais de s’interroger, de poser des questions. Toute notre tâche, qui est un travail de conviction, c’est d’arriver à faire comprendre à cette personne que ce qu’on lui propose présente pour elle beaucoup plus de bénéfices que de risques.

Pour autant, nous ne nions pas qu’il puisse y avoir des risques, mais c’est également le cas avec le paracétamol, qui peut provoquer des effets indésirables, comme des réactions hépatiques ou allergiques !

Évidemment, on peut s’attendre à ce que de grands magazines ou des quotidiens mettent en une le cas de telle ou telle personne qui aura plus ou moins bien réagi à la vaccination. Peut-être que cela n’aura aucun lien avec la vaccination, mais comme cette personne aura été vaccinée auparavant, on en établira un.

Parmi les 183 pays de l’Organisation mondiale de la santé ayant organisé une campagne de vaccination contre l’hépatite B, nous sommes le seul à l’avoir suspendue pendant des années au motif qu’un neurologue avait identifié des cas de sclérose en plaques déclenchés chez des gens qui avaient été vaccinés dans l’année auparavant. Or c’était un aléa statistique.

La vaccination provoque des réactions immunitaires, qui sont recherchées, mais elles ne provoquent pas de maladies auto-immunes chez les patients. Simplement, la réaction immunitaire – c’est aussi le cas de la grippe – peut déclencher une maladie qui était sous-jacente, que l’on appelle quiescente, et qui ne demandait qu’à apparaître. Tout cela est éminemment compliqué à expliquer.

Je le répète, il n’est pas question de nier que le vaccin puisse présenter des risques ou avoir des effets indésirables. Ce qui est sûr, c’est que le covid, quand on l’attrape, a lui des effets désastreux dans un grand nombre de cas.

Le problème et l’avantage de la vaccination, c’est qu’elle est tellement efficace que l’on en a oublié de quoi elle nous préservait.

En France, il a fallu rendre la vaccination contre la rougeole obligatoire, parce que la couverture vaccinale avait tellement baissé que des enfants développaient de nouveau des encéphalites extrêmement graves, pouvant provoquer des handicaps à vie ou un décès.

La France est un pays où l’on est systématiquement obligé, dès qu’un patient arrive aux urgences pour une coupure, de vérifier qu’il est à jour de sa vaccination antitétanique. Pourtant, qui a déjà vu un malade atteint du tétanos en position d’opisthotonos dans son lit en attendant la mort ne peut qu’être favorable à la vaccination, car elle nous protège.

À cet égard, qui, parmi nous, est vraiment sûr d’être parfaitement à jour de sa vaccination ?

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