À présent, je vous prie de bien vouloir m’excuser, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je vais être un peu piquant ; ne le prenez pas mal ! §
Il m’a semblé que certains d’entre vous considèrent que nous manquerions de doses et que la responsabilité en incomberait au Gouvernement. J’imagine que j’ai mal compris ces interventions, parce que chacun sait pertinemment ici, surtout ceux qui, parmi vous, sont pharmaciens ou médecins, que l’on dispose des vaccins à mesure que ceux-ci sont produits. Nous sommes bien d’accord : ce n’est ni le Gouvernement ni le ministre qui les fabrique, et il faut satisfaire la demande à l’échelle mondiale !
Agnès Pannier-Runacher, Clément Beaune et moi avons fait en sorte que tous les pays d’Europe soient servis au prorata de leur population. À la demande du Président de la République, nous avons fait inscrire que nous garantissions l’accès au vaccin aux pays n’ayant pas les moyens de passer de contrats avec les laboratoires, afin de protéger aussi leurs populations.
Nous vaccinerons évidemment au fur et à mesure que les vaccins arriveront. La priorisation sera en très grande partie liée au fait que nous ne disposerons pas de vaccins en quantité suffisante pour pouvoir vacciner tout le monde, mais il ne s’agit pas là d’un manque d’anticipation ou de préparation, ni d’un manque de volonté politique. Nous sommes tous dans la même situation : nous attendons que les vaccins soient produits.
Une fois on nous dit que le vaccin a été produit trop vite, une autre fois que l’on n’en a pas assez et pas suffisamment vite… Je vous en conjure, n’engageons pas une telle polémique, car elle ne contribuerait pas à créer un mouvement général de confiance.
En ce qui concerne le consentement, écrit ou oral, la question n’est pas complètement tranchée. J’ai saisi la direction générale de la santé pour m’éclairer, sachant, je le rappelle, que le code de déontologie et le code de santé publique reconnaissent l’inversion de la charge de la preuve.
En tant que médecin, vous pouvez avoir fait signer un consentement à votre patient, mais cela ne vaut rien : il vous faudra de toute façon démontrer que vous lui avez apporté une information claire, loyale et appropriée. La responsabilité est la même, que le consentement soit oral ou écrit. Ce qu’il faut, c’est montrer que l’on a pris le temps et que l’on s’est assuré que le consentement était recueilli. Ce point n’est donc pas crucial, dans la mesure où il n’emporte pas de conséquence juridique.
Madame la sénatrice Deroche, vous m’avez interrogé sur les instances scientifiques. Pour ma part, je juge l’organisation cohérente.
En premier lieu, le conseil scientifique compte depuis le premier jour parmi ses membres un médecin généraliste, M. Pierre-Louis Druais. En second lieu, le rôle du conseil scientifique est de nous éclairer sur la gestion et sur le pilotage de la crise.
Comme je l’ai déjà indiqué au Sénat, j’ai souhaité, lorsque j’ai été nommé ministre, que les responsables scientifiques qui font de la prédiction, de la mise en œuvre opérationnelle, de l’évaluation et du contrôle ne soient pas les mêmes, car ce n’est jamais sain. Je me suis donc entouré d’une équipe d’experts pour m’éclairer et me permettre de prendre des décisions et de les modifier lorsque c’est nécessaire.
S’agissant de la vaccination, c’est la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation qui a souhaité, et elle a eu raison, qu’un comité scientifique soit constitué en amont, afin d’identifier les recherches prometteuses en matière de vaccins, ne serait-ce que pour guider les décisions politiques de signature de contrats avec les laboratoires.
Toutefois, nous ne voulons pas que ce soit le même comité, après avoir déterminé en amont quelles étaient les pistes les plus intéressantes, qui accompagne la mise en œuvre et l’évaluation de la vaccination. L’indépendance s’obtient en fractionnant et en diffusant les responsabilités, non pas pour s’en défaire, mais parce qu’il ne faut pas être à la fois celui qui met en œuvre, celui qui évalue et celui qui contrôle.
Un très grand expert, vous l’avez reconnu – merci pour lui –, le professeur Alain Fischer, va bientôt publier, madame la sénatrice, la liste des experts avec qui il est amené à travailler. Par ailleurs, une task force, pour employer un très vilain anglicisme dont j’ai horreur – mieux vaut parler de force de travail collective –, a été mise en place sur les questions de logistique pure. Elle ne s’intéresse pas aux questions scientifiques.
Ainsi, nous avons réussi à séparer les structures et les instances, lesquelles se parlent évidemment, mais n’interviennent jamais sur le terrain de l’autre.
Enfin, madame la sénatrice Cohen, je suis toujours ennuyé, alors que vous êtes membre d’un parti politique qui défend les travailleurs, lorsque je vous entends parler comme vous le faites de l’industrie pharmaceutique, en faisant preuve d’une suspicion quasi permanente à son égard.
C’est pourtant l’effort de la recherche, publique et privée, qui va permettre à l’humanité de sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve depuis près d’un an à cause de ce virus. Quant aux 150 000 salariés qui travaillent en France en lien avec l’industrie pharmaceutique, ils n’ont pas la boule au ventre le matin : ils savent qu’ils sont au service de l’intérêt général et de la santé dans notre pays.