Le texte de la commission renvoie malheureusement à trois ans la possible création d’un tel fichier. Quand on sait qu’il faut techniquement deux ans d’adaptation, cela envoie à un délai très lointain, trop lointain. En attendant, il faudra se contenter de la promesse du Gouvernement d’améliorer le fonctionnement de l’actuel FICP, dont les carences sont connues depuis longtemps.
Nous craignons que cette promesse ne nous condamne à l’immobilisme et regrettons que notre proposition de créer et d’encadrer par la loi un outil efficace n’ait pas été entendue.
Même amélioré, en supposant que le Gouvernement tienne son engagement, le FICP ne sera jamais l’outil de prévention dont nous avons besoin. Il interviendra toujours trop tard, puisqu’il se contente d’enregistrer les incidents de paiement.
Vous avez cité l’expérience belge. Elle n’a pas, pour nous, une valeur universelle. Mais, lorsque nous sommes allés à Bruxelles, toutes les parties concernées, que nous avons auditionnées, nous ont dit quelle position elles avaient prise à l’origine et quel bilan elles dressaient de la création du répertoire national du crédit créé sous l’égide de la Banque nationale de Belgique. Nous avons ainsi pu constater que ceux qui étaient initialement opposés à la création d’un tel répertoire – c’étaient, à l’époque, en Belgique, les banquiers, comme aujourd’hui en France – reconnaissent maintenant ses vertus, tandis que ceux qui étaient réservés, à savoir les associations de consommateurs, ont vite reconnu son utilité préventive. Il est dommage que le dossier soit refermé sans avoir été vraiment ouvert. Les banques peuvent respirer !
Enfin, nous espérions que des revendications unanimes portées par les associations fussent entendues, à savoir la séparation nette entre cartes de fidélité et cartes de crédit et la séparation tout aussi nette entre activités de vente et activités de crédit. Ce n’est pas le cas. Pourtant, les propositions de loi des sénateurs de la majorité étaient, sur ce point, teintées d’un volontarisme que l’on ne retrouve pas dans le texte de la commission.
Quand nous défendrons nos amendements, cas d’espèce à l’appui, je vous montrerai ce qui se passe encore aujourd’hui même.
Pour finir, madame la ministre, l’opposition socialiste a compris que vous teniez à ce texte, du moins à cette lecture par le Sénat, car, interrogée en commission – je rejoins sur ce point M. le président de la commission spéciale, Philippe Marini –, vous n’avez pu nous en garantir le cheminement et l’adoption dans des délais raisonnables.
Le risque de retard des décisions non directement issues de la transposition de la directive est réel, mais l’opposition socialiste a appris, au cours de ces deux dernières années, à prendre la mesure de votre stratégie de communication qui consiste à capitaliser sur un projet plutôt que sur des résultats et à « jouer à saute-mouton », en passant d’un sujet à un autre. Cependant, craignez que la frustration suscitée par des promesses non tenues ne contribue au désenchantement de nos concitoyens à l’endroit de l’action politique.
En ne modifiant pas l’économie du crédit à la consommation, vous prenez malheureusement le risque, dans une période particulièrement dure pour les Français, d’accroître encore le surendettement.
La formule « plus d’accès, moins d’excès », employée par le Gouvernement à propos de ce projet de loi et attribuée, me semble-t-il, à M. Martin Hirsch, est un slogan qui parle, mais un slogan ne fait pas une politique.
Pour bien faire comprendre ce qui nous sépare de la majorité, je me permettrai de citer ce qu’écrit M. le rapporteur de la commission spéciale dans l’introduction de son rapport : « les pouvoirs publics [au cours de la période qui s’ouvre] seront simultanément incités – dans une proportion dont on ne peut préjuger – à rehausser les prélèvements obligatoires et à diminuer la dépense publique, notamment les prestations sociales et de chômage ainsi que, d’une façon générale, les dépenses auxquelles des ménages sont susceptibles de pourvoir directement […]. Dans cette perspective, le revenu disponible des ménages souffrira inexorablement de la réépargne publique. »