Je me réjouis, madame la ministre, que les différentes propositions de loi déposées tant par les membres de notre groupe que par d’autres groupes aient finalement fait réagir le Gouvernement.
Depuis des années, les parlementaires ont alerté les pouvoirs publics sur le manque de prévention efficace du surendettement.
Avant le surendettement installé, il y a, pour beaucoup de familles, séduites par la publicité pernicieuse de certains organismes de crédit, une longue période de stress. L’angoisse, qui peut aller jusqu’à détruire un foyer, naît au moment où le couple réalise que, s’il veut rembourser ses crédits, pris quelquefois à la légère, il va devoir réduire son train de vie quotidien, ce qui est bien plus stressant que de ne pas avoir une grande télévision à écran plat !
L’intitulé de votre projet de loi, madame la ministre, comporte d’ailleurs les mots « crédit à la consommation », ce qui indique une volonté d’agir à la fois sur la prévention et sur le traitement du surendettement.
La loi Neiertz du 31 décembre 1989 et la loi du 29 juillet 1998 avaient pour objectif premier non pas d’appréhender le surendettement en tant que tel, mais de l’alléger et de le traiter.
Je crois résolument que nous devons situer notre action, en amont, sur le plan de la prévention. Si une personne est surendettée, c’est précisément parce que la prévention a échoué.
Si le texte du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui intègre bien des mesures préventives, je crois cependant que ces dernières s’avéreront rapidement insuffisantes. On se situe plus dans la limitation des abus du crédit à la consommation que dans une véritable prévention.
Les avancées sont réelles au niveau de l’information de l’emprunteur. L’encadrement plus strict de la publicité, dans la forme comme dans le fond, était essentiel. La délivrance obligatoire d’une fiche d’information précontractuelle à l’emprunteur est également positive.
L’autre avancée notable est le renforcement de la responsabilité des prêteurs. C’est une disposition majeure de la proposition de loi déposée voilà quelques mois par notre groupe. Les prêteurs seront tenus de donner des explications à l’emprunteur, afin de lui permettre de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses choix et à sa situation financière. L’établissement de crédit devra aussi attirer l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces derniers peuvent avoir sur sa situation financière. Surtout, le prêteur devra vérifier la solvabilité de son client.
Sur tous ces points, le texte du projet de loi reprend les principes de mise en garde et de vérification des capacités financières de l’emprunteur dégagés par la jurisprudence.
Dans deux arrêts du 25 avril 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation a réaffirmé l’obligation faite au prêteur professionnel de contrôler les informations fournies par ses clients lors de la conclusion du contrat. Elle a jugé, conformément aux termes de l’article 1147 du code civil, qu’il appartient au prêteur de vérifier les capacités financières et de remboursement des emprunteurs. La haute juridiction avait déjà énoncé ce principe dans deux arrêts de février et d’octobre 1992.
Le principal outil mis à la disposition du prêteur pour exercer ce devoir d’investigation reste le fichier des incidents de crédit aux particuliers, dont la consultation est désormais obligatoire. Notre groupe souhaitait aller plus loin ; mon collègue Claude Biwer reviendra sur ce point.
Les deux autres éléments positifs de ce texte en matière de prévention du surendettement sont l’encadrement du crédit renouvelable, ce crédit sur simple coup de fil ou en trois clics sur internet, et la réglementation de l’usage des cartes de fidélité.
Je dois dire, madame la ministre, que je regrette que nos propositions en faveur de la promotion de véritables actions d’éducation n’aient pas été retenues. Une approche pragmatique de la situation de l’endettement et du surendettement, au travers de mesures de sensibilisation et d’éducation, me paraît pourtant indispensable.
Il est très important d’apprendre aux enfants, dès l’école primaire, à tenir un budget familial, comme cela se pratique dans certains autres pays.
Pour cela, il faudrait sans doute changer les mentalités françaises, qui considèrent bien souvent que l’argent est un sujet tabou appartenant à la sphère privée, si privée d’ailleurs que le sujet est rarement abordé en famille : combien d’argent mes parents gagnent-ils ? À quoi cet argent est-il dépensé ? Pourquoi ne peut-on acheter tout ce que l’on désire ? Comment, avec leurs salaires, mes parents ont-ils pu acquérir tant de choses ?
J’aurais souhaité que cette approche du budget familial ait lieu en fin de CM2, de troisième et de terminale, mais j’ai été sensible à l’argument des programmes scolaires déjà très chargés. Je me demande alors si cette éducation ne devrait pas être faite par les banques, à l’ouverture du premier compte courant, à la majorité. Je vois beaucoup de jeunes, qui ne sont pas toujours issus de milieux défavorisés d’ailleurs, qui ne font pas systématiquement le lien entre leurs rentrées d’argent et leurs dépenses. Où est la belle époque où les banquiers étaient avant tout des conseillers et non, majoritairement, des vendeurs de placements ou de crédits ?
Venons-en maintenant à l’obligation faite au prêteur de vérifier la solvabilité de l’emprunteur et des moyens dont il dispose pour la préserver.
En matière de financement des entreprises, ce devoir de contrôle existe et ne se justifie qu’en raison à la fois des documents comptables imposés par la loi aux emprunteurs et du développement d’informations publiques, en particulier celles dont la Banque de France assure le traitement. C’est donc sur la base de ces données qu’est appréciée la responsabilité des banquiers.
En matière de crédit à la consommation – et je reconnais que ce n’est pas simple –, le prêteur sollicité par un client habituel peut, certes, se référer aux renseignements qui permettent d’avoir une opinion sur sa capacité à faire face à l’emprunt demandé. Pour autant, en dehors de cette situation, l’absence à la fois d’obligation comptable à la charge d’un consommateur et de répertoire public relatant l’intégralité des dépenses, ou permettant de lui attribuer une cote de confiance, rend difficile l’approche du prêteur.
Par nos amendements, nous avions souhaité améliorer les deux sources de l’information donnée au prêteur. Il s’agit, d’une part, de l’information privée, résultant des renseignements et des documents obligatoirement fournis par l’emprunteur, et, d’autre part, de l’information publique, au travers d’un répertoire, permettant de connaître le passif et l’actif du patrimoine du candidat à l’emprunt.
Nous avons maintenu le premier de nos amendements, qui doit permettre le renforcement de l’information privée délivrée au prêteur.
Nous verrons d’ici à quelques mois si les mesures de votre projet de loi seront suffisantes pour endiguer le surendettement. En attendant, madame la ministre, monsieur le rapporteur, nous vous ferons crédit