Intervention de Odette Terrade

Réunion du 16 juin 2009 à 15h00
Réforme du crédit à la consommation — Discussion d'un projet de loi et de cinq propositions de loi

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une bonne part de l’activité économique est étroitement dépendante de la tenue de la consommation populaire, et je ne peux évidemment manquer de commencer cette intervention sans revenir, de ce point de vue, à quelques aspects essentiels.

La récession dans laquelle est plongé notre pays depuis plus d’un an trouve une bonne part de ses origines et de ses prolongements dans la situation du pouvoir d’achat des ménages, que deux années de présidence Sarkozy n’ont manifestement pas permis de renforcer. La prégnance du chômage, le recours de plus en plus massif aux bas salaires, la précarité renforcée, le ralentissement de l’activité et ses corollaires – périodes de chômage technique, plans sociaux, etc. – sont autant de facteurs installant la France dans une crise durable.

Les prévisions de récession formulées par le Gouvernement lui-même – une contraction de 3 % du PIB pour 2009 – attestent de la grave situation dans laquelle se trouve notre pays.

La croissance molle de 0, 5 % prévue pour 2010, inférieure au potentiel du pays et largement insuffisante pour éviter plusieurs centaines de milliers de chômeurs de plus, procède, quelque part, de l’autosuggestion.

Ce qui est en cause dans cette affaire est bel et bien un mode de fonctionnement économique qui a accordé la primauté à la rémunération du capital au détriment de celle du travail et qui a négligé le développement économique durable et équilibré au profit des seuls créneaux les plus immédiatement porteurs de plus-values financières.

Sans doute allez-vous me demander ce qu’un tel discours macro-économique vient faire dans un débat consacré au droit de la consommation, notamment à la manière dont les contrats de prêt accordés aux particuliers seront rédigés à compter de la promulgation du présent texte.

En l’occurrence, il convient de rappeler d’emblée deux éléments. D’abord, comme je viens de l’indiquer, on ne peut pas évoquer le crédit et la consommation indépendamment du contexte économique général, sauf à réduire la portée du sujet dont nous débattons. Ensuite, le crédit est précisément l’un des éléments moteurs de l’économie ; les conditions dans lesquelles il est distribué sont déterminantes pour l’activité et la croissance.

Notons d’ailleurs quelques faits.

Au cours des dernières années, une bonne part de la croissance aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne a été fondée sur le développement du crédit, donc sur l’endettement des entreprises et des ménages.

Mais ceux qui vantaient le modèle de croissance américain ou britannique oubliaient soigneusement de nous rappeler que, dans les deux pays concernés, les ménages, par ailleurs soumis à la précarité des conditions de travail, étaient endettés au-delà du possible, notamment au-delà de leur revenu disponible. Et cette fuite en avant dans l’endettement, si elle était porteuse d’activité dans un premier temps – c’était le cas, pour aller un peu vite, dans le bâtiment, chez Wal-Mart ou chez Woolworth –, était également source de crises futures, à l’image de celle que nous avons pu constater lorsque la dette des ménages américains s’est muée en crise des subprimes.

Au demeurant, la récession qui frappe les États-Unis comme le Royaume-Uni est encore plus forte que celle à laquelle notre pays est confronté, et le nombre d’emplois supprimés y est plus élevé qu’en France.

Toutefois, le Gouvernement devrait éviter de s’attribuer le mérite d’une telle situation. Ces résultats valident non pas son action, mais juste le fait que des décennies de luttes populaires ont conduit à créer un système de protection sociale dans notre pays, système qui sert aujourd'hui de puissant amortisseur à la crise.

Et ces mêmes luttes sociales ont contribué à installer dans notre pays un droit du travail suffisamment « rigide » pour que l’usage du licenciement intervienne seulement en dernier recours. Les pays où le marché du travail est plus « souple », selon les termes de quelques économistes libéraux, sont aussi ceux où la souplesse se traduit aujourd’hui par des licenciements massifs.

Cela étant, le crédit et l’endettement des ménages qui en découle participent pleinement de la croissance et de l’activité économique en général.

La remarque vaut également pour le crédit accordé aux entreprises, puisque sa raréfaction a causé un accroissement sensible des procédures collectives de redressement et de liquidation d’entreprises au cours de ces derniers mois.

Il faut dire que, préoccupées par leurs créances douteuses et parfois invisibles au premier abord, les banques de notre pays ont commencé par tenter de reconstituer leurs marges avant de penser à leur métier essentiel : favoriser le financement de l’économie.

Ainsi, les ménages français ont échappé à la situation dramatique de leurs homologues américains et britanniques – le peu de succès de l’hypothèque rechargeable, pourtant promue par le Gouvernement, et du crédit hypothécaire en général en témoigne –, mais un certain nombre d’entre eux ne sont pourtant pas à l’abri des difficultés. Je pense en particulier aux ménages surendettés, dont le projet de loi vise à éviter au maximum l’accroissement et pour lesquels il essaie de définir les voies et moyens de solutions admissibles, à travers la transposition d’une directive européenne datant du mois d’avril 2008, donc antérieure à la date officielle de naissance de la crise financière de cet automne.

Ce surendettement résulte, pour une bonne part, du recours grandissant au crédit à la consommation et, plus encore, au crédit non affecté, que l’on appelle dans un mauvais franglais le « crédit revolving » et que nous aurions tendance à dénommer le « crédit revolver ».

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