Madame la présidente, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, comme chaque année, les délais d’examen du projet de loi de finances en nouvelle lecture sont extrêmement serrés, et je n’ignore pas la difficulté qu’il y a à examiner un texte aussi volumineux le lendemain seulement de son adoption par l’Assemblée nationale.
Quand je dis « le lendemain », c’est une tournure de langage, dans la mesure où le texte que vous examinez a en réalité été adopté ce matin, à cinq heures quarante.
Le projet de loi de finances pour 2021, dans sa construction même, est un budget de soutien face à la crise sanitaire et de relance de l’économie. Il a été examiné dans un contexte particulièrement incertain, lequel explique l’importance des modifications qui ont été apportées au cours du débat.
Afin d’éclairer la représentation nationale sur les conséquences de la crise sanitaire et dans le souci de sincérité qui anime le Gouvernement depuis le début de ce quinquennat pour chacun des documents budgétaires, je précise que nous avons été amenés à amender le contenu du projet de loi de finances chaque fois que nous disposions d’informations nouvelles conduisant à revoir ses grands équilibres. Nous avons ainsi actualisé l’article liminaire. Je remercie M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général de leur compréhension à l’occasion de cet exercice.
C’est ainsi que nous avons d’abord révisé, lors de la première lecture devant votre assemblée et en cohérence avec la loi de finances rectificative de fin d’année, le taux de croissance de –10 % à –11 %, le déficit public de 10, 2 % à 11, 3 % du PIB pour l’année 2020 et la croissance pour 2021 de +8 % à +6 %. Comme l’a souligné le Haut Conseil des finances publiques, ces nouvelles prévisions demeurent prudentes et nous l’assumons. Le passé très récent nous a montré qu’en matière de prévisions la prudence était certainement bonne conseillère.
Afin de prévoir les nécessaires mesures de soutien en faveur des ménages et des entreprises en 2021 dans un contexte de prévalence épidémique, plusieurs dispositifs de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » ont été massivement ré-abondés en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale. J’ai souhaité que, dès vendredi dernier, préalablement au dépôt de l’amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale et comme je l’avais annoncé, le rapporteur général et le président de votre commission des finances en soient informés. La nouvelle lecture du projet de loi de finances au Sénat aujourd’hui me permet de vous les présenter de nouveau en détail.
Tout d’abord, la dégradation anticipée de la situation économique en 2021 par rapport au texte initial du projet de loi de finances, de +8 % à +6 %, conduit à revoir à la baisse le niveau des prélèvements obligatoires pour un montant de 22 milliards d’euros.
Par ailleurs, le réarmement des dispositifs d’urgence porte ceux-ci à un niveau de 20 milliards d’euros l’an prochain, parmi lesquels 13, 4 milliards d’euros n’étaient pas initialement budgétés.
Ces 20 milliards d’euros se répartissent de la façon suivante. Sont prévus, d’une part, un soutien des salariés, notamment des saisonniers, à hauteur de 11, 4 milliards d’euros au total, comprenant 4, 4 milliards d’euros de nouveaux crédits d’activité partielle en complément des 6, 6 milliards d’euros déjà inscrits dans le texte d’origine, et une enveloppe spécifique de 400 millions d’euros destinée aux permittents, d’autre part, un soutien des entreprises à hauteur de 8, 6 milliards d’euros, dont 7 milliards d’euros pour le fonds de solidarité, 600 millions d’euros pour des secteurs particulièrement touchés par la crise – le sport, la culture et les stations de montagne – et 1 milliard d’euros d’aide au paiement des cotisations sociales.
S’y ajoutent un ensemble d’autres mesures spécifiques, qui revêtent chacune une importante toute particulière.
Je pense au renforcement du plan Jeunes pour 202 millions d’euros, à l’accompagnement du groupe La Poste pour 66 millions d’euros : il s’agit d’assurer le même niveau de ressources au fonds postal national de péréquation territoriale, la réforme de la fiscalité locale que nous vous présentons diminuant mécaniquement cette ressource de 66 millions d’euros, que nous abondons par crédit budgétaire.
Je pense aussi aux avances aux aéroports régionaux pour 250 millions d’euros, à la recapitalisation de l’Agence française de développement pour 500 millions d’euros, à l’achat de matériel sanitaire pour 430 millions d’euros et à une avance de trésorerie pour la campagne de l’aide alimentaire pour 120 millions d’euros.
Nous avons, en outre, réévalué le montant du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne de 336 millions d’euros supplémentaires. Il s’agit là de la conséquence de l’adoption du cadre pluriannuel financier lors du Conseil européen de la semaine dernière. Ce Conseil a été marqué par cette réussite, qui permet la mise en œuvre d’un plan de relance à l’échelon communautaire.
Nous compensons les pertes de recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » à hauteur de 300 millions d’euros et nous revoyons à la hausse, de 130 millions d’euros, notre estimation de dépense de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).
Enfin, nous avons comptabilisé 1 milliard d’euros de crédits d’impôt pour les bailleurs, conformément à la proposition avancée dans cet hémicycle. Ainsi que vous le souhaitiez, mesdames, messieurs les sénateurs, les collectivités bénéficieront, comme le secteur privé, de cet accompagnement en matière de prise en charge des loyers abandonnés pour le mois de novembre dernier.
Les hypothèses macroéconomiques actualisées et les nouvelles mesures que je viens de vous détailler portent notre prévision de déficit public pour 2021 à 8, 5 % du PIB, après un déficit de 11, 3 % en 2020. Notre ratio d’endettement public s’établira à 122, 4 % du PIB, contre 119, 8 % en 2020. Il s’agit de niveaux jamais atteints, qui traduisent la violence de la crise que nous vivons.
Le Gouvernement – en l’occurrence, votre serviteur – n’a pas été en mesure de présenter ces chiffres lors de la première lecture du projet de loi de finances au Sénat, tout simplement parce qu’il ne disposait alors pas du recul nécessaire sur l’évolution de la situation épidémique et sur les restrictions aux secteurs économiques que celle-ci exigerait, y compris la prolongation de la fermeture de certains établissements recevant du public.
Cette année un peu particulière n’a pas empêché des débats riches et fructueux au Parlement. Au Sénat, près de 600 amendements ont été adoptés en première lecture. En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale en a conservé une trentaine.
Je pense notamment au doublement exceptionnel et temporaire du plafond de la réduction d’impôts de 75 %, dit dispositif Coluche, pour les associations venant en aide aux plus fragiles, sur l’initiative du rapporteur général et de plusieurs groupes de la majorité et de l’opposition sénatoriales. Je souhaite les remercier de leur attitude coopérative et des concessions consenties de part et d’autre. La lutte contre la pauvreté, ainsi que le soutien aux plus modestes, est une priorité et cette disposition participera à cette mobilisation.
Le Sénat s’est également prononcé en faveur d’un amendement portant à 0 % le taux de TVA pour les vaccins contre la covid-19. Cet amendement, retenu par les députés, est en totale cohérence avec notre stratégie de lutte contre la pandémie.
Je mentionne également, parmi les mesures d’origine sénatoriale conservées à l’Assemblée nationale, la suppression du jour de carence pour les fonctionnaires atteints de la covid : chacune et chacun doit pouvoir bénéficier d’une protection et d’un accompagnement lors de la maladie. Je remercie particulièrement le rapporteur général sur ce sujet : l’amendement qu’il a présenté est le fruit d’un travail conjoint avec le Gouvernement, travail rendu nécessaire par la procédure et par l’obligation de réparer cette inégalité.
L’Assemblée nationale a également voté en nouvelle lecture un filet de sécurité des recettes fiscales des collectivités du bloc local – communes et intercommunalités – pour l’année 2021, comme vous l’appeliez de vos vœux, mesdames, messieurs les sénateurs, et ce même si la formule retenue n’est pas identique à celle que vous aviez adoptée. Chaque commune et chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI) auront l’assurance d’avoir, en 2021, au moins les mêmes recettes fiscales que le niveau moyen connu atteint entre 2017 et 2019, soit avant la crise sanitaire.
De plus, la permission accordée aux administrations et aux établissements publics de donner leurs biens mobiliers aux fondations et aux collectivités territoriales a été confirmée en nouvelle lecture, tout comme l’harmonisation des conditions de dons aux associations, quelle que soit la nature du bien ou du bénéficiaire.
L’Assemblée nationale a validé la possibilité pour les entreprises en difficulté de bénéficier du crédit d’impôt relatif aux investissements, dont le fait générateur de l’aide fiscale est fixé entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2022, comme vous l’aviez souhaité.
Au-delà des désaccords qui ont été exprimés au moment de la commission mixte paritaire et qui ne manqueront pas d’être réitérés à l’occasion de cette discussion, ces exemples témoignent que ce budget illustre notre capacité à trouver la voie du compromis et à servir les intérêts des Françaises et des Français.
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, ce projet de loi de finances se fixe plusieurs objectifs : mettre en œuvre les priorités du Gouvernement, répondre à l’urgence de la crise, préparer l’avenir au travers du plan de relance. Il se traduit, comme l’exercice 2020, par une dégradation des finances publiques à un niveau jamais atteint, qualifié d’historique.
Nous assumons cette dégradation des finances publiques, dans la mesure où elle nous paraît constituer la seule réponse possible à la crise et la seule façon de faire face à l’épidémie. Nous savons aussi que cette dégradation doit être temporaire. Avec la sortie de la crise et la reprise de l’activité économique, nous devrons retrouver une trajectoire de finances publiques plus soutenable, qui nous permette de maîtriser, puis de diminuer, la dette publique.
Il nous faudra travailler ensemble – ce sera l’objet du groupe de travail et des débats parlementaires – à la manière de retrouver un niveau de dépenses publiques qui soit, lui aussi, soutenable, en tout cas conforme à la situation d’un pays comme le nôtre, c’est-à-dire capable de faire face à ses engagements, de maîtriser son endettement et d’alléger le poids des prélèvements obligatoires sur la production de richesses nationales. Tel sera notre objectif dans les prochains mois, à la sortie de cette crise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de nouveau de la qualité de nos débats. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion de continuer à échanger sur des textes budgétaires, ou d’autres textes relevant du périmètre de mon ministère, dans les semaines et les mois qui viennent. J’en suis ravi par avance.