On n’en sait pas plus !
Des offres de ce type, qui prolifèrent d’ailleurs, sont véritablement scandaleuses ! Il est donc essentiel de prendre des mesures afin de mettre fin à ces publicités qui abusent nos concitoyens, notamment ceux d’entre eux qui connaissent des difficultés.
Ce texte y contribue certes. Mais nous aurions souhaité trouver de surcroît dans ce dernier – Mme Nicole Bricq en a parlé – certaines dispositions permettant d’atteindre l’effet escompté. Or, elles n’y figurent pas, en tout cas pas de manière suffisamment claire et forte.
D’abord, nous sommes partisans d’une distinction des genres, des fonctions et des missions. Nombreuses ont été les associations qui ont réclamé une distinction claire entre les logiques commerciale et financière, distinction qui doit passer par la séparation nette – plusieurs collègues l’ont souligné – entre carte de fidélité, carte de paiement et réserve d’argent. La proposition de loi dont le premier signataire est Mme Nicole Bricq prévoit ainsi d’interdire l’usage des cartes de fidélité comme cartes de crédit ou comme réserve monétaire.
Malheureusement, cette séparation, que nous aurions souhaitée stricte, entre les différents types de cartes et la mise à disposition d’une réserve d’argent n’a pas été retenue. L’article 5 du projet de loi se borne seulement à interdire la subordination d’avantages commerciaux à l’utilisation de la fonction crédit d’une carte de fidélité. Les mesures prévues concernent donc uniquement l’utilisation de la fonction crédit d’une carte de fidélité à laquelle le client a déjà souscrit.
L’accès à des promotions ou à des avantages conditionnés à la souscription d’un crédit renouvelable est absent de ce projet de loi, et ce malgré le caractère fondamental d’une telle distinction.
Il serait souhaitable – notre proposition de loi va d’ailleurs dans ce sens – que l’on puisse distinguer le lieu du crédit – une banque – du lieu de vente. Il faut séparer très clairement le métier de la banque, qui consiste à accorder des prêts dans des conditions à définir, du métier de la distribution.
Mes chers collègues, vous le savez, à partir du moment où l’on refuse de distinguer ces deux fonctions parce qu’il est avantageux pour la distribution que le crédit fasse partie de la distribution et soit en quelque sorte mélangé avec elle, le ver est dans le fruit !
Il serait sage que l’on ne puisse pas effectuer les deux opérations dans le même lieu, en tout cas pas en même temps. Or la confusion est généralisée. Malheureusement, ce projet de loi ne permettra pas de distinguer une carte de crédit d’une carte de fidélité. Les deux fonctions resteront mêlées alors qu’il serait sain de les séparer.
De la même manière, nous avons présenté en commission des amendements, que nous aurons l’occasion d’évoquer, qui visaient à bien distinguer le crédit des opérations de promotion.
Il nous a été objecté que ces amendements constituaient une atteinte à la liberté. Je ne le crois pas. Il est important que le consommateur sache, d’une part, ce qui est crédit – quel crédit ? À quel taux ? Quel sera le coût total ? – et, d’autre part, les avantages promotionnels, car il est bien normal que les distributeurs soient attachés à présenter des stratégies promotionnelles pour vendre leurs produits.
Dans les faits, à quoi conduit ce mélange ? En réalité, on vend une carte de fidélité en même temps qu’une carte de crédit, un crédit en même temps qu’une promotion ! Mais le crédit présenté dans le dépliant dont j’ai fait état tout à l’heure, crédit que vous payez zéro euro pendant trois mois, vous coûtera in fine 50 euros pour une promotion de 5 euros que l’on vous aura fait miroiter ! En résumé, gagnez 5 euros, remboursez zéro euro pendant trois mois pour le crédit, mais payez tôt ou tard au prix fort le montant de ce crédit ! C’est inacceptable, et nous regrettons que ce projet de loi n’aille pas beaucoup plus loin à cet égard.
Le deuxième point qui nous préoccupe concerne le répertoire national des crédits à la consommation, appellation que nous préférons à celle de « fichier positif ».
À partir du moment où l’on pose le principe selon lequel le prêteur doit prêter en connaissance de cause, il est nécessaire que celui-ci dispose d’un certain nombre de données. Prenons toutes les précautions. Bien entendu, saisissons la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et respectons ses recommandations.
Répondons aux craintes de chacun, y compris à celles des associations de consommateurs avec lesquelles nous ne sommes pas toujours d’accord à ce sujet. Je pense, notamment, à l’UFC-Que Choisir, qui propose de rénover le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, et de rendre sa consultation obligatoire. Soit ! Mais une telle mesure est insuffisante : le prêteur doit avoir toutes les données sur la table pour que soit conclu un prêt dans de bonnes conditions.
Les remarques de l’association française des usagers des banques peuvent par ailleurs être utiles. Je pense, notamment, à la consultation des derniers relevés bancaires, à l’imposition d’un pourcentage maximal d’endettement par rapport au revenu mensuel, etc.
Pour notre part, nous sommes persuadés de la nécessité de mettre en œuvre ce répertoire national des crédits à la consommation. Selon Guy Raymond, professeur honoraire de la faculté de droit et des sciences sociales de Poitiers, la création d’un tel fichier constitue une nécessité, car il est impossible d’instaurer une responsabilité réelle des établissements de crédit si on ne les met pas en situation de pouvoir accéder à une information fiable et complète.
Enfin, cela a été dit par Mme Nicole Bricq et sera certainement répété par Daniel Raoul dans un instant, nous ne sommes pas d’accord sur la question du taux de l’usure.
Monsieur le rapporteur, vous avez très bien résumé notre position dans votre rapport, et je vous en remercie. Vous écrivez ainsi que nous proposons « pour fixer le taux de l’usure, d’affecter au taux des prêts sur le marché interbancaire à douze mois un coefficient déterminé par décret après avis du Conseil national du crédit et compris entre deux et sept. Cette solution a pour avantage incontestable de lier le coût du crédit à celui de la ressource des établissements bancaires : elle est dès lors compréhensible pour le public qui, aujourd’hui, s’étonne légitimement que les taux d’intérêt du crédit à la consommation demeurent aussi élevés alors même que le prix du refinancement bancaire a atteint des niveaux historiquement bas. »
Mais la phrase qui suit ce bon résumé de nos propositions m’a particulièrement intéressé, monsieur le rapporteur : « Mais elle [notre solution] n’est cependant pas dénuée d’inconvénients, dont le plus important est sans conteste le retour à la fixation administrée d’une norme économique. »
Les bras m’en tombent un peu ! C’est toujours la même chose : dès que l’on parle d’encadrer les choses, de fixer des normes, des règles, vous brandissez l’horreur absolue de la fixation administrée d’une norme économique ! Nous ne sommes pas d’accord !
Nous sommes favorables à une économie de marché. Nous savons depuis bien longtemps que les milliards d’équations que le marché résout chaque jour seraient toujours moins bien résolues s’il fallait que l’administration le fît.
Cependant, nous savons également que le marché, pour nécessaire qu’il soit, est myope et qu’il ne suffit pas, en particulier, à régler le problème posé par le taux de l’usure. Voilà pourquoi nous proposons d’instaurer des règles pour encadrer le marché.
Pour finir, je souhaite évoquer la question du crédit social, qui figure dans notre proposition de loi. C’est du volontarisme.
Nous sommes pour l’économie de marché, mais nous pensons que l’autorégulation du marché ne permet pas d’apporter des réponses à ceux qui sont sur la pente de la détresse, dans le cercle infernal de l’endettement qui se développe et s’exacerbe inéluctablement. C’est pourquoi nous sommes favorables au crédit social et disons, je le répète, que c’est du volontarisme. Oui, nous sommes pour une société de liberté, mais nous sommes aussi pour le volontarisme, qui permet à chacun de vivre dans la liberté et dans la dignité !