Intervention de Claude Biwer

Réunion du 16 juin 2009 à 15h00
Réforme du crédit à la consommation — Discussion d'un projet de loi et de cinq propositions de loi

Photo de Claude BiwerClaude Biwer :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au cours de la récente campagne pour les élections européennes, certaines voix se sont fait entendre pour affirmer que les réglementations européennes étaient trop tatillonnes, voire trop contraignantes.

En l’espèce, on ne peut que remercier les autorités de l’Union européenne d’avoir adopté la directive concernant les contrats de crédit aux consommateurs. Sans elle, nous n’aurions peut-être pas aujourd’hui ce débat, dont je me réjouis personnellement. Je rappelle que j’avais déposé une première proposition de loi sur ce thème voilà cinq ans.

Le projet de loi que vous avez présenté, madame la ministre, comporte quelques avancées qui méritent d’être soulignées : l’avertissement légal, qui devra figurer sur les publicités de crédit et que nous avions suggéré dans notre proposition de loi ; la consultation obligatoire du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP, avant tout octroi de crédit ; l’obligation d’un amortissement minimum dans les échéances du crédit renouvelable ; l’interdiction de subordonner les avantages d’une carte de fidélité à l’utilisation du crédit qui lui est lié.

Sur ce dernier point, j’observe que notre commission spéciale n’a pas prévu de découplement entre carte de fidélité et carte de crédit. De ce fait, les pratiques que nous connaissons risquent de perdurer. Ainsi, les grandes surfaces et magasins spécialisés continueront-ils de vanter les mérites de leur carte de fidélité-crédit, une réserve monétaire qui, en cas d’utilisation, coûtera 20 % d’intérêts au consommateur, sur des sommes toujours plus élevées et abondantes, puisque la mise à disposition d’avances renouvelables est régulièrement proposée.

Le fait de prévoir un minimum de remboursement de capital pour le crédit renouvelable est bien la moindre des choses. Il n’est pas rare qu’avec des remboursements très faibles la durée d’amortissement d’un tel crédit puisse atteindre, voire dépasser, dix ans, et ce, bien entendu, à des taux proches de l’usure.

J’ai proposé, par voie d’amendement, de réduire à un maximum de trois ans la durée totale de remboursement des crédits renouvelables. C’est également ce que vous avez suggéré dans votre intervention, madame la ministre, et je m’en réjouis.

Il faudrait inciter les consommateurs à se tourner vers des prêts personnels ou affectés à des taux plus raisonnables, plutôt que de succomber aux délices et poisons du crédit revolving, qui constitue une très grande source de surendettement : 80 % des dossiers de surendettement comportent plus de quatre crédits revolving.

Il en est parfois de même pour certaines collectivités territoriales, en particulier des départements comme le mien, qui, à coup d’emprunts in fine, en arrivent à des durées de remboursement de dix ans et plus pour financer leurs besoins, ce qui ne me paraît pas être un bon mode de gestion.

M. le président et M. le rapporteur de la commission spéciale n’ont pas souhaité imposer des justificatifs pour l’octroi de crédits sur les lieux de vente. Cela constitue une très grave lacune. À l’heure actuelle, le prêteur se contente très souvent d’une simple déclaration de l’emprunteur, sans vérifier le moins du monde sa solvabilité. Cela ne peut pas durer.

Je proposerai, par voie d’amendement, d’imposer à l’emprunteur de communiquer au prêteur les trois derniers relevés mensuels du compte bancaire où figurent ses ressources et ses charges. De cette manière, le prêteur aura une vue exacte de la situation financière de l’emprunteur et pourra appliquer les règles prudentielles en vigueur. Une telle procédure, qui est pratiquée de facto par les banques, n’aurait rien inquisitorial. Lorsque la société vous vient en aide, il ne m’apparaît pas illogique que l’on ait vis-à-vis d’elle quelques devoirs ou quelques contraintes.

Votre texte, madame la ministre, demeure cependant muet sur deux points que nous considérons pourtant comme importants pour lutter le plus efficacement possible contre le malendettement ou le surendettement. Il s’agit de la création d’un fichier recensant les crédits affectés aux particuliers, encore appelé « fichier positif », et de la réduction du taux de l’usure pratiqué en matière de crédit revolving ou renouvelable.

Sur ces deux points, la commission spéciale formule des propositions qui ne vont pas aussi loin que ce que nous souhaitons, mais qui ont le mérite d’exister, et j’en remercie son président et son rapporteur.

Les chiffres et les pourcentages que M. le rapporteur a cités à propos de la Belgique sont exacts, mais je nuancerai quelque peu son jugement. Il est vrai que le taux de surendettement a augmenté de 8, 8 % en Belgique, et seulement de 3, 5 % en France. Mais la Belgique connaissait depuis de nombreuses années un encadrement du crédit à la consommation, tandis que régnait, dans notre pays, la plus grande liberté en la matière.

Vous avez également précisé, monsieur le rapporteur, que seules 18 000 personnes étaient concernées par le problème du surendettement. Derrière ce chiffre, combien de drames personnels ? Madame la ministre, il est de notre devoir de prévoir un certain nombre de dispositions dans ce domaine.

S’agissant enfin du « fichier positif », la commission spéciale a ouvert la voie à sa création en prévoyant qu’un rapport sur ce sujet sera remis dans les trois ans qui suivront la promulgation de la loi. Peut-être ce délai est-il nécessaire pour constater que l’amélioration tant attendue de cette proposition sera plus longue à obtenir et qu’il nous faudra y revenir ?

En règle générale, lorsque l’on souhaite enterrer un projet, on crée une commission ! §M. le président et M. le rapporteur de la commission spéciale m’ont assuré que tel ne serait pas le cas, je leur fais confiance.

Très honnêtement, pourquoi attendre trois années supplémentaires pour se doter de ce fichier, alors que le surendettement explose littéralement dans notre pays ? Plus de 30 % de dossiers de surendettement ont été déposés en mars 2009 par rapport à mars 2008. C’est le niveau le plus élevé depuis la création des commissions de surendettement. Comme je l’indiquais tout à l’heure, 85 % de ces dossiers concernent des crédits renouvelables dont le taux d’intérêt avoisine les 20 % ! Certes, la crise est là. Il faut non pas se référer à la situation de 2008, mais prendre en compte la situation très particulière que nous connaissons aujourd’hui.

Soyons clairs : qui, en France, s’oppose à la création d’un tel fichier ? Il s’agit de la plupart des banques, qui craignent en réalité la concurrence déloyale que pourraient leur causer des organismes de crédit, y compris étrangers, mais qui disposent de leur propre système de contrôle et sont mieux placées que d’autres pour éviter les erreurs. Il s’agit aussi, curieusement, de la Banque de France, qui invoque le coût d’une telle opération et l’important surcroît de travail qu’elle entraînerait.

Cependant, un tel fichier, qui permettrait de recenser les crédits déjà réalisés par les futurs emprunteurs et qui devrait être obligatoirement consulté par le prêteur avant tout déblocage de fonds, s’avère indispensable si l’on veut véritablement lutter contre le surendettement.

Je reconnais que cet instrument seul, pour perfectionné qu’il soit, ne suffira pas à donner la situation financière exacte des futurs emprunteurs. Là, il convient de faire la différence entre ceux qui s’adressent à leur banque et ceux qui s’adressent à un organisme de crédit sur un lieu de vente, ou encore sur internet.

Les banques ont une vue assez exacte de la situation financière de leurs clients et savent ne pas prendre de trop grands risques. Les organismes financiers qui interviennent sur les lieux de vente ou sur internet sont, en règle générale, moins regardants. Les mauvais dossiers, bien souvent compensés par des taux d’intérêt élevés, suffisent à garantir l’équilibre financier des prêteurs. Ensuite, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, ce sont les collectivités locales qui sont sollicitées pour venir en aide aux personnes trop endettées, y compris en subvenant à leurs besoins de base et en payant leurs factures d’eau, d’électricité, etc. Les mesures que nous vous proposerons, au travers de nos amendements, permettraient de responsabiliser les organismes de crédit, mais également les emprunteurs, dont certains, il faut bien le dire, doivent être protégés contre eux-mêmes.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur le texte relatif à la réforme du crédit à la consommation adopté par la commission spéciale. En résumé, je dirai qu’il comporte des avancées qui méritent d’être saluées, mais qu’il faut aller encore plus loin si nous voulons vraiment lutter contre le surendettement. Tel sera l’objet de nos amendements, qui, je l’espère, madame la ministre, nous donneront l’occasion de rapprocher nos points de vue.

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