Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le crédit à la consommation, du fait même de son développement, a un impact social et économique : social parce qu’il a permis à de très nombreuses familles d’acquérir des équipements facilitant leur vie quotidienne, économique parce qu’il a contribué au développement de l’activité commerciale et, en amont, de l’activité dans les entreprises produisant ces équipements. Mais le manque d’information et de transparence à l’égard de nombreux acheteurs a entraîné des dérives qui ont abouti, pour certaines familles, à des difficultés financières et quelquefois au surendettement. Ce qui était un atout social et économique est en train de devenir un risque important pour la société et un cauchemar pour certaines personnes.
L’augmentation du nombre de dossiers à risques, l’irresponsabilité de certains prêteurs ou emprunteurs ont abouti à une spirale à la hausse des taux d’intérêt. Les taux du marché de l’argent n’ont jamais été aussi bas, ou presque, et les taux de crédit à la consommation jamais aussi élevés.
Sans entrer dans le détail du calcul des taux d’intérêt, il est clair que les besoins de couverture des risques engendrent une majoration de fait des taux d’intérêt pratiqués par les organismes de crédit. Qui plus est, ce sont souvent les familles modestes qui ont à supporter les taux les plus élevés. On ne peut qu’être interpellé !
Cette situation justifie que nous légiférions et que nous mettions en place des dispositions tendant à mieux organiser la gestion des crédits à la consommation.
C’est, à mon sens, en analysant les causes et en allant au fond des choses que nous pourrons trouver des solutions. Me permettrais-je une réflexion générale ? Il n’y a pas de problème qui n’ait de solution, dans quelque domaine que ce soit, si on a le courage de travailler non pas seulement sur les conséquences, ce que nous faisons généralement, mais aussi sur les causes. Je suis convaincu que c’est le cas dans le domaine du crédit à la consommation sur lequel nous légiférons aujourd’hui.
Quatre mots peuvent constituer la trame de notre démarche : formation, information, responsabilité, solidarité.
C’est en m’appuyant sur ces quatre mots que j’ai déposé quelques amendements visant à traiter en profondeur, et de manière durable, ce dossier délicat et difficile du crédit à la consommation.
Il n’est pas inutile de rappeler l’enjeu que cela constitue pour les familles et pour notre société.
Malheureusement, et je le dis dès maintenant, deux de mes amendements, que je considérais comme déterminants, n’ont pu franchir l’obstacle de l’arme absolue qu’est l’article 40 de la Constitution.
J’avoue ne pas avoir très bien compris, au moins pour l’un d’entre eux, les raisons de son application. En même temps que je proposais la création d’un fonds de solidarité, je créais les modalités de son financement. Il semble que ce soit plus complexe que cela. Sans doute ne serait-il pas vain que notre assemblée se penche non pas sur l’utilité de l’article 40, car il me paraît normal de prévoir une recette en contrepartie d’une dépense, mais sur les modalités d’application de cet article 40.
Je reviens aux quatre mots que j’ai évoqués : formation, information, responsabilité, solidarité.
Je commencerai par la formation. J’ai déposé un amendement suggérant que, dans le parcours de formation, les jeunes soient préparés à la gestion de leur budget personnel ou familial. Cette proposition concerne l’ensemble de nos concitoyens tout au long de leur vie. Le système éducatif a pour mission de préparer chaque individu à devenir un adulte responsable, capable de s’épanouir dans sa vie personnelle, professionnelle et familiale. La gestion d’un budget me paraît en être un élément essentiel.
Je poursuivrai par l’information. Il faut qu’elle soit complète et totalement transparente, pour le prêteur comme pour l’emprunteur. Il est indispensable qu’avant d’octroyer un crédit l’organisme sollicité ait une connaissance précise de la situation de la personne qui sollicite ce financement, qu’il s’agisse des emprunts déjà en cours, des charges à assumer ou de la capacité de l’emprunteur à couvrir l’ensemble de ces charges. Il faut, ce faisant, que prêteur comme emprunteur soient responsabilisés et assument les conséquences de leurs engagements.
C’est dans cet esprit que j’avais proposé un amendement prolongeant la proposition de loi que j’avais déposée avec d’autres collègues pour créer le fichier positif. Afin de prendre en compte les recommandations de la commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, le système prévu était à double détente. D’une part, ne pouvaient accéder au fichier recensant les personnes bénéficiant de crédits que les organismes agréés par la Banque de France ; d’autre part, la personne disposant du crédit était seule détentrice de la clé permettant de connaître sa situation personnelle en termes d’inscription au fichier, ce qui me semblait préserver la confidentialité.
J’en viens, enfin, à la solidarité. Ma proposition s’appuie sur le constat, souvent évoqué aussi bien du côté des consommateurs que des organismes de crédit, que 80 % des surendettements sont liés à un accident de la vie, perte d’emploi, séparation, décès et d’autres circonstances.
Il me semble légitime de prendre en compte ces situations non prévisibles.
Pour le versement des pensions alimentaires, la caisse d’allocations familiales se substitue au redevable en cas de non-versement des pensions et récupère ensuite les sommes correspondantes auprès du redevable défaillant. Je propose qu’une caisse de solidarité se substitue à la famille ou à la personne concernée pour le remboursement du capital et ensuite mette en œuvre un processus de récupération des sommes.
D’une part, cette proposition permettrait de prendre en compte la situation de la personne dont les difficultés financières peuvent être aggravées par un accident de la vie. D’autre part, la diminution des risques pour les organismes de crédit devrait faire baisser sensiblement les taux d’intérêt pratiqués.
Madame la ministre, vous proposez des avancées intéressantes et importantes en matière d’information et de responsabilisation tant des prêteurs que des emprunteurs. Ce texte contient également, comme vous l’avez indiqué, une clarification entre les différents types de cartes proposées et l’usage qui en est fait.
M. le rapporteur, qui a beaucoup travaillé ce dossier, a apporté sa contribution à travers des dispositions complémentaires qui ont enrichi le texte. Comme M. le président de la commission spéciale l’a rappelé, un travail a été fait pour mieux réguler le taux d’usure. J’y ai personnellement beaucoup participé.
Madame la ministre, j’aurais souhaité, vous le savez, que nous puissions aller plus loin. Cela étant, compte tenu de ce qui est proposé et de l’enjeu que représente le crédit à la consommation pour les familles et pour l’activité économique, je voterai votre projet de loi.