Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 16 juin 2009 à 15h00
Réforme du crédit à la consommation — Discussion d'un projet de loi et de cinq propositions de loi

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ma lecture de ce projet de loi me donne à penser qu’il consiste essentiellement en une transposition de la directive européenne 2008/48. Le caractère a minima de l’exercice rend toutefois le texte décevant.

Dans le contexte économique et social que nos concitoyens vivent au quotidien, les associations de consommateurs se sont fortement mobilisées pour dénoncer les mauvais prêteurs, les pratiques abusives de certains intermédiaires de crédit, leur publicité agressive – que Jean-Pierre Sueur vient d’illustrer en citant l’exemple d’un prospectus déposé dans sa boîte aux lettres – et le piège des crédits renouvelables, sans parler des taux effectifs globaux, TEG, frisant le taux d’usure.

Ces constats que vous avez vous-même relevés, madame la ministre, lors de votre présentation du projet de loi, font ici consensus. Ce n’est pas un hasard si cinq propositions de lois, y compris celle de notre collègue Nicole Bricq, ont été déposées au Sénat.

Si certains points sont plutôt consensuels, d’autres le sont beaucoup moins. Sur les sujets sensibles comme l’encadrement des ventes de crédit dans les grands magasins spécialisés, les GMS, les taux de l’usure, la création d’un fichier positif, les propositions de nos collègues allaient beaucoup plus loin que votre projet de loi.

Comment expliquer que le taux de l’usure soit aujourd’hui supérieur à 20 %, alors que les taux directeurs sont aujourd’hui très faibles ? On devrait pouvoir fixer aux TEG un plafond qui serait déterminé en fonction des taux directeurs. On devrait aussi donner de la marge à la baisse des taux d’usure lorsque les taux directeurs fléchissent.

Les crédits renouvelables ou les réserves d’argent avec cartes sont, la plupart du temps, proposés à une population qui n’a pas d’autre solution pour faire face à des difficultés financières. Le rapport d’Athling management soulignait que le crédit renouvelable s’adressait, en particulier, aux classes modestes, dont le revenu annuel est compris entre 11 478 euros et 20 942 euros.

Ces ménages se voient ainsi proposer des crédits qui les font basculer dans le malendettement et, par voie de conséquence, dans la précarité bancaire. Au terme d’un mécanisme qui n’est pas sans rappeler celui des subprimes, on leur propose un crédit qu’ils sont incapables de rembourser, alors qu’ils n’ont pas accès à des crédits classiques bien moins coûteux. Pourtant, à l’origine, le crédit renouvelable était plutôt destiné à des populations aisées. C’est pourquoi nous proposons de créer un nouveau type de crédit délivré par les circuits bancaires classiques. Il est appelé « crédit social » et plafonné à 3 000 euros dans la proposition de loi de Nicole Bricq.

Force est de constater qu’en 2008 le nombre de dépôts a augmenté de 3 % par rapport à 2007. Les indicateurs sociaux actuels doivent nous préparer à une augmentation encore plus forte en 2009. L’enquête typologique de la Banque de France sur le surendettement « passif », dû à une diminution des ressources liée à un accident de la vie – perte d’emploi, maladie, divorce… – montre qu’il est passé à presque 80 %, la perte d’emploi venant en première place avec 32 %.

Cet élément est conforté par l’analyse des crédits relevant de la procédure de rétablissement personnel puisque 88 % d’entre eux relèvent du surendettement passif.

Si certains considèrent qu’il existe en France un réservoir de croissance dans les potentialités du crédit à la consommation, il ne peut pas servir de régulation en période de basse pression salariale et encore moins d’antidote à une politique de compression des revenus et d’augmentation du chômage que nous constatons chaque jour !

Croire que l’on peut maintenir la croissance par la consommation sans augmenter le pouvoir réel d’achat constitue un leurre dont les États-Unis sont un exemple flagrant avec le système des subprimes !

En résumé, comme l’a dit Nicole Bricq, des divergences sérieuses nous opposent sur les moyens proposés dans le projet de loi pour prévenir ce fléau du surendettement : la création immédiate, et non reportée à trois ans, d’un répertoire national, la séparation, sur le plan géographique et dans le temps, de l’achat et du crédit, la révision réelle du taux d’usure, la différenciation entre carte de fidélité, carte de crédit et carte de paiement.

En conclusion, les mesures proposées sont trop timides. Pourtant, le contexte économique et social aurait dû vous inciter à être plus ambitieux pour juguler ce fléau social dont la charge finira, de toute façon, par retomber sur nos collectivités. Vous comprendrez que nous aurions beaucoup de difficultés à voter ce texte s’il restait en l’état.

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