L'Allemagne avait le sentiment - sûrement fondé - qu'elle avait bien réussi, mieux que d'autres pays, notamment européens, à surmonter la première vague de l'épidémie avec, de surcroît, des mesures moins contraignantes que celles qui ont été imposées par exemple en France. Ces bons résultats ont donné une très forte prime à l'exécutif, auquel on a reconnu le mérite d'avoir bien géré la crise.
Le fédéralisme a probablement contribué à ce succès, même s'il reste difficile de bien analyser les déterminants de cette crise. Nous manquons de recul pour comprendre quels ont été les points forts de l'Allemagne ou, au contraire, les succès dus au hasard. D'éminents scientifiques, ici en Allemagne, considèrent que le pays a bénéficié d'une part de chance, notamment lors de la première vague, par rapport à la France.
En revanche, depuis fin novembre, on observe une très forte augmentation du nombre de malades de la covid-19. Aujourd'hui, la situation inspire une très forte inquiétude, parfois même de la panique. Le sentiment que l'on n'a plus du tout la maîtrise des choses se généralise.
Si l'organisation fédérale de l'Allemagne était perçue comme une force durant tout le premier semestre, on se demande aujourd'hui si elle ne serait pas plutôt une faiblesse. On sait que la chancelière a toujours été favorable à des mesures plus strictes, précisément parce qu'elle craignait l'arrivée d'une deuxième vague. Durant les mois d'octobre et de novembre, Mme Merkel a été confrontée à la résistance des ministres-présidents des Länder qui sont compétents pour la mise en oeuvre et responsables des décisions. Si la chancelière coordonne les réunions en sa qualité de primus inter pares, elle ne peut pas imposer sa volonté, et ce, quand bien même le gouvernement allemand a voté une loi lui permettant d'agir sans passer constamment par le Parlement.
Mme Merkel s'est agacée à plusieurs reprises ces derniers mois devant les atermoiements d'un certain nombre de Länder face à la gravité de la situation. Aujourd'hui, la situation n'est pas maîtrisée : la chancelière y voit la preuve que l'on a tardé à agir et que les ministres-présidents ont été trop sensibles aux réticences de l'opinion publique et des milieux économiques.
Depuis hier, un confinement très strict a été mis en place : la plupart des magasins sont désormais fermés et la population a été invitée à la prudence jusqu'à la fin du confinement, à savoir le 11 janvier prochain. Une nouvelle réunion entre Mme Merkel et les ministres-présidents est prévue le 5 janvier pour faire le point et décider d'une éventuelle prolongation des dispositions.
Les Allemands craignent que leur système de santé soit incapable d'absorber les difficultés actuelles, ce qui peut paraître étonnant. En effet, on vantait jusqu'à présent le modèle allemand, qui se caractérise par un grand nombre de lits et d'équipements. En réalité, le système de santé est confronté à un manque de personnels soignants pour s'occuper des patients atteints de la covid-19, si l'on ne veut pas qu'une telle prise en charge se fasse au détriment de malades atteints d'autres pathologies. Cela poserait en effet un problème particulièrement complexe pour une population relativement vieillissante.
Les enjeux autour de la vaccination sont aujourd'hui très présents dans le débat. On s'interroge notamment sur la meilleure manière d'organiser et de réussir cette campagne. Les Allemands sont en général assez doués pour tout ce qui concerne l'organisation logistique, mais certaines inquiétudes sont apparues. Comme pour la campagne de tests, l'armée devrait être très largement mise à contribution.
Tout le monde attend avec impatience l'arrivée des premiers vaccins, et ce d'autant plus que l'un des vaccins a été réalisé par les entreprises Pfizer et BioNTech. Or cette dernière est de Mayence. Aujourd'hui, une partie des vaccins sont donc produits en Allemagne ; le fait de voir qu'ils sont déjà utilisés dans certains pays où ils ont obtenu une autorisation de mise sur le marché, notamment en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, mais pas encore en Europe, notamment pas en Allemagne, suscite aujourd'hui un certain nombre de questionnements dans la population allemande.
L'Allemagne aura à coeur de faire vacciner très vite, et nous devrons faire en sorte que ces vaccinations soient bien coordonnées. Soyez sûrs que les Allemands sont très mobilisés sur ces sujets.