Comme nous l’avons dit dans la discussion générale, nous considérons que c’est de la loi, et non pas de l’autorité administrative, que doit relever une réforme du taux de l’usure, qui, comme cela a été dénoncé sur toutes les travées, dépasse aujourd'hui 20%.
Ce taux très élevé est difficilement justifiable dans le contexte économique actuel de déflation et de repli de l’ensemble des taux d’intérêt.
Au regard du taux actuel de refinancement bancaire, qui atteint un point historiquement bas – 4 % –, ce niveau est tout à fait excessif. Il l’est d’autant plus dans la période de crise financière que nous traversons, au cours de laquelle les banques ont pris des risques démesurés sur les marchés en ne se cantonnant plus à leur métier, mais en s’adonnant aveuglément à de multiples innovations financières non maîtrisées.
Certes, un taux de rémunération de 20 % permettrait de mesurer l’aversion des organismes financiers pour le risque que représenteraient les ménages aux ressources modestes offrant peu de garanties, mais ce serait oublier les risques, excessifs, eux, que ces établissements ont pris et qui nous ont conduits à la situation désastreuse que je viens d’évoquer.
Au vu du montant de liquidités dont certains d’entre eux ont bénéficié, force est de reconnaître qu’un tel taux de rémunération n’est plus admissible, surtout lorsque ces taux servent de « taux référents », de « taux d’indexation » pourrait-on dire, pour les crédits renouvelables, dont nous savons tous les effets délétères sur le surendettement !
La commission, cherchant à pallier les insuffisances d’un projet de loi, muet sur cette question, propose un dispositif qui vise à fondre dans une même catégorie les crédits renouvelables et les crédits amortissables, la répartition des crédits ne devant plus désormais dépendre que de leurs seuls montants. Cela conduit à redéfinir le taux de l’usure en fonction du montant du prêt sollicité. Je l’ai déjà souligné, cette proposition n’est pas dénuée d’intérêt, mais elle n’est pas suffisante. Il faut une réforme profonde, qui puisse être rapidement mise en œuvre, afin de faire baisser sensiblement le taux de l’usure, dans un contexte qui plaide pour une meilleure régulation du marché du crédit.
C'est la raison pour laquelle cet amendement vise à modifier les règles de calcul du taux de l’usure et à les inscrire dans la loi, afin que le coût du crédit soit lié à celui du refinancement des établissements bancaires. Il s’agit de faire en sorte que les variations du taux de l’usure s’ajustent à celles du taux directeur et de réviser l’écart entre les taux selon la catégorie ou le montant des crédits.
Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas favorables à la disparition de toute réglementation sur le taux de l’usure, contrairement à M. Philippe Dominati, dont le rapport précise qu’il est « profondément convaincu qu’en matière de crédit à la consommation la meilleure solution consisterait à supprimer le seuil légal du taux de l’usure ». Une telle mesure serait en quelque sorte le point d’aboutissement de la loi Dutreil.
Si nous ne partageons pas la position de la commission, c’est bien parce que nous ne réduisons pas l’économie de marché à l’exercice de la libre concurrence. D’ailleurs, ce qui s’est passé ces derniers mois nous donne raison.
Monsieur le rapporteur, vous prétendez que « la réforme du calcul du taux de l’usure engagée au début des années quatre-vingt-dix – faisant ainsi référence à une époque où la gauche était en responsabilité – avait précisément pour objet de délivrer la législation sur l’usure d’arbitrages politiques pouvant s’écarter de la rationalité économique, et de conférer au marché la responsabilité de la régulation grâce au libre jeu de la concurrence ».
C’est oublier que la rationalité économique, comme l’a souligné un grand économiste, disparaît derrière les « esprits animaux », lorsque le marché est laissé à lui-même. C’est pour cela que l’intervention publique, qui vise l’intérêt général, est nécessaire.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous vous trompez de référence ! Faut-il vous rappeler que c’est la loi Dutreil, et non la loi Neiertz, qui a fait sauter le verrou de l’usure en 2003 pour les professionnels et en 2005 pour les particuliers ? À l’époque, nous nous étions opposés à cette disposition ici même !
D’aucuns soutiennent que l’administration du taux de l’usure, telle qu’elle est pratiquée en France, est une exception en Europe. En Allemagne, ce sont les tribunaux qui, à la suite d’une plainte déposée par le consommateur, jugent si le taux de l’usure pratiqué est excessif ou non. Or cette démarche correspond à une culture qui n’est pas la nôtre.
Certes, nous pouvons discuter du mode de calcul du taux de l’usure. Mais, sur le principe, nous ne voulons pas laisser à l’autorité administrative l’initiative de la négociation avec les établissements bancaires, qui ne chercheront certainement qu’à défendre au mieux leurs intérêts ; nous voulons que le taux de l’usure soit fixé dans la loi.