Cet amendement me donne l’occasion d’apporter quelques précisions sur les travaux de la commission spéciale, qui s’est saisie de la question du taux de l’usure et en a fait un mécanisme essentiel de la réforme du crédit à la consommation.
Lorsqu’il est réglementé ou administré par l’État – avec l’Italie et la Belgique, la France fait figure d’exception dans l’environnement économique actuel –, le mécanisme du taux de l’usure est illusoire. D’aucuns ont tendance à considérer que les banques distribueront automatiquement du crédit en fonction du taux qui sera déterminé par une autorité étatique. Il n’en est rien ! À l’heure actuelle, malgré un taux de l’usure que certains, à juste titre, dénoncent comme étant trop élevé, seuls 55 % des crédits renouvelables sont affectés. En d’autres termes, 45 % des demandes sont rejetées. Voilà la réalité du marché !
Ce n’est donc pas en déterminant un taux, par une équation équilibrée ou logique, et en définissant un plafonnement que la diffusion du crédit sera améliorée pour autant. En réalité, tous les mécanismes qui conduiront à une baisse obligatoire ou administrée des taux d’usure augmenteront l’exclusion du crédit. C’est une réalité économique.
Nous ne pouvons pas, d’un côté, reprocher à des établissements financiers de faire preuve d’irresponsabilité et, de l’autre, leur demander de prêter obligatoirement à un taux déjà établi. D’une certaine façon, le taux est proportionnel au risque encouru. Il en est ainsi dans le monde entier, à tout le moins dans toute l’Europe.
Madame Bricq, peut-être me suis-je trompé en affirmant que l’abandon d’un taux de l’usure administré datait du gouvernement Rocard et de la loi Neiertz. En revanche, je me souviens des années de politique de blocage des prix – qui n’était pas l’apanage des gouvernements de gauche – et de la période où votre formation politique a accepté l’économie de marché, ce qui a permis à notre pays de s’adapter à son environnement international. Vous avez eu raison de rappeler que le mécanisme du taux de l’usure ne fonctionne plus du tout pour les entreprises.
Avec l’amendement n° 21, vous souhaitez revenir en arrière et proposez un retour à la réglementation. D’autres amendements prévoient des modalités différentes. Sur quelles bases le coefficient a-t-il été fixé entre 2 et 7 ? Pourquoi pas entre 3 et 8 ? Sur quelle réalité économique vous appuyez-vous ?
La règle de détermination des taux de l’usure en France consiste à appliquer une majoration du tiers aux taux effectifs moyens observés au cours du trimestre précédent pour six catégories de prêts aux particuliers.
Toutefois, la commission a estimé que ce mode de calcul entraînait un déséquilibre, notamment pour les crédits renouvelables. C'est la raison pour laquelle elle a décidé de rejoindre la position du Gouvernement et de raisonner en seuils. Madame Bricq, j’ignore d’ailleurs si vous prévoyez un mécanisme supplémentaire ou alternatif.
L’examen des autres amendements déposés sur l'article 1er A nous donnera l’occasion de débattre de nouveau de cette question, puisque d’autres coefficients tendant à réduire encore les taux sont proposés. J’observe à ce titre que le groupe de l’Union centriste est plus sévère que le groupe CRC-SPG et que Philippe Adnot est peut-être plus sévère encore que le groupe de l’Union centriste ! Il n’en reste pas moins que ce mécanisme ne fera qu’accroître les phénomènes d’exclusion du crédit.
La réforme du crédit à la consommation proposée par la commission est bonne. Il s’agit de ne plus faire le départ entre crédit affecté et crédit renouvelable et de fixer un seuil à 3 000 euros. En outre, un mécanisme permettant une offre de crédit différente a été élaboré. La conjonction de ces deux mesures rend donc judicieux le dispositif qui vous est proposé par cet article.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.