Nous recevons aujourd'hui l'ambassadeur Hector Michel Mujica Ricardo, une semaine après avoir entendu M. Juan Guaidó, qui est reconnu par de nombreux États, et notamment par la France, comme « président de transition, en charge de mettre en oeuvre un processus électoral ». Nous sommes, monsieur l'ambassadeur, au lendemain des élections législatives qui ont renouvelé dans votre pays l'Assemblée élue en 2015, élections auxquelles une partie de l'opposition - rassemblée autour de M. Guaidó - a refusé de participer, et qui ont été remportées, sans grande surprise, par la coalition soutenant le président Maduro.
Je vous remercie d'avoir accepté l'invitation de notre commission, qui est ouverte au débat et au dialogue. En effet, lorsque des confrontations émergent, nous essayons d'entendre l'ensemble des parties afin de nous faire une idée, même - et surtout - lorsque les points de vue divergent. Nous avons ainsi reçu la semaine dernière l'ambassadrice d'Arménie et l'ambassadeur d'Azerbaïdjan, pour les entendre sur la question du Haut-Karabagh.
Comme vous le savez, les États-Unis, l'Union européenne et de très nombreux pays sud-américains ont rejeté lundi les résultats des élections législatives au Venezuela. Le chef de la diplomatie américaine, M. Mike Pompeo, a jugé que le scrutin de dimanche était « une farce politique », et il a indiqué que les États-Unis allaient « continuer à reconnaître » l'opposant Juan Guaidó comme « président par intérim » du Venezuela. De plus, le chef de la diplomatie européenne, M. Josep Borell, a fait cette déclaration : « Le manque de respect du pluralisme politique, la disqualification et la poursuite des dirigeants de l'opposition ne permettent pas à l'Union européenne de reconnaître ce processus électoral comme crédible, inclusif ou transparent, et ses résultats comme représentatifs de la volonté du peuple vénézuélien ». Pour le Royaume-Uni, ces élections sont « profondément entachées d'irrégularités ». Quant au groupe de Lima - alliance de seize pays, dont le Canada, le Brésil, la Colombie, le Chili et le Pérou -, il a appelé à « soutenir les efforts pour le rétablissement de la démocratie au Venezuela », critiquant le manque de « transparence » et l'absence « d'observateurs internationaux ».
Le prononcé de ces prises de position n'est sans doute pas très agréable pour vous mais, une fois encore, nous sommes là pour vous entendre et pour dialoguer. Le Venezuela est un grand pays, avec lequel nous avons des liens profonds, mais il est frappé par une crise économique et sociale dramatique, 80 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté, et n'ayant plus accès aux biens et services essentiels. Quel peut être l'impact de ces élections sur la situation de votre pays, et que vont-elles changer au quotidien des Vénézuéliens ?
Par ailleurs, comment interprétez-vous l'abstention massive - 69 % - des électeurs à cette occasion ? Comment le pouvoir du président Maduro entend-il réagir face à la consultation populaire menée à partir d'aujourd'hui par l'opposition « non-officielle » emmenée par Juan Guaidó ?
Les rapports du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme font aussi le constat de graves violations des droits économiques, sociaux, civils, politiques et culturels dans votre pays. Le président Guaidó a chiffré ici même à 382 le nombre de prisonniers politiques ; le gouvernement du président Maduro se porte-t-il garant de la sécurité de celles et ceux qui ne sont plus parlementaires, ayant refusé de participer à ces élections, et qui ne seront plus protégés par leur immunité ? Quel statut a été donné à l'opposition ? J'insiste sur ce point, monsieur l'ambassadeur, car, à chaque fois que des parlementaires sont poursuivis, quels que soient le pays et le camp concernés, nous sommes très attentifs. Les parlementaires ont un droit sacré et cela vaut aussi pour ceux qui ne le sont plus. S'en prendre à eux est pour nous quelque chose de parfaitement insupportable.
Le président Maduro a affirmé vouloir rétablir « un dialogue décent et suivi » avec la nouvelle administration américaine, qui prendra ses fonctions le 20 janvier prochain. Qu'attend-il précisément de ce dialogue ? Qu'est-il prêt à faire pour le faciliter ? Des contacts ont-ils déjà été établis avec la nouvelle administration ?
Je vous cède la parole pour une quinzaine de minutes, et mes collègues vous poseront ensuite quelques questions. Je suis conscient que l'exercice n'est pas simple, mais nous mettons un point d'honneur à donner la possibilité à chacun de s'exprimer. Je précise enfin qu'avec votre accord, cette audition est filmée et retransmise en direct sur le site du Sénat.