Bien sûr, il n'y a pas que les personnes âgées dans les publics prioritaires. Il y a aussi les personnes ayant des comorbidités. Lors de ma précédente audition, je vous avais parlé de cette série danoise de la première vague portant sur plus de 10 000 personnes, qui montrait que les risques commençaient à être particulièrement préoccupants à partir de l'âge de cinquante ans. Entre cinquante et soixante-dix ans, le risque ressemble à celui du SARS, avec environ 10 % de morbidité en cas de comorbidités assez banales, présentes chez la moitié des personnes de ce segment de la population. Au-delà de quatre-vingts ans, avec ou sans comorbidité, la mortalité avoisine les 50 % des PCR positives, ce qui est absolument effroyable. C'est donc bien ce segment qu'il convient de vacciner, avec ou sans comorbidité. Par ailleurs, ceux qui présentent des comorbidités et qui ont plus de cinquante ans devraient être aussi vaccinés de façon urgente. Idem pour les personnes souffrant des très lourdes comorbidités que vous avez évoquées, quel que soit leur âge.
Concernant le séquençage, la veille sanitaire classique française doit prendre en compte de façon systématique des échantillonnages afin de mettre en place un réseau sentinelle des souches sur l'ensemble du territoire national. C'est à travers un réseau de ce genre que l'on pourra détecter des mutations. Les variants anglais et sud-africain ont entre 17 et 23 mutations, c'est ce qui les rend préoccupants. N'oublions pas que le génome ARN du coronavirus est le plus long génome viral des virus à ARN. Mais c'est un virus qui mute beaucoup moins que celui de la grippe. Il est important de surveiller les mutations, non seulement pour la transmissibilité, mais aussi pour la sévérité et les résistances au traitement vaccinal. On n'attend pas de fortes mutations pour le moment, car le virus ne subit pas trop de pression. Si la vaccination entraîne une pression de sélection dans la population, il se peut que de nouveaux variants émergent pour contourner le vaccin. Ce point sera à surveiller par le séquençage.
Pour les deux tours électoraux de vaccination, pourquoi ne pas s'appuyer sur les médecins généralistes, les infirmiers, les pharmaciens, le service de santé des armées, les pompiers et les centres de don du sang ? De mémoire, il y a en France près de 600 000 infirmiers, près de 250 000 médecins et 60 000 pharmaciens, sans parler des étudiants en médecine. Bref, nous disposons d'assez de personnes pour ouvrir les bureaux électoraux deux dimanches consécutifs, ce qui devrait mobiliser 400 000 personnes. Mais avons-nous assez de doses ?
La France compte sur son territoire l'un des cinq opérateurs mondiaux du vaccin. Certes, Sanofi Pasteur n'a pas la possibilité de produire totalement un vaccin à ARN messager made in France, mais il a la capacité de conditionner du vrac et de produire des doses puisque Moderna renonce à tous ses brevets. Qu'importe la modalité, le but est que tout le monde puisse bénéficier du vaccin !
L'information sur la durée de protection des vaccins est une donnée très longue à obtenir. Aujourd'hui, la protection n'est pas remise en question après plusieurs mois. Il y a très peu de réinfections malgré les vagues successives. La maladie confère une immunité naturelle aux personnes atteintes. Les personnes touchées par le SARS-CoV en 2003 ont encore aujourd'hui des anticorps neutralisants et semblent toujours protégées. Elles bénéficient même peut-être d'une immunité croisée contre le SARS-CoV-2. Il est des maladies où l'immunité vaccinale est meilleure que l'immunité naturelle. Quand vous contractez la varicelle, vous risquez plus tard de déclencher un zona, ce qui n'est pas le cas avec le vaccin. Il existe donc des vaccins qui vous protègent mieux que la maladie.
Le frein à la vaccination obligatoire est que nous ne disposons pas d'essais chez l'enfant. Les États-Unis sont en train d'en mener, mais c'est encore un trou dans la raquette qui empêche toute stratégie d'immunité collective. La question de la vaccination obligatoire reste donc en suspens, excepté dans les Ehpad où je ne serais pas choqué qu'un règlement intérieur impose la vaccination. Quoi qu'il en soit, la vaccination obligatoire est davantage un sujet politique qu'un sujet scientifique.