Intervention de Marie-Pierre Monier

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 13 janvier 2021 à 9h35
Proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises — Examen du rapport et élaboration du texte de la commission

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier :

Nous avons tous, lorsque nous pensons à nos territoires respectifs, des sons ou odeurs caractéristiques qui nous viennent à l'esprit. Maire de Vinsobres, commune viticole, c'est pour moi le son du tracteur. Mais si je pense au sud de la Drôme, ce sont bien sûr les cigales que j'entends.

Cette proposition de loi peut paraître anodine à première vue, voire cocasse, mais il n'en est rien. Elle traduit en réalité l'existence d'une frontière de plus en plus marquée, séparant habitants de longue date des territoires ruraux et nouveaux arrivants, qu'ils soient touristes de passage ou résidents fraîchement installés, souvent désireux de commencer une nouvelle vie en marge de l'agitation urbaine.

Si à la campagne, l'activité prend des formes différentes qu'en ville, cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas ; les sons des tracteurs, l'odeur du lisier, le chant du coq en sont les conséquences. La campagne s'apprivoise : il est nécessaire que celles et ceux qui font le choix d'y vivre apprennent à la connaître.

Au fil des auditions, nous avons pu constater que les conflits de voisinage qui parvenaient effectivement jusqu'au tribunal ne constituaient que la partie émergée de l'iceberg : bon nombre d'entre eux sont réglés bien en amont, le plus souvent grâce à la médiation active des maires. Si nous en entendons autant parler, c'est que la presse, locale, mais aussi nationale s'en fait régulièrement l'écho, suscitant de nombreuses réactions oscillant entre moquerie et consternation. Cette ampleur médiatique révèle l'intérêt que ce sujet suscite pour l'opinion publique.

Aux conséquences très concrètes pour les acteurs des territoires concernés, le texte apporte plusieurs pistes de réponse. Le complément apporté au premier article du code de l'environnement constitue un premier jalon dans la reconnaissance et la protection de ce patrimoine sonore et olfactif qui participe de la richesse de nos espaces naturels.

Le texte propose par ailleurs de confier aux services régionaux de l'inventaire le soin d'étudier et de qualifier l'identité culturelle des territoires, dans une logique de valorisation et de transmission du patrimoine propre à la ruralité. La pertinence de cet échelon décentralisé nous a été confirmée au cours de nos auditions.

Enfin, la demande d'un rapport sur la possibilité d'engager la responsabilité civile pour trouble anormal du voisinage, en éclairant la portée juridique de cette problématique, nous permettra de mieux la poser d'un point de vue législatif. Même si le Sénat n'aime pas voter les demandes de rapports, il faut faire une exception pour celle-ci.

Si les différentes solutions introduites par cette proposition de loi auraient sans nul doute pu être affinées, l'existence même de ce texte a le mérite de poser les premières bases d'une discussion collective autour d'un sujet qui nous renvoie finalement à une problématique fondamentale, celle du vivre-ensemble.

Soulignons par ailleurs que le député rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, Pierre Morel-À-L'Huissier, a eu l'initiative de saisir le Conseil d'État et de largement remanier son texte en fonction de son avis. Il serait donc contre-productif de le modifier. C'est pourquoi le groupe SER le votera.

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