Intervention de Benoît Chabert

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 janvier 2021 à 8h30
Audition de représentants de la profession d'avocat à la suite du rapport de M. Dominique Perben

Benoît Chabert, président de la Confédération nationale des avocats :

Après celle de nos représentants - le président du Conseil national des barreaux, la présidente de la conférence des bâtonniers et le bâtonnier du barreau de Paris -, qui fédèrent notre profession, voici la parole des syndicats, c'est-à-dire des structures qui défendent, au nom de leurs adhérents, des idées précises. Sachez néanmoins que toutes les personnes qui sont devant vous travaillent de concert ; le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le bâtonnier du barreau de Paris travaillent ensemble et ces institutions sont toujours à l'écoute des syndicats. Par ailleurs, même si les idées défendues par les différents syndicats ne sont pas toujours les mêmes, nous désirons unir nos idées et les promouvoir.

La Confédération nationale des avocats (CNA) a cent ans d'existence ; elle regroupe des avocats orientés plutôt vers le judiciaire que le conseil, avec une vision enracinée dans les grands principes de la profession.

Nous avons été entendus par la commission Perben ; nous avons émis des propositions, dont beaucoup ont été suivies. La CNA avait à peu près les mêmes idées que les autres syndicats, mais je veux dire notre position sur les treize recommandations du rapport.

Sur l'aide juridictionnelle, la recommandation est bonne, mais il faut aller plus loin ; je rejoins les propos d'Hélène Fontaine et Jérôme Gavaudan à ce sujet.

Le renforcement de l'efficacité des ordonnances de taxation des honoraires du bâtonnier est essentiel. Cela peut paraître anecdotique, mais il est crucial qu'un avocat puisse recouvrer rapidement ses honoraires lorsque le bâtonnier les fixe.

J'en viens à la réforme de l'article 700 du code de procédure civile ; il s'agit de la possibilité pour un juge d'obliger la partie perdante à payer les frais d'avocat de la partie gagnante. Aujourd'hui, c'est une faculté laissée à la libre appréciation du juge. Il est proposé d'imposer la production de nos factures au juge pour qu'il puisse statuer sur des éléments précis. C'est une excellente idée, mais c'est dangereux, parce que le juge n'a pas non plus vocation à taxer les honoraires ; le CNB, la Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris devraient rechercher une solution permettant d'empêcher le juge de fixer arbitrairement le montant à payer. Tout cela reste à définir.

Sur la protection des collaborateurs de cabinet, nous sommes d'accord à 100 % ; il faut mettre en place, dans les barreaux, des contrats groupés d'assurance de collaboration.

Sur l'égalité homme-femme au sein de la profession, nous sommes d'accord avec les propositions qui sont faites.

Sur la réforme de la procédure d'appel, nous sommes aussi d'accord. Aujourd'hui, la responsabilité de l'avocat peut être engagée à tout moment en raison de délais très stricts. Le rapport précise que ces délais, qui devaient raccourcir le temps de l'appel, ont été totalement inefficaces, car les procédures sont toujours longues, entre deux et trois ans.

Sur la formation des avocats, nous sommes également d'accord, mais il faut aller plus loin.

Sur le renforcement de l'efficacité des modes amiables de règlement des différends et l'acte d'avocat exécutoire, je souscris à ce qui disait Me Fontaine.

En revanche, nous voyons un grand danger dans la modification de la définition de la consultation juridique. Actuellement, la consultation juridique consiste en un travail de recherche et en la production d'une consultation écrite ; c'est une prestation intellectuelle. Le rapport propose que l'expression « prestation intellectuelle » disparaisse pour que la consultation juridique recouvre également l'opération consistant à appuyer sur un bouton d'ordinateur ; la consultation pourrait alors être faite par une machine. Il faut être très prudent.

Sur le financement des cabinets, la CNA n'a jamais été favorable à l'introduction de capitaux extérieurs dans les structures d'avocats, c'est-à-dire à la possibilité, pour un fonds d'investissement, de devenir actionnaire d'un cabinet d'avocats. Il est précisé dans le rapport que l'apporteur de capitaux pourrait ne pas être associé et ne pas avoir de droit de vote, mais, ne soyons pas naïfs, lorsqu'un financier apporte des capitaux, il a forcément une influence dans la direction d'une structure.

Sur le reste, nous sommes absolument d'accord.

Nous sommes favorables à la participation des avocats à la vie des juridictions. Aujourd'hui, lorsqu'un avocat appelle un juge, on lui répond parfois que celui-ci ne parle pas aux avocats. Le dialogue disparaît, ce qui aboutit généralement au conflit. Il est très important de rétablir le dialogue entre avocat et magistrat et la mise en place de temps annuels de concertation entre le bâtonnier local et le président du tribunal est une excellente idée.

En ce qui concerne l'accès des avocats à la magistrature judiciaire, sachez qu'un avocat qui veut devenir magistrat fait un stage de trente-deux mois sans être rémunéré, à l'issue de quoi on peut lui annoncer qu'il n'est pas intégré à la magistrature. Cela en fait hésiter certains pour s'engager dans cette carrière...

Enfin, nous sommes très attachés au secret professionnel. Ce n'est pas du corporatisme ; simplement, les ordres professionnels, les bâtonniers, les conseils de discipline sont là pour sanctionner les avocats qui commettent des fautes. Il n'est pas envisageable de substituer à cette juridiction ordinale une autre juridiction qui porterait un regard moral sur les actes d'un avocat. Le secret professionnel, seul moyen de garantir la liberté de nos clients et la spécificité de notre métier, doit être contrôlé par le bâtonnier. En le supprimant, on décrédibiliserait le bâtonnier et on transformerait l'avocat en un simple prestataire de services. Si nous prêtons serment, c'est parce qu'il y a des règles, dont le respect est surveillé par l'organe qui nous représente, le bâtonnier de notre ordre, et elles sont organisées par la conférence des bâtonniers et par le CNB. Nous sommes une profession réglementée et non des prestataires comme les autres.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion