Intervention de Estellia Araez

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 13 janvier 2021 à 8h30
Audition de représentants de la profession d'avocat à la suite du rapport de M. Dominique Perben

Estellia Araez, présidente du syndicat des avocats de France :

Le syndicat des avocats de France (SAF) représente la partie de la profession qui s'occupe essentiellement de procédure judiciaire et qui travaille beaucoup à l'aide juridictionnelle, non par choix, mais parce que nos adhérents sont spécialisés dans des contentieux où de nombreux justiciables sont éligibles à cette aide : baux, consommation, droit des étrangers ou droit du travail du côté salarié.

L'avenir de notre profession passe par le respect de notre indépendance, que le Gouvernement semble vouloir mettre à mal. Je vais en donner trois exemples.

On a d'abord l'impression qu'il veut s'immiscer dans la réforme de la formation initiale des avocats, au travers du groupe de travail sur la formation des avocats, présidé par Sandrine Clavel et Kami Haeri, dit « Clavel-Haeri », alors que le CNB, notre institution représentative, a déjà une commission chargée de cette formation. J'y reviendrai.

Second exemple de l'immixtion des pouvoirs publics dans notre profession : la réforme de la discipline. Les pouvoirs publics veulent contrôler notre discipline en édictant nos règles déontologiques. Cela inquiète beaucoup la profession.

Enfin, dernier exemple : le projet de loi qui est envisagé par la Chancellerie, dans lequel le garde des sceaux formule des propositions qui ne sont pas souhaitées par la profession, plutôt que de mettre oeuvre celles que nous avons formulées lors des états généraux sur l'avenir de la profession d'avocat.

Pour garantir l'avenir de la profession, il faut améliorer l'indépendance économique des cabinets, donc assurer une rémunération décente des confrères qui acceptent de travailler à l'aide juridictionnelle. Il faut en outre que cette aide couvre mieux, dans l'intérêt du justiciable, des champs actuellement très mal indemnisés ; je pense aux petits litiges dans lesquels les enjeux financiers sont faibles. D'où la proposition, déjà ancienne, de créer des groupes de défense, financés par une majoration de la subvention allouée aux ordres au titre de l'aide juridictionnelle. Ces groupes permettraient de mieux indemniser les avocats confrontés à des contentieux techniques, qui exigent beaucoup de travail. Cette solution permettrait de mieux rémunérer les confrères et d'améliorer la qualité des prestations.

L'avenir de la profession passe également par l'amélioration de notre protection sociale ; la crise sanitaire l'a révélé. La profession a des propositions à faire en la matière.

L'indépendance passe aussi par la cessation des réformes législatives permanentes, tant sur le fond du droit que sur la procédure. La réforme de la procédure d'appel est un bon exemple ; cette réforme n'a aucunement amélioré les délais de procédure - au contraire - et elle a engendré des problèmes procéduraux pour les avocats et les magistrats.

Le SAF a émis des propositions, transmises depuis de nombreux mois au garde des sceaux et au directeur des affaires civiles et du sceau, pour réformer la procédure Magendie et simplifier les procédures d'appel au bénéfice des acteurs de justice et des justiciables, qui subissent un déni de justice à cause de chausse-trappes n'ayant d'autre intérêt que de limiter le nombre de dossiers.

Il faut donc stopper ces réformes législatives incessantes, mais il faut aussi améliorer le fonctionnement des juridictions. Pour que les avocats aient un avenir, travaillent correctement et gagnent de l'argent, les délais de procédure doivent être raccourcis. Les justiciables ne souhaitent pas attendre 18, 24 voire 36 mois pour que leur litige soit tranché. Il faut des moyens supplémentaires, afin d'améliorer ces délais, la qualité de la justice et l'intelligibilité des décisions. Si les justiciables ont le sentiment que la justice ne sert à rien, ils finiront par se faire justice eux-mêmes ; nous l'avons perçu pendant la crise des gilets jaunes.

Enfin, il faut se pencher sur la réforme de la formation initiale des élèves-avocats. On entend dire que les avocats sont trop nombreux ; ce n'est pas la question, le problème est que les avocats sont mal formés, car la formation initiale est financée non par l'État, mais par la profession. Il y a une solution simple à ce problème : le contrat d'apprentissage. Cela résoudrait la question du financement de la formation des élèves-avocats ; surtout, cela donnerait leur un statut, dont ils sont aujourd'hui privés. La formation en serait meilleure, car les élèves-avocats feraient, toute l'année, des allers-retours entre l'école et le cabinet.

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