Intervention de Gisèle Jourda

Réunion du 13 janvier 2021 à 15h00
Problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols — Débat sur les conclusions du rapport d'une commission d'enquête

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat fait suite aux travaux de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols.

Cette commission d’enquête est une réponse au mutisme et au manque de réactivité des autorités que je n’ai eu de cesse d’interpeller, en vain, après que les inondations meurtrières d’octobre 2018 dans l’Aude ont réveillé la pollution historique, en faisant dériver de l’arsenic le long de la vallée de l’Orbiel, ce qui a laissé les habitants, les familles, les associations et les élus concernés seuls, isolés, sans information, sans solution, face à des risques sanitaires et écologiques évidents.

Cette histoire n’est pas un cas isolé : des collèges ont été bâtis sur des sols pollués dans le Val-de-Marne, des terres agricoles sont contaminées par du plomb et du cadmium dans le Gard ou le Pas-de-Calais, le mercure est présent dans les sols de Guyane, etc. Dans un pays à la riche histoire industrielle et minière comme le nôtre, les cas de pollution des sols ne manquent pas. Pourtant, la lutte contre la dégradation des sols et la gestion des effets de cette dégradation sur la santé et l’environnement peinent encore à s’imposer comme une priorité des pouvoirs publics.

Mes chers collègues, la situation exige une mobilisation nationale. C’est ainsi que mon groupe, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, a accepté ma requête et demandé la constitution de cette commission d’enquête. Je l’en remercie.

Ces travaux étaient nécessaires. Aucun territoire, que ce soit dans l’Hexagone ou dans les outre-mer, n’est épargné. À l’issue de nombreux déplacements et auditions, la commission d’enquête propose – excusez du peu ! – de refonder la politique de gestion des sites et sols pollués en France. Nous avons ainsi formulé cinquante propositions, réparties en six axes que je vais vous présenter succinctement.

Le premier axe porte sur la nécessaire amélioration de la qualité et la lisibilité de l’information. Pour ce faire, nous proposons d’agir sur trois volets.

D’abord, par analogie avec la pollution de l’air, nous proposons de consacrer un droit à l’information du public sur l’existence de pollutions dans les sols et leurs effets sur la santé et l’environnement.

Ensuite, nous suggérons d’établir une cartographie nationale des risques sanitaires et environnementaux liés à ces pollutions.

Enfin, nous demandons que 50 millions d’euros soient consacrés à l’achèvement de l’inventaire et du diagnostic des sols des crèches et établissements scolaires situés sur des sites pollués.

À cet égard, madame la ministre, je regrette que vous ayez écarté, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, l’abondement de 50 millions d’euros des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » que le Sénat avait voté en première lecture, au-delà de toute ligne partisane, afin que cet inventaire puisse être mené à bien.

Quel soutien l’État compte apporter aux collectivités territoriales ayant hérité de nombreux terrains pollués et ne pouvant raisonnablement pas assumer le coût du diagnostic sur leurs seuls budgets ?

Le deuxième axe de nos propositions vise à poser les jalons d’un véritable droit de la protection des sols. Nous proposons en particulier d’introduire dans le code de l’environnement une définition de la pollution des sols. Nous appelons également à remédier aux asymétries entre le code de l’environnement et le code minier en matière de responsabilité des exploitants et de prévention des risques. Nous souhaitons ainsi étendre l’obligation de constitution de garanties financières aux exploitants de sites miniers et ajouter la protection de la santé publique à la liste des intérêts protégés par le code minier.

Le troisième axe porte sur l’amélioration de notre système de surveillance des installations industrielles et minières, qui se limite aujourd’hui à la naissance et à la cessation d’activité du site. Nous appelons ainsi à renforcer le contrôle des cas de non-déclaration des cessations d’activité, mais aussi à mettre en place une surveillance régulière des sols et des eaux souterraines des sites à risque, en particulier des installations soumises à déclaration.

Le quatrième axe vise à améliorer la gestion des risques sanitaires et la réparation des préjudices écologiques. Pour cela, nous préconisons, d’une part, la création de centres régionaux de santé environnementale chargés d’examiner les demandes d’évaluation des effets sanitaires d’expositions environnementales, d’autre part, l’introduction, dans le plan communal de sauvegarde de toute commune comptant un site référencé sur Basol, la base de données sur les sites et sols pollués, d’un volet spécifique consacré à l’alerte, l’information, la protection et le soutien de la population.

Le cinquième axe vise à améliorer la prévention et la réparation des préjudices écologiques par l’élargissement de la constitution de garanties financières.

Enfin, le dernier axe de nos propositions concerne la mobilisation des friches industrielles et minières polluées, au moment où nous devons lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. Nous proposons ainsi de faciliter le recours au dispositif de tiers demandeur.

Par ailleurs, nous souhaitons la création d’un fonds national de réhabilitation des sites et sols pollués, non seulement pour prendre en charge la dépollution des sites orphelins, mais également pour venir en aide aux collectivités qui ont hérité de friches polluées et ne disposent pas des fonds nécessaires à leur réhabilitation.

J’insiste, madame la ministre : les objectifs de ce fonds ne sont pas couverts par le fonds de soutien à la reconversion de friches que vous entendez mettre en place dans le cadre du plan de relance. En effet, le fonds de reconversion de votre ministère ne se limite pas aux friches polluées, il vise également des opérations qui sortent du champ de la dépollution. Notre fonds est plus ciblé.

C’est pourquoi, à la faveur d’un amendement transpartisan que j’avais déposé, le Sénat avait voté, lors de la première lecture du projet de loi de finances pour 2021, la création d’un tel fonds au sein de la mission « Plan de relance ». Malheureusement, vous avez de nouveau écarté, en nouvelle lecture, cette mesure que beaucoup d’élus appellent pourtant de leurs vœux.

Tel est donc l’esprit général de nos recommandations.

Je tiens à remercier sincèrement mes collègues et le président de la commission d’enquête, Laurent Lafon, de la qualité de nos travaux et de l’état d’esprit dans lequel ils ont été menés. Je le dis avec sincérité et conviction, vous me connaissez : en dépit de nos appartenances partisanes, nous avons tous partagé ce terrible constat et décidé de proposer des mesures d’envergure qui répondent aux besoins vitaux de nos territoires.

Je forme le vœu que le débat que nous engageons ouvre la voie à une véritable mobilisation des pouvoirs publics pour que la gestion des sites et des sols pollués en France ne se limite plus à une réponse ponctuelle sur un site pollué isolé, quand elle est apportée. Nous en appelons à une politique publique ambitieuse, capable de protéger l’ensemble de nos sols et de nos concitoyens. Une loi s’impose sur ce sujet. J’espère, madame la ministre, que vos réponses seront à la hauteur de ces attentes.

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