Intervention de Barbara Pompili

Réunion du 13 janvier 2021 à 15h00
Problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols — Débat sur les conclusions du rapport d'une commission d'enquête

Barbara Pompili :

Madame la présidente, madame la rapportrice, mesdames, messieurs les sénateurs, « être contemporain, c’est avoir conscience des héritages, consentis ou contestés » écrivait René Rémond. Je pense que cette leçon s’applique aux travaux de votre commission d’enquête.

La pollution des sols par l’activité industrielle ou minière est effectivement un héritage dont nous nous serions bien passés, celui d’une industrialisation rapide du pays pendant un siècle. Cette industrialisation a contribué – et c’est heureux ! – à l’augmentation du niveau de vie des Français, mais elle a aussi creusé notre dette environnementale, car la santé humaine et l’écologie ont été pendant longtemps le parent pauvre des politiques publiques.

Et, comme votre commission l’a écrit, cette histoire est celle, un peu partout dans le pays, de plus de 320 000 anciens sites d’activités industrielles ou de services et de près de 3 000 anciens sites miniers. C’est colossal !

À présent, notre responsabilité devant la Nation, ma responsabilité de ministre, c’est de faire face à cet héritage, d’en purger le passif et de changer les règles pour ne pas répéter les erreurs du passé. C’est une question de santé publique, de respect de l’environnement et de développement durable, bref, une question de tout premier plan pour la ministre de l’écologie que je suis ! Je tiens donc à vous remercier très sincèrement de votre invitation à venir m’exprimer devant vous.

Je commencerai par dire, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, que la première des mesures, le b.a.-ba de la lutte contre les pollutions des sols, c’est la prévention.

Mon ministère travaille tous les jours à cette prévention. Qu’il s’agisse du contrôle des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou de celui des installations minières, l’État exerce avec diligence son pouvoir de police pour prévenir les infiltrations dans les sols ou les eaux souterraines. Plus de 18 000 contrôles sont réalisés chaque année et nous allons augmenter leur nombre de 50 % d’ici à la fin du quinquennat.

Parfois, malheureusement, les mesures de prévention ne suffisent pas. Il appartient alors à la puissance publique de se retourner vers les exploitants en application du principe pollueur-payeur.

Vous le savez les exploitants des ICPE sont déjà soumis à des obligations de remise en état de leurs terrains après la cessation de leur activité. L’État a souhaité s’assurer que cette obligation soit remplie chaque fois, y compris si l’exploitation a fait faillite entre temps. C’est pourquoi les ICPE susceptibles de causer d’importantes pollutions, soit près de 800 sites, sont assujetties à des garanties financières. À cette heure, ce sont près de 650 millions d’euros qui sont provisionnés et directement mobilisables afin que les terrains puissent toujours être remis en sécurité.

Pour les mines, je le dis clairement, l’existant ne suffit pas. J’ai donc décidé que nous devions nous doter de nouvelles règles pour tirer toutes les leçons du passé. La réforme du code minier en est l’occasion.

Avec cette réforme, d’une part, nous nous donnons enfin les moyens de rechercher la responsabilité de la maison mère, ce qui permettra de continuer à agir, même si une filiale est fermée ou insolvable. D’autre part, nous étendons la police résiduelle des mines jusqu’à trente ans après l’arrêt des travaux miniers. L’État pourra donc chercher la responsabilité de l’exploitant durant trente ans. C’est un grand pas en avant.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, faire face à cet héritage industriel et minier, c’est aussi assurer la mémoire et la transparence : mémoire des sites pollués pour ne pas mettre en péril la santé humaine ; transparence sur leur recensement.

C’est l’engagement de mon ministère, qui a mis à la disposition du public plusieurs outils permettant à chacun de consulter la liste de tous les sites ayant hébergé une activité industrielle. Par exemple, la base de données des anciens sites industriels et activités de services (Basias) recense plus de 300 000 terrains.

J’y vois un double enjeu : d’une part, dépolluer les sols ; d’autre part, réussir le pari du recyclage urbain pour maîtriser l’étalement de nos villes. Vous le savez, l’artificialisation est une bombe à retardement pour la biodiversité comme pour le lien social, qui est si précieux.

Avec le plan de relance, nous mettons 300 millions d’euros sur la table pour accélérer le recyclage des friches. Dans ce cadre, mon ministère a lancé en novembre dernier un premier appel à projets piloté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

Plus spécifiquement, madame la rapportrice, 40 millions d’euros sur deux ans permettront de reconvertir d’anciennes installations classées ou sites miniers et de leur offrir une nouvelle vie. Cela n’empêche évidemment pas qu’une part des 260 autres millions puisse également servir à la dépollution.

C’est un travail de fond, qui va durer. L’engagement de l’État pour faciliter les opérations de dépollution et revaloriser ces terrains disponibles perdurera aussi longtemps que nécessaire.

Enfin, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, faire face à cet héritage, c’est parfois faire face à la plus pressante des urgences et à des situations dans lesquelles l’État doit agir rapidement pour protéger la santé des populations ou circonscrire une pollution qui menace de s’étendre.

En effet, si l’État est engagé depuis plus de vingt ans dans le renforcement de la réglementation, de nombreuses pollutions historiques sont antérieures à cette prise de conscience des pouvoirs publics. De ce fait, chaque année, l’Ademe traite une vingtaine de sites et mobilise son expertise pour réaliser les opérations les plus urgentes, en ayant toujours à cœur la protection des personnes et celle de l’environnement.

L’État assume donc pleinement ses responsabilités. Et vous le voyez, qu’il s’agisse de nous doter de règles pour mettre les pollueurs devant leurs responsabilités, d’assumer les missions de l’État, dont la première est de protéger, ou encore de préparer l’avenir, tout en réparant le passé, nous sommes au rendez-vous !

Je crois pouvoir dire que nous viendrons à bout de cet héritage contesté de notre époque industrielle, en responsabilité et avec lucidité et détermination. Que notre génération laisse à ses enfants une terre plus propre qu’elle ne l’a trouvée, tel est le sens de mon combat, et je crois que nous le partageons tous, en particulier vous, madame la rapportrice.

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