Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 13 janvier 2021 à 15h00
Lutte contre l'illectronisme et inclusion numérique — Conclusion du débat

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier l’ensemble des orateurs ayant participé à ce débat. Les questions posées illustrent l’intérêt du Sénat pour la lutte contre l’illectronisme, l’accès de tous au numérique étant de plus en plus la condition de l’exercice des droits et des devoirs : accès à l’éducation, au travail, aux services publics, aux droits sociaux et à la citoyenneté.

Le numérique, révolution majeure du XXIe siècle, pénètre tous les aspects de notre vie quotidienne. Il modifie en profondeur les relations entre l’administration et ses usagers. Il est tout à la fois une chance pour nos concitoyens, une occasion à saisir pour la revitalisation des territoires et un handicap supplémentaire, voire un nouveau facteur discriminant.

Oui, un effort sans précédent doit être consenti pour la formation à tous les niveaux, notamment par l’école et par les entreprises, en matière de médiation numérique.

Le principe d’accessibilité aux services publics, qui nous est cher, doit demeurer une priorité de l’État pour accompagner les usagers et favoriser une véritable autonomie numérique, l’objectif étant de ne pas avoir à se substituer à l’usager.

Le groupe du RDSE est vigoureusement attaché au principe d’égalité devant le service public. À nos yeux, la réduction de la fracture numérique, qu’elle soit due à une couverture insuffisante du territoire ou à l’illectronisme, y participe pleinement.

Comme l’a relevé la mission d’information constituée sur l’initiative de notre ancien collègue Raymond Vall, les personnes les moins bien dotées en compétences ou en équipements numériques sont davantage victimes d’un « processus d’exclusion administrative ».

Les entreprises peuvent également être concernées et, contrairement aux idées reçues, toutes les générations peuvent être touchées à un moment donné.

C’est la raison pour laquelle le programme Action publique 2022, qui vise la dématérialisation des 250 démarches les plus courantes d’ici au mois de mai 2022, nous préoccupe. Au total, 40 % de la population ne se sentirait pas à l’aise pour accomplir des démarches en ligne.

Nul ne saurait s’opposer à la modernisation de l’État. Bien au contraire, le principe d’adaptabilité et de mutabilité du service public doit trouver sa pleine application. Comme l’affirmait Gaston Jèze, le « pape des finances publiques » : « L’organisation d’un service public proprement dit est susceptible d’être modifiée à tout instant. […] Il faut pouvoir toujours apporter les changements nécessités par les transformations économiques, sociales, politiques, par les nouveaux idéals politiques et sociaux. »

Ainsi, lorsqu’elle est correctement préparée, la dématérialisation constitue un réel progrès. Il est du devoir de l’État d’adapter le service public aux besoins des usagers, qui eux-mêmes évoluent. Il en est ainsi de l’amélioration de l’accessibilité des sites publics pour toutes les personnes handicapées. Le retard pris dans ce domaine est inacceptable, alors que les contraintes sont moindres que pour les travaux d’adaptation des bâtiments ou des transports en commun.

De même, l’information doit être intelligible pour les usagers et le service concerné aisément joignable.

Si un basculement plus important des canaux de communication traditionnels vers le numérique est bienvenu, ces dispositifs doivent demeurer complémentaires. Notre ancien collègue Pierre-Yves Collombat le soulignait : « La dématérialisation des démarches doit être pensée en fonction de l’usager réel et non de l’usager rêvé. »

De surcroît, comme le souligne le Défenseur des droits dans son rapport de 2019 consacré à la dématérialisation des démarches administratives, « l’objectif de l’amélioration du service rendu à l’usager ne sera pas atteint si l’ambition collective portée dans ce processus se résume à pallier la disparition des services publics sur certains territoires ». Le recul de la présence humaine aux guichets et la dématérialisation ont ainsi été la source de nombreuses ruptures d’égalité entre les usagers.

Monsieur le secrétaire d’État, la dématérialisation ne doit être ni l’ennemie de l’aménagement du territoire ni le symbole de logiques purement budgétaires, qui aboutissent à un service public déshumanisé.

Enfin, la transformation numérique ne doit pas exonérer l’État de l’indispensable simplification préalable des démarches. C’est pourquoi la reconnaissance du droit à l’erreur, défendue par la mission, est indispensable. La transposition sous forme numérique de la complexité administrative existante ou, pis, son aggravation nous mènerait à l’échec.

À nos yeux, l’inclusion numérique doit être une priorité nationale. Il faut donc passer des annonces aux actes : j’espère que les propositions de la mission d’information créée par notre groupe, ainsi que les inquiétudes exprimées par la Haute Assemblée, éclaireront l’action du Gouvernement en la matière afin de guider nos concitoyens pour relever les défis de la numérisation de la société !

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