Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la réorganisation éventuelle du groupe EDF par le projet Hercule, élaboré par sa direction à la demande du Gouvernement, ne manque pas de nous interroger.
Sur le fond, tout d’abord, force est de constater que l’objectif visé initialement avec la mise en place de l’Arenh est loin d’avoir été atteint. Imposer à EDF de réserver à ses concurrents français et européens une partie de sa production nucléaire à un prix fixe de 42 euros par mégawattheure, qui n’a maintenant plus bougé depuis dix ans, suscite des interrogations.
Le bénéfice annoncé pour le consommateur, sous prétexte de concurrence accrue, est en réalité inexistant, avec un prix de l’électricité sans cesse croissant, au point que la précarité énergétique, qui était auparavant un épiphénomène en France, est aujourd’hui une réalité grandissante.
D’un autre côté, de multiples fournisseurs alternatifs, qui ne produisent pas un seul kilowattheure d’électricité, boursicotent au gré des prix de gros et se fournissent chez EDF chaque fois que c’est à leur avantage.
Je comprends donc que l’État négocie âprement avec Bruxelles pour remédier à cette situation ubuesque qui met à mal notre champion mondial de l’électricité.
Pour autant, le projet Hercule visant à séparer le groupe EDF en trois entités m’interpelle. Que l’État souhaite conserver dans le giron national une EDF Bleue, gérant le nucléaire, une énergie qui a permis à la France de bénéficier depuis des décennies de l’électricité la moins chère d’Europe, me paraît indispensable et je souscris pleinement à cette approche stratégique ; qu’il en aille de même pour une EDF Azur, spécialisé dans la production hydroélectrique de nos grands barrages, j’y souscris également, sous réserve, néanmoins, que les autres exploitants déjà en place en France, comme la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) dans les Pyrénées, voient également leurs intérêts préservés.
En revanche, l’ouverture à des capitaux privés d’une filiale dite Verte regroupant les activités de fourniture d’électricité aux particuliers et aux entreprises, le développement des EnR et, surtout, la distribution d’électricité me paraît plus que hasardeuse. S’agissant de la fourniture d’électricité, ce projet marquerait la fin des tarifs réglementés en France, ce qui ne me paraît pas satisfaisant pour les abonnés concernés, au vu de la situation économique des prochaines années.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, je m’inquiète également que l’appât du gain lié à la promotion du grand éolien offshore conduise à reléguer au second rang la production d’énergie renouvelable photovoltaïque ou issue de la biomasse, solutions qui valorisent nos territoires.
Je suis surtout indignée à l’idée que le réseau de distribution électrique, qui appartient aux collectivités locales, à nos communes, et qui a seulement été concédé à Enedis puisse dépendre des desiderata d’investisseurs privés. Cette hypothèse me laisse sans voix !
Investir sur le réseau électrique est une nécessité et non une option, les coupures d’électricité liée aux intempéries nous le rappellent régulièrement. J’ajoute que la péréquation nationale issue du tarif d’utilisation des réseaux publics d’énergie (Turpe) est la seule garante d’un service public de qualité, y compris en zone rurale. Le principe d’égalité des usagers devant le service public en dépend.
Aussi, pourquoi vouloir remettre en question un système électrique national qui a fait ses preuves, au risque de transformer, avec le projet Hercule, le groupe EDF en un colosse aux pieds d’argile ?
Sur la forme, maintenant, pouvez-vous me confirmer, madame la ministre, qu’un projet de loi sera bien présenté au Parlement sur ce sujet, comme vous nous l’aviez annoncé lors d’une audition au Sénat au mois de novembre dernier ?