Intervention de Franck Menonville

Réunion du 13 janvier 2021 à 15h00
Avenir de l'entreprise edf avec le projet hercule — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Franck MenonvilleFranck Menonville :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quelques semaines, l’avenir d’EDF, avec le projet Hercule, est au cœur de l’actualité. En effet, depuis octobre, les négociations entre le Gouvernement et la Commission européenne se sont accélérées dans une certaine opacité.

Je salue donc la tenue de ce débat sollicité par nos collègues du groupe CRCE autour de l’avenir d’EDF, fleuron de l’État stratège, sujet ô combien majeur et stratégique aujourd’hui.

Comme chacun le sait, les débats liés à la politique énergétique sont souvent placés sous le signe du nucléaire. La France a fait le pari de l’atome, et ce pari – il faut le rappeler – a été réussi. Cette formidable aventure industrielle lancée au milieu du siècle dernier a doté notre pays d’une avance considérable et de prix compétitifs. Grâce à nos ingénieurs et à nos investissements massifs, dont nous tirons aujourd’hui collectivement parti, nous avons œuvré pour notre souveraineté énergétique. Le nucléaire nous assure aujourd’hui encore une production d’électricité décarbonée pilotable et très compétitive.

Il est aujourd’hui illusoire d’espérer atteindre la neutralité carbone dans notre pays sans le nucléaire. Cet actif national constitue donc un atout pour la transition énergétique. Il représente aussi assurément un atout concurrentiel pour nos concitoyens et nos entreprises. Cependant, nous devons faire preuve de lucidité face à la situation dans laquelle se trouve notre appareil de production entièrement détenu par EDF.

Je distinguerai deux principales difficultés qui paraissent interdépendantes : premièrement, le vieillissement de notre parc nucléaire et, deuxièmement, la tarification applicable à l’électricité en France.

Notre parc a été construit en à peine deux décennies. Le défi de sa modernisation nous place aujourd’hui face à un mur d’investissement. Pour capitaliser sur cet atout national, il nous faut redonner des capacités d’investissement à EDF, dont la dette se chiffre aujourd’hui en dizaines de milliards d’euros.

Or cette capacité d’investissement reste grevée par l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. C’est pourquoi il est urgent de l’adapter avant sa fin programmée en 2026. Ce système inadapté, voire absurde, pénalise l’avenir d’EDF et sa capacité d’investissement.

Pour conclure, permettez-moi de livrer une conviction : le nucléaire doit rester un actif public. Les enjeux de souveraineté et de sûreté sont trop importants pour que nous soumettions nos centrales nucléaires à des logiques inadaptées de mise en concurrence. C’est pourquoi la constitution d’une entité 100 % publique, dite EDF Bleu, me paraît pour le moins indispensable. Elle devrait nous permettre d’assurer collectivement le choix de la modernisation, mais il est indispensable dans le même temps d’assurer le développement des énergies renouvelables, qui ne présentent ni les mêmes contraintes ni les mêmes avantages.

La constitution d’une entité spécifique, dite EDF Vert, ouverte aux capitaux privés, mais qui, nous dit-on, resterait majoritairement détenue par EDF Bleu, peut s’avérer pertinente pour stimuler l’innovation, mais de grandes garanties doivent nous être apportées, et nous en manquons. Je pense notamment au développement de la filière hydrogène, véritable potentialité d’avenir pour EDF. Toutefois, comme d’autres orateurs l’ont déjà indiqué, il me semble nécessaire d’exclure la distribution du champ de compétences d’EDF Vert.

Enfin, l’hydraulique, si précieux pour l’économie des territoires et pour la transition énergétique, doit également rester à l’abri de l’ouverture à la concurrence. Cela doit nous être garanti.

Dans ces conditions, le projet Hercule, s’il voit le jour, devra apporter un certain nombre de garanties ; il devra également être porteur d’une ambition d’avenir pour EDF et permettre que l’entreprise demeure un ensemble complètement intégré et contrôlé par l’État, afin d’assurer une stratégie globale garantissant durablement notre souveraineté énergétique. Nous en sommes loin.

Pour autant, le statu quo, notamment concernant l’Arenh, serait aujourd’hui préjudiciable pour l’avenir d’EDF. C’est pour cela qu’il faut poursuivre nos échanges avec la Commission européenne en faisant preuve de détermination – c’est légitime ! En effet, la France doit être déterminée dans la défense de ses intérêts pour assurer l’avenir de notre géant mondial, garant de notre souveraineté énergétique. Le Parlement doit évidemment être associé à toutes ces démarches en transparence, grâce au dépôt, le moment venu, d’un véritable projet de loi.

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