Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, évoquer l’avenir d’un grand groupe national et international comme Électricité de France, EDF, suscite inévitablement des controverses, mais le projet de réorganisation Hercule mérite mieux que des caricatures « surfant » sur les craintes légitimes des salariés de l’entreprise et des consommateurs.
Au contraire, comme l’a déclaré le Président de la République lors de son discours relatif à la stratégie et à la méthode pour la transition écologique, le 27 novembre 2018, nous pouvons transformer les colères en solutions. Avec EDF, notre pays détient un champion national, mais aussi international. Ce champion dispose d’un parc de production d’électricité parmi les plus décarbonées au monde grâce au nucléaire et à l’hydroélectricité. C’est une chance, et nous pouvons en être fiers, alors que la transition énergétique et la décarbonation de l’économie sont dans tous les agendas.
Le 8 décembre 2020, le Président de la République a rappelé au cours de sa visite de l’usine Framatome du Creusot le choix fait par la France d’un mix électrique reposant sur deux sources décarbonées : le nucléaire et les énergies renouvelables. Il a affirmé à cette occasion que notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire. Le nucléaire, cette énergie non seulement décarbonée et sûre, nous assure également notre statut de grande puissance.
Mais le nucléaire n’est pas la solution unique. C’est pourquoi la programmation pluriannuelle de l’énergie présentée en 2018 a fixé de nouveaux objectifs : le nucléaire devra représenter 50 % du mix énergétique de notre pays en 2035 au lieu de 70 % à l’heure actuelle, et la part de l’électricité d’origine renouvelable dans notre mix énergétique devra passer de 18 % à 40 % en 2030.
Les 10 et 11 décembre 2020, le Conseil européen a donné son feu vert à la proposition de la Commission européenne de fixer comme objectif une réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Avec ce choix de mix électrique national, et pour atteindre cet objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre encore plus ambitieux, il est important pour notre pays qu’EDF continue à jouer un rôle clé dans la transition énergétique.
Pour cela, cette réussite française doit avoir les moyens d’investir, à la fois dans le parc nucléaire existant et de façon massive dans les énergies renouvelables, dans les réseaux et les autres aspects de la transition énergétique comme l’hydrogène propre. C’est d’autant plus nécessaire que, dans le même temps, les principaux concurrents européens d’EDF investissent massivement sur tous ces sujets. Or les mécanismes de régulation économique du nucléaire et de l’hydroélectricité, instaurés il y a plusieurs années, ne sont plus adaptés à la réalité des marchés de l’électricité et ne permettent plus à EDF d’investir dans tous les aspects de la transition énergétique. La régulation actuelle du parc nucléaire existant ne permet ainsi plus de garantir la couverture des coûts et des investissements nécessaires à son fonctionnement.
Depuis la mise en place, en 2011, du dispositif de l’Arenh, en contrepartie de la conservation de son parc nucléaire, EDF peut vendre jusqu’en 2025 environ 25 % de l’électricité produite par son parc nucléaire aux autres fournisseurs privés concurrents. L’objectif initial était d’inciter ces derniers à investir dans la production d’électricité, mais comme l’avait expliqué le président-directeur général d’EDF lors de son audition, le 2 mai 2019, par la commission des affaires économiques du Sénat, ce dispositif revient à ce que des investissements publics subventionnent des acteurs privés, dont certains disposent de moyens considérables, tout en empêchant EDF de profiter du produit de son travail et sans inciter ses concurrents à construire des capacités de production nouvelles.
Dans le même temps, EDF fait face à de nombreux défis, avec son parc nucléaire comptant 56 réacteurs. Initialement estimé à 55 milliards d’euros, le coût des travaux du grand carénage devrait être beaucoup plus élevé. La Cour des comptes l’estime à 100 milliards d’euros. Cela pose la question du financement de ces travaux. Alors que les plus anciens réacteurs en fonctionnement dépassent leur quarantième année d’exploitation, l’allongement de la durée d’exploitation des réacteurs est un enjeu économique majeur.
À cela s’ajoute la revalorisation à la hausse des coûts globaux des EPR d’Hinkley Point et de Flamanville et la construction annoncée de six nouveaux EPR en France. En parallèle, le développement de l’hydroélectricité, deuxième source de production électrique dans notre pays, est bloqué dans l’attente du règlement des contentieux communautaires.
Parce que les Français ne comprendraient pas qu’EDF soit reléguée au son second plan pour relever les défis multiples de la transition énergétique, le projet Hercule de réorganisation du groupe EDF, fruit de négociations européennes particulièrement difficiles, doit permettre à notre champion national de tenir son rang.
Pour autant, notre groupe restera extrêmement vigilant quant à la finalisation de ce projet. Il n’est pas question de démanteler EDF. Cette réorganisation du groupe et de ses activités ne doit en aucun cas casser le fleuron de l’énergie français.