Intervention de Marie-Claude Varaillas

Réunion du 13 janvier 2021 à 15h00
Avenir de l'entreprise edf avec le projet hercule — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Marie-Claude VaraillasMarie-Claude Varaillas :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous sommes au cœur d’une crise sanitaire et économique sans précédent, que chacun s’inquiète des conséquences de la pandémie sur sa vie quotidienne, mais aussi sur notre avenir collectif, le Gouvernement se lance en catimini dans la réorganisation du secteur électrique français.

À la fin de 2018, le Président de la République a demandé à Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d’EDF, de réfléchir à la réorganisation des activités du groupe afin « de renforcer sa contribution à la transition énergétique et de mettre en œuvre les orientations définies dans le plan prévisionnel de l’énergie ». Or il semble aujourd’hui que, loin des enjeux de transition énergétique, c’est bien la poursuite du processus de libéralisation engagé en 1996 qui se profile avec le projet Hercule.

Nous l’avons dit et je pense que nous partageons tous ce constat, le secteur et la filière électrique dans leur ensemble sont des outils stratégiques essentiels. Pourtant, comme cela a été souligné lors du débat d’hier, la sécurité d’approvisionnement reste fragile.

Nous évoluons, par ailleurs, dans un contexte de sous-investissement dans la production électrique, malgré les soutiens financiers colossaux aux fournisseurs alternatifs. En effet, la part des énergies renouvelables est encore largement minoritaire dans la consommation énergétique des ménages et des entreprises, loin des objectifs du paquet énergie-climat.

Celui-ci prévoit, en effet, de réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon de 2030 d’au moins 40 % par rapport à 1990, et de porter la part des énergies renouvelables à 32 %.

Parallèlement, la précarité énergétique augmente dans notre pays, touchant un ménage sur cinq. Pourtant, l’électricité est un bien essentiel et l’accès à l’énergie à un prix abordable est un droit que l’on doit garantir à tous les usagers, car il participe pleinement au droit au logement décent reconnu de valeur constitutionnelle.

L’État dispose d’une responsabilité première sur l’organisation de ce secteur. Si EDF, qu’il détient à 83, 6 %, reste un géant au premier rang mondial, dont le chiffre d’affaires atteignait 69 milliards d’euros en 2018, il n’en demeure pas moins que le groupe est endetté à hauteur de 41 milliards d’euros. Le secteur électrique est fragilisé, en particulier la filière nucléaire. Autrefois fierté de la Nation, elle suscite la défiance depuis l’accident de Fukushima, et l’on s’interroge sur la durée de vie soutenable des centrales pour garantir la sécurité de tous.

Réduire l’activité d’EDF au nucléaire comme l’a laissé entendre le président Macron lors de son discours du Creusot est mortifère. Prétendre résoudre tous les dysfonctionnements en généralisant le marché, en éclatant un peu plus le groupe, en segmentant les activités et en privatisant les énergies renouvelables et le réseau de distribution est un non-sens. Ce serait une fuite en avant, alors que l’urgence climatique exige une planification et des investissements massifs de long terme, incompatibles avec le marché, puisqu’ils exigent une forte maîtrise publique.

Nous le répétons encore une fois, l’avenir d’EDF ne peut se négocier dans l’opacité et le secret, c’est l’affaire de tous.

La réponse du Premier ministre qui explique que « les négociations avec Bruxelles se poursuivent et qu’aucun accord n’a été trouvé à ce stade » peine à nous convaincre.

Il en est de même de la promesse qui a été faite de maintenir une entreprise intégrée. Fabien Gay l’a souligné à juste titre : comment des entités indépendantes pourront-elles être intégrées ? D’autant qu’une note de l’Agence des participations de l’État, datant de mai 2020, nous rappelle que la position de la Commission européenne est claire : il faut démanteler EDF et l’éclater en quatre structures étanches.

Cette position interdit la mise en place d’une stratégie de groupe et de toute politique industrielle cohérente. Pire, elle permettrait que les filiales de la holding EDF se fassent concurrence entre elles !

Que dire enfin de la demande de séparation juridique des activités nucléaires qui interdirait que les bénéfices tirés des investissements déjà amortis ne puissent être réinvestis dans des activités nucléaires nouvelles ?

Enfin, comme cela a été confirmé dans la réponse du Premier ministre aux organisations syndicales, « l’équipement électrique du pays, les prix de l’énergie et l’amélioration du service public sont les grands absents de ce projet ».

Vous comprendrez, mes chers collègues, que, devant les défis économiques, financiers et techniques que devra affronter notre système électrique, qu’il s’agisse du renouveau des réseaux de distribution, de l’augmentation des énergies renouvelables dans le mix énergétique, ou des défis du nouveau nucléaire, nous ne pouvons accepter qu’EDF soit à nouveau découpée et le système électrique livré un peu plus aux intérêts privés, en dehors de tout contrôle démocratique.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons demandé ce débat et qui justifient notre opposition au projet Hercule.

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