Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis 2015 et la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la Commission européenne réclame l’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques françaises exploitées par EDF.
L’hypothèse de mise en concurrence de ces concessions soulève de nombreuses inquiétudes auxquelles ni le Gouvernement ni la Commission n’ont apporté à ce jour de réponse.
Outre leur fonction de production d’électricité, les barrages jouent un rôle essentiel dans l’aménagement du territoire. N’y a-t-il pas un risque à faire passer la rentabilité de ces concessions avant les usages agricoles, touristiques et d’irrigation qui font vivre nos territoires ?
Les conséquences du changement climatique affectent déjà nos ressources en eau. Étant donné l’intérêt stratégique de cette ressource vitale, notre pays ne devrait-il pas plutôt affirmer et défendre sa souveraineté nationale en la matière ?
L’entretien de ces ouvrages est un élément essentiel pour la sécurité des populations. La multiplication d’opérateurs ne risque-t-elle pas de compliquer le travail du gestionnaire de réseau de transport d’électricité, RTE, ou de son successeur, au risque d’augmenter les risques de blackout ? Rappelons en effet que ces ouvrages permettent de gérer les pointes de consommation, mais aussi d’approvisionner nos centrales nucléaires en cas de besoin urgent de refroidissement des réacteurs !
Enfin, cette ouverture à la concurrence ne risque-t-elle pas de faire gonfler le prix de l’électricité française ? Des exploitants privés seront certainement tentés de maximiser leurs profits au détriment des consommateurs.
Lors d’un précédent débat, Mme Élisabeth Borne, alors ministre de la transition écologique et solidaire, a reconnu devant cette assemblée que la situation de notre pays était unique en Europe. En effet, les pays voisins ne sont pas soumis, de par leurs régimes spécifiques, à la même obligation de mise en concurrence de leurs exploitations hydroélectriques.
La conséquence absurde de cette situation, c’est que la France, voulant faire figure de bonne élève aux yeux de la Commission européenne, se retrouverait seule en Europe à ouvrir ses concessions à la concurrence. Le groupe EDF, champion national, perdrait ainsi une part importante de son activité.
Consciente de cette situation, votre prédécesseur avait mentionné des hypothèses de travail visant à éviter la mise en concurrence de nos barrages, grâce notamment à la création de structures publiques à 100 %.
Ces propos font forcément écho aux derniers scénarios du projet Hercule évoqués dans la presse. La création d’une filiale EDF Azur spécialisée dans l’hydroélectricité pourrait, selon le statut qui lui sera donné, jouer ce rôle de structure publique à 100 % permettant d’éviter la mise en concurrence. Encore faut-il que l’intention y soit…
Au cours des derniers mois, madame la ministre, mes collègues parlementaires vous ont régulièrement interpellée sur la mise en concurrence des concessions hydroélectriques françaises. Chaque fois, vous vous êtes contentée d’indiquer que les discussions avec la Commission européenne étaient en cours, et vous vous êtes réfugiée derrière la mise en demeure faite à la France pour ne pas répondre.
Cette situation ne peut plus durer. Nos concitoyens ont besoin et ont le droit de savoir quelle politique mène ce gouvernement. Travaillez-vous à l’arrivée de nouveaux exploitants dans notre pays au nom du libéralisme, ou bien êtes-vous partisane de la défense de notre souveraineté nationale ?
Mes collègues ont été nombreux à vous interroger sur l’état d’avancement des discussions avec la Commission européenne. Je vous demanderai seulement de préciser votre position : êtes-vous oui ou non favorable à la mise en concurrence des concessions hydroélectriques françaises ?