Intervention de Dominique Bussereau

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 19 novembre 2020 à 9h30
Table ronde sur l'actualité des collectivités territoriales avec la participation de m. françois baroin président de l'association des maires de france ; m. dominique bussereau président de l'assemblée des départements de france ; m. renaud muselier président de régions de france ; m. sébastien martin président de l'association des communautés de france

Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des Départements de France :

Merci Madame la présidente, de nous accueillir une fois de plus, et félicitations aux nouveaux collègues sénateurs qui viennent de la rejoindre.

Plutôt que de revenir sur le printemps dernier, s'agissant de la crise, je dirai simplement que nous sommes aujourd'hui dans une situation très différente. Nous étions alors dans l'urgence, dans la colère et dans l'effroi (absence de masques, de surchaussures, de blouses). Devant des difficultés extraordinaires de toutes natures rencontrées par toutes les collectivités (régions, départements, intercommunalités, communes), tout le monde s'y est mis et nous nous sommes aperçus, durant ces trois mois, que sans les collectivités, l'organisation de l'État, au niveau local, n'était pas capable de régler tous les aspects d'une crise de cette nature. Nous avons vu la grande difficulté des ARS à être efficaces, en tout cas dans ma région. L'ARS a été en dessous de tout, notamment en n'informant pas les maires des décès survenus en Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Je ne parle pas des aspects sanitaires mais du relais avec les collectivités et avec les populations, alors que les préfets ont été, comme à leur habitude, efficients, connaissant leur métier, sachant gérer les crises, ce qui n'a pas été le cas des ARS.

Je dois corriger mon propos pour dire qu'aujourd'hui, les choses vont mieux. Olivier Véran a compris ce qui s'était passé. Des changements salutaires ont eu lieu à la tête des ARS. Un certain nombre de caciques ou de personnes inefficaces a été mis de côté. Nous avons désormais des points jour après jour sur la situation dans les EHPAD et en milieu scolaire. L'absence d'information qui prévalait au printemps n'est plus de mise aujourd'hui. J'espère que les autres départements et les autres régions constatent aussi cette amélioration.

L'État a moyennement tiré les conséquences financières de tout cela puisque, concernant les remboursements de masques et autres équipements, nous ne sommes pas d'accord. Il reste un certain nombre de difficultés.

De cette situation résulte une augmentation considérable des dépenses du RSA (+ 5 % en moyenne mensuelle pour certains départements, cette hausse pouvant atteindre 15 %, 20 % ou 25 % dans certains d'entre eux). Cette augmentation a eu lieu durant le printemps et s'est reproduite à la rentrée. Elle va s'amplifier en raison de la mise au chômage de nombreuses personnes et des difficultés rencontrées par les artisans et commerçants qui vont fermer boutique. Comme vous le savez, l'État ne paie que la moitié des dépenses du Revenu de solidarité active (RSA) alors qu'il devrait en payer la totalité. La part à la charge des départements va représenter une dépense de plus d'un milliard d'euros, a minima, l'année prochaine. Nos droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ont beaucoup diminué au moment du premier confinement. Ils se sont redressés et nous avons fait moins appel que prévu au mécanisme d'avance mis en place par le gouvernement. L'absence de visites de biens par les agents immobiliers a cependant suspendu toutes les transactions et nous risquons d'avoir, en novembre et décembre, un impact négatif sur les DMTO. Peut-être serons-nous appelés à aller plus loin dans le recours aux avances mises en place par l'État.

S'agissant de notre situation financière, l'État a partiellement pris en compte nos demandes pour le financement du RSA. Il nous a permis de rester dans le fonds de stabilisation volontaire mis en place par les départements, à hauteur de 1,6 milliard d'euros, étant entendu qu'en 2021 les départements les plus riches ne pourront pas suffisamment aider les moins bien dotés. De ce fait, une dotation supplémentaire de 85 millions d'euros au fonds de stabilisation est prévue portant ainsi la dotation totale à 200 millions d'euros. Nous avons cependant une grande inquiétude, au moment où je vous parle, qui pourrait entraîner une rupture de nos relations avec l'État. Nous venons en effet de nous apercevoir que Bercy n'avait pas intégré dans le projet de loi de finances rectificatives, par une manoeuvre invraisemblable, 115 des 200 millions de cette dotation. Jacqueline Gourault partage notre colère et notre étonnement. La question dépend donc maintenant de l'arbitrage du Premier ministre. S'il est positif, l'incident sera clos. Dans le cas contraire, nous entrerons dans une grave crise des relations entre les départements et l'État, puisque celui-ci aura manqué à sa parole. Je fais confiance à Jacqueline Gourault pour obtenir un arbitrage favorable. Si ce problème est réglé dans les jours à venir, j'en informerai la délégation. S'il n'est pas réglé, vous le saurez car nous réagirons, dans cette hypothèse, de façon très ferme.

Enfin, concernant la décentralisation, cela fait plus d'un an et demi que nous avons adressé à des groupes de travail publics, à différents ministres et au Premier ministre, des propositions pour la décentralisation en matière médico-sociale, en matière de logement, d'environnement, etc. Elles font l'objet d'une discussion avec Matignon. La qualité de la poursuite de cette discussion dépendra du point que je viens d'évoquer. Nous avons agi sur ce point de façon concertée avec Renaud Muselier et François Baroin. Nous faisons en sorte que nos propositions nouvelles en matière de décentralisation, d'assouplissement de la loi NOTRe et d'assouplissement des délégations entre collectivités fassent l'objet d'un processus commun. Nous avons mis en place une plateforme commune et avons présenté un certain nombre de propositions de décentralisation afin d'alimenter la future loi 3D ou 4D. Le Premier ministre nous avait indiqué, il y a quelques semaines, qu'il présenterait un projet en Conseil des ministres début janvier - j'ignore si ce calendrier a évolué.

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